Réparer, ensemble, pour moins jeter, telle est la philosophie des Repair cafés. Dans ces « cafés de réparation », des bricoleurs éclairés remettent bénévolement en état des objets défectueux que des habitants leur apportent.
Tous les samedis matins, à Vauréal (Val-d’Oise), un groupe de passionnés de bricolage se retrouvent dans leur repaire, autour d’un café, le temps d’un « Repair café ». Jean-Claude Martin, bénévole, arrive avec sa boîte à outils. Alors qu’il s’installe, Anne Kattie franchit la porte, les bras chargés. La jeune femme est déjà venue la semaine dernière. Jean-Claude, qui avait diagnostiqué un problème avec le thermostat de son presse-vapeur, change la pièce, achetée entretemps, puis examine son ordinateur portable. Verdict : il souffre simplement d’encrassement. « Sans le Repair café, confie Anne, j’aurais jeté – en ayant mauvaise conscience – mon presse-vapeur qui était beaucoup trop vieux ! Et j’en aurais acheté un neuf. Quant à mon ordinateur, qui n’est plus sous garantie, je l’aurais porté chez un réparateur. Mais cela m’aurait coûté cher. » Sous ses yeux, Jean-Claude a démonté la machine et lui a expliqué patiemment son fonctionnement. « J’ai pu apprendre en observant et en mettant les mains dans le cambouis. Maintenant que j’ai acquis des notions, qui sait ! Petit à petit, je pourrais, un jour, bricoler moi aussi, au lieu de mettre mes affaires à la poubelle. » Et même devenir, à son tour, Repair’Acteur !
La prévention des déchets à la source
L’idée de lieux collectifs de réparation a germé dans la tête d’une journaliste et militante écologiste néerlandaise, Martine Postma, qui a organisé, en 2009, le premier Repair café à Amsterdam. Depuis, le concept a essaimé un peu partout. Selon le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES), il y en aurait près de 400 dans le monde. En France, le concept a été mis en place au printemps 2013 : le 6 avril, trois Repair cafés ont officiellement été lancés à Vauréal, Paris et Nice. En juin 2014, ils sont au nombre de 15 dans l’Hexagone. « Les Repair cafés s’inscrivent dans le mouvement de transition citoyenne, estime Koffi Hukportie, fondateur du Repair café de Vauréal. L’objectif consiste à faire de la prévention des déchets à la source, en amont de la déchèterie. Et à sensibiliser à leur impact sur l’environnement. Il s’agit de changer le regard que l’on porte sur nos objets.
C’est une forme d’invitation à la sobriété heureuse, une lutte pour une consommation responsable, chacun à son niveau. »
Lutter contre l’obsolescence programmée
N’allez pas comparer le Repair café à un service après-vente ! La prestation est gratuite dans la plupart des cas. À chacun sa motivation : « Moi, c’est ma passion pour le bricolage, précise Jean-Claude Martin. Maintenant que je suis à la retraite, j’ai encore plus de temps pour pratiquer ce que j’ai toujours considéré comme un loisir. C’est une magnifique récompense quand on réussit à réparer quelque chose. Sans compter le bonheur de ceux qui repartent avec les affaires auxquelles ils tiennent tant et en ayant fait des économies. » C’est également une façon de valoriser le travail manuel, parfois dénigré. De pallier la disparition des boutiques de réparation de proximité. Et de lutter contre l’obsolescence programmée, cette stratégie commerciale visant à réduire l’espérance de vie des objets. Un beau pied de nez aux industriels qui créent du jetable. « Une fois, se souvient Jean-Claude, j’ai dû me battre pour accéder au moteur d’un mixeur de cuisine : tout était soudé. Il n’y avait aucune vis. » Cela ne pas arrêté notre bricoleur, bien au contraire ! « Mais, souligne-t-il, le temps de travail d’un réparateur professionnel aurait coûté beaucoup plus cher que l’appareil. » Ainsi, au-delà du côté pratique du Repair caéf réside toute une réflexion sur notre société de (sur)consommation. D’ailleurs, les organisateurs des Repair cafés proposent, une fois les objets réparés, de les peser, afin d’évaluer concrètement les déchets évités. « En ces temps de crise, cela fait écho à la résilience, remarque Thibault Lescuyer, l’un des fondateurs du Repair café Paris.
On propose un modèle alternatif où l’on gagne, ensemble, en autonomie. »
Cohésion sociale et éducation populaire
Autre différence avec un SAV : le visiteur doit assister à la réparation et aider, dans la mesure du possible, le bénévole. « Pas question de déposer sa bouilloire cassée et d’aller se promener en attendant ! » prévient Véronique Guyot, présidente du Repair café Sophia-Antipolis à Valbonne et Antibes (Alpes-Maritimes). « La convivialité est essentielle. C’est un moyen de lutter contre l’isolement, de créer une animation locale. On croise des personnes de tout âge, du côté des réparateurs comme du public. C’est très intergénérationnel. Les enfants viennent aussi avec leurs parents pour faire réparer leurs jouets cassés. » En plus de cette cohésion sociale, « la dimension pédagogique est fondamentale. On essaye d’être dans l’apprentissage collectif, l’éducation populaire, la transmission de savoir-faire », renchérit Thibault Lescuyer. Les organisateurs du Repair café Paris accueillent ainsi les gens en leur demandant s’ils ont des notions de bricolage ou l’envie de participer. Si oui, ils les invitent à aller autour de la table d’autoréparation. Là, des outils sont mis à leur disposition et une émulation se crée entre bricoleurs qui, solidairement, partagent leurs trucs et astuces.
À chaque rendez-vous, les files d’attente s’allongent devant l’entrée des Repair cafés. « Ce succès s’explique par la simplicité du concept. On est dans le concret, pas dans la théorie, analyse Thibault Lescuyer. Certains viennent par nécessité financière. D’autres en raison de leur sensibilité environnementale. Conscients de l’urgence qu’il y a à agir contre l’obsolescence prématurée et l’épuisement des ressources de la planète. »
Par Aude Raux
Extrait de la rubrique Idée remuante de Kaizen 12.
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J’ai horreur de jeter et je trouve l’idée du repair café superbe. Je pourrai mettre à disposition un ancien atelier de menuiserie pour un repair café. Mais, j’habite à 30 kms de Clermont-Ferrand. Dans un petit village à proximité de la RD 2089.
Si dans vos réseaux quelqu’un est intéressé, on peut en parler.
Maguy
je trouve cette idée genial et est en phase total avec ma philosophie que c est la socité civile qui fera avancer les choses