Petite cantine bio deviendra grande

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    La recette proposant des plats à base de produits bio et/ou de proximité aux enfants qui déjeunent à la cantine est connue : deux doses égales d’élus municipaux engagés et de producteurs locaux concernés, et un·e cuisinier·ère dynamique. Mixez leurs motivations et vous obtiendrez une cantine citoyenne. Reste alors à goûter…

    Petite cantine bio

    Mise en bouche

    À Mauquanchy, petit village de 250 habitants au cœur de la campagne normande, rien ne laisse supposer que la transition vers un autre monde est en marche. Comme dans les bourgs voisins du pays de Bray, seul le bruit d’un tracteur ou la cloche de l’église viennent perturber le chant des oiseaux. Pourtant, Michel Lavenu, le maire du village, a décidé d’inscrire la gestion de sa cité dans une démarche respectueuse de l’environnement. Question de cohérence avec cette quiétude bucolique ! Trois initiatives témoignent de cette dynamique : la station de phytoépuration 1, la salle des fêtes réalisée avec une ossature en bois et l’approvisionnement de la cantine par des producteurs locaux. Si les deux premiers exemples sont surtout affaire de techniciens, le choix de nourrir la seule classe du village avec des produits de proximité tient davantage d’une réappropriation de la nourriture par chacun.

    Le territoire, un plat de résistance

    Il est 8 heures. Sébastien dépose sa fille à l’école maternelle. Il en profite pour donner quelques betteraves à Nathalie, la cuisinière de la cantine. Pas de camion, pas de palette, pas de chariot rempli de plateaux-repas. Juste un panier qui passe d’une main à une autre. Ce geste symbolise le fonctionnement de la cantine : un lien entre des acteurs locaux. Sébastien Levacher gère une association (Du Coq à l’Âne 2) qui promeut – entre autres – le maraîchage biologique en traction animale. Il fournit chaque semaine des paniers de légumes à dix familles. Alors quand il apprend que le maire de la commune souhaite relocaliser l’approvisionnement de la cantine, Sébastien propose ses services. Produire des légumes pour 26 élèves de maternelle lui semble adapté à sa petite structure (4 000 m² de terres). « Local et bio c’est encore mieux ! » s’enthousiasme le maire.

    Côté cuisine, la première année, Nathalie s’adaptait aux livraisons de légumes que lui apportait Sébastien. À la rentrée suivante, la cuisinière et le maraîcher ont coopéré pour anticiper les arrivages et élaborer des menus en fonction des saisons. Une approche permettant d’apprécier au mieux le travail de Nathalie Delacour qui cuisine « comme à la maison ! C’est l’une des premières ruptures pour les enfants. Il est important qu’ils mangent comme chez maman-papa. C’est un repère rassurant », argumente-t-elle, avant de poursuivre : « Avec les légumes de Sébastien, les assiettes sont englouties. Je ne jette plus rien, c’est l’autre aspect valorisant de la démarche. »

    Une assiette équilibrée

    Après dix-huit mois de fonctionnement, le pari est réussi, même si l’approvisionnement n’est pas à 100% local. Outre les légumes, la viande est aussi livrée par le boucher de la commune voisine. Cette nouvelle gestion contribue à faire vivre l’économie locale, réduire les dégâts environnementaux, initier les enfants à une alimentation saine et de saison tout en permettant à l’inventivité de la cuisinière de s’exprimer, et n’a pas mis en péril l’équilibre financier de la petite cantine. Le prix pour les parents est resté inchangé.

    Quand on sait que 55% des cantines en France ont gardé leur gestion propre, cette belle démarche, dont la dynamique est le résultat de la seule volonté d’un élu, ouvre de nombreuses perspectives !

     

    1 Épuration des eaux usées écologique qui utilise le système racinaire de plantes (types bambous).

    2 www.lecoqalane.fr

     

    Si on le faisait ?

     

    Comment créer une cantine scolaire biologique ?

    1. Créer un groupe avec d’autres parents d’élèves partageant votre envie. Mieux vaut être plusieurs pour être écoutés.

    2. Présenter votre projet :

    – à l’établissement scolaire. Mobiliser les arguments pour convaincre : tous les acteurs de l’école (directeurs, enseignants, personnel de restauration) sont garants de la réussite d’un projet qui concerne à la fois l’alimentation, la santé, l’éducation au goût et à l’environnement ;

    – au maire, responsable de la restauration collective scolaire pour la maternelle et l’école élémentaire.

    3. Rencontrer la filière biologique locale : agriculteurs, transformateurs et vendeurs de produits biologiques sont là pour vous accompagner tout au long de votre projet. Il est fondamental d’apporter dès le départ des propositions concrètes, des études de coût, des adresses de fournisseurs, et de faire converger les intérêts des acteurs locaux. Ainsi, dès la première rencontre avec les personnes concernées, vous serez à même d’apaiser les craintes et de répondre à toutes les questions.

