Park Slope Food Coop, le supermarché collaboratif de Brooklyn

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    À la coopérative Park Slope Food Coop de Brooklyn, tous les membres sont actifs et récoltent les fruits d’un travail partagé.

    Alison
    © Christelle Gérand

    À première vue, rien ne distingue la Park Slope Food Coop d’un autre supermarché. Pourtant, le prix des produits – généralement bio et locaux – y est en moyenne 40 % moindre que dans les autres magasins new-yorkais. En charge de la réception de livraisons, de l’approvisionnement, de la caisse, du ménage, et même des gardes d’enfants pendant que les parents font leur courses : des membres de la coopérative. Tous participent au bon fonctionnement du supermarché pendant 2 h 45 chaque mois.

    Lorsque la Park Slope Food Coop a été créée en 1973, elle ne faisait pas exception. « À l’époque, les coopératives reposaient vraiment sur l’idée de coopération, se souvient Joe Holtz, l’un des dix fondateurs, aujourd’hui directeur général. Il ne s’agissait pas seulement d’investir ensemble comme souvent aujourd’hui. Dans les années 1970, personne n’aurait pensé à un modèle où les membres ne prendraient pas part au travail. » Mais la formule ne fonctionne pas, faute de volontaires pour huiler la mécanique. Les unes après les autres, les grosses coopératives abandonnent l’idée de partage des tâches.

    La Park Slope Food Coop a elle aussi connu des difficultés. « Les membres ne s’inscrivaient pas sur le tableau des tâches à effectuer. Quelques-uns faisaient tout le travail, mais ils se sont vite épuisés, ou ont voulu retourner s’occuper de leur famille ou gagner leur vie », poursuit Joe.  Avec le recul, il reconnait avoir été « un peu naïf ». Mais dès 1974, lui et ses acolytes trouvent la parade, en établissant un système organisant efficacement les tâches. Surtout, ils mettent en place la signature de la coopérative : ceux qui n’y travaillent pas ne peuvent pas s’y approvisionner. « C’était une idée scandaleuse dans un pays libre, mais ça nous a rendus plus forts. Les gens qui travaillaient se sentaient plus reconnus ». Le no work no shop était né.

    Un acte civique

    La coopérative compte dorénavant 16 200 membres et 2000 m2, pour 70 salariés. Les « clients-travailleurs » se répartissent toutes les tâches quotidiennes nécessaires à la bonne marche du lieu, tandis que les salariés gèrent les commandes, les assurances et la comptabilité. Une grande équipe à l’échelle de l’activité : la coopérative est ouverte 7/7j, 365 jours par an, jusqu’à 22 h !

    Merav
    © Christelle Gérand

    Linda Harris y fait ses courses depuis plus de 15 ans. « Au départ je suis devenue membre pour les prix, admet cette sexagénaire enjouée. Maintenant j’apprécie de plus en plus l’aspect communautaire et la bonne ambiance du magasin ». Merav, une trentenaire qui fait la liste des épices manquantes et remplit les rayonnages, a été attirée par la variété des produits mais ne raffole pas du travail à effectuer. Pour cette artiste en vue, « 2 h 45, c’est trop long ». Quant à Alison, qui estampille des poivrons bio, elle est ravie d’y dégoter des produits aux tarifs avantageux pour sa fille allergique au gluten, et d’y avoir trouvé un groupe de personnes qui partagent les mêmes préoccupations qu’elle. Au fil des mois et des amitiés qui se créent, on trouve de nouvelles bonnes raisons de venir, parfois de loin. La coopérative n’est d’ailleurs pas représentative du quartier de Park Slope, Blanc et aisé. On y trouve 90 nationalités différentes, tous âges et tous milieux sociaux.

    La Park Slope Food Coop s’illustre par son engagement politique. À l’origine, elle bannissait les produits de l’Afrique du Sud sous apartheid et le raisin du Chili de Pinochet. Plus récemment, toutes les marques détenues par Coca-Cola ont été exclues, pour lutter contre leur exploitation des ressources naturelles des pays en voix de développement. Les bouteilles en plastique ont également disparu des rayonnages.

    Quant aux invendus, ils sont donnés à la soupe populaire ou aux jardins communautaires pour faire du compost, selon l’état des produits. Aude, une expatriée membre de la coopérative depuis trois ans, en vient à qualifier sa présence d’ « acte civique ».

    Coopération entre coopératives

    La coopérative a cessé de s’étendre il y a trois ans : le ballet incessant des camions de livraisons commençait à poser problème dans ce quartier résidentiel. Sans compter l’attente en caisse, qui dépasse la demi-heure durant le weekend.

    Les fondateurs n’excluent pas l’idée d’une annexe. En attendant, d’anciens membres très investis fondent des coopératives similaires. Aucune n’est encore capable d’ouvrir 365 jours par ans et de subvenir aux besoins d’autant de familles, mais elles bénéficient toutes des conseils avisés du directeur Joe Holtz. Les membres de la coopérative de Park Slope qui voudraient aider les nouveaux venus se voient offrir des crédits de travail. Joe conseille jusqu’en France où la Coopérative de la Louve est désormais ouverte à Paris sur le même modèle. « On prend les principes coopératifs au sérieux », explique Joe. Ils sont affichés sur le mur de la salle de conférence. Il énonce le sixième : « coopération entre coopératives ».

     