    4. Définir ensemble les objectifs : avec l’aide de la filière biologique locale, tous les acteurs concernés seront amenés à prendre différentes décisions sur des points importants (rythme d’intégration de produits bio dans les repas, sources d’approvisionnement, détermination des menus pour maîtriser les prix, demandes de soutiens financiers à la région, communication sur le projet, étapes de sensibilisation des parents et des enfants, etc.).

    5. Mener une enquête. Elle vous permettra de connaître le taux de sensibilisation et par conséquent le soutien que vous allez recevoir, ainsi que les obstacles que vous devrez affronter. Un des principaux facteurs de réussite pour une cantine bio approvisionnée localement est la présence à l’école ou en ville d’une véritable cuisine et d’une « légumerie » (un espace où les légumes peuvent être lavés, épluchés, etc.). Si ce n’est pas le cas, il est nécessaire de réfléchir avec le maire ou le directeur pour remédier à ce problème. C’est l’élément qui permettra de recevoir et de cuisiner des produits frais.

    6. Prévoir un volet sensibilisation conséquent pour assurer le succès et la pérennité du projet (éduquer les enfants à une alimentation nouvelle, faire découvrir l’origine des aliments et la relation entre agriculture et environnement, entre alimentation et santé, et former le personnel de restauration à l’accommodement de nouveaux aliments).

    Quelles sont les structures qui peuvent vous aider ?

    La Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) anime et coordonne les activités des groupements d’agriculteurs biologiques. Elle les représente à l’échelle nationale. Vous y trouverez la Charte nationale de la restauration collective bio. De plus, elle a créé un site dédié spécialement à la restauration collective biologique : « RepasBio.org – Des repas bio dans les restaurants collectifs ».

    www.fnab.org

    L’association Nature & Progrès réunit des professionnels (producteurs et transformateurs) et des consommateurs. Elle attribue son propre logo fondé sur une charte et un cahier des charges qui va au-delà des exigences légales en matière d’agriculture et de produits biologiques.

    www.natureetprogres.org

    Le mouvement de culture biodynamique et l’association Demeter France se fondent sur une profonde compréhension des lois de la nature et du vivant afin de la respecter au mieux dans les pratiques agricoles.

    www.bio-dynamie.org/producteurs-demeter

    Le WWF France a lancé une campagne et une enquête en décembre 2010 au sujet de la promotion du bio dans les cantines scolaires.

    www.ouiaubiodansmacantine.fr

    Le Syndicat national des entreprises bio est un réseau de 190 entreprises.

    www.synabio.com

    L’association Un plus Bio accompagne les personnes et les structures adhérentes souhaitant introduire progressivement une alimentation de qualité en restauration collective s’appuyant sur le concept « manger Bio ® ». L’association peut aider les acteurs du monde de la restauration collective : élus, parents, gestionnaires, cuisiniers, professionnels de l’éducation, de la santé, du développement rural et de l’agriculture biologique.

    www.unplusbio.org/manger-bio/index.php

    À l’échelon local, agriculteurs et transformateurs se réunissent parfois au sein de structures, comme Gablim pour le Limousin (www.guide-bio-limousin.com) ou Bioconvergence en Rhône-Alpes (www.bioconvergence.org). Vous trouverez la carte de France des cantines se fournissant en bio sur www.macantinebio.wordpress.com/carte-de-france-cantines-bio.

    Conseils

    On accuse souvent l’agriculture biologique d’être trop onéreuse et donc incompatible avec la restauration collective. Si le surcoût est bien réel, il faut en comprendre les raisons et considérer avant tout qu’il est minimisé dès lors qu’il entraine un éveil de l’activité économique locale. Par ailleurs ce surcoût peut se justifier. En effet, l’aliment biologique est un aliment de qualité, qui nécessite davantage de main-d’œuvre pour un rendement à l’hectare inférieur. Le prix inclut également les frais de certification et de contrôle du produit. Enfin, les agriculteurs bio perçoivent moins de subventions que les autres.

    Mais ce surcoût est relatif et maîtrisable : un repas bio n’augmente que de 10 à 15% le coût d’un repas ordinaire, soit entre 0,48 € et 0,60 € par repas. En effet, l’augmentation ne concerne que les matières premières, qui ne représentent que 20 à 30% du coût total d’un repas.

    Petits plus pour un moindre coût :

    – Remplacer les protéines animales par des protéines végétales, d’aussi bonne qualité, permet de réduire sensiblement les coûts ;

    – Privilégier les aliments de saison, beaucoup moins chers ;

    – Choisir les produits locaux afin de diminuer les frais de transport ;

    – S’adresser à des fournisseurs spécialisés en bio pour éviter trop d’intermédiaires ;

    – Préférer des produits moins coûteux et des recettes simples.


     

    Pour aller plus loin, lire la fiche pratique Colibri

    2 Commentaires

    1. Les conseils en fin d’article sont très appréciables, c’est du concret ! Concernant le surcout entraîné par le passage au bio en cantine scolaire peut aussi être contenu en luttant contre le gaspillage, souvent les portions ne sont pas parfaitement adaptées aux enfants et beaucoup de restes sont jetés…

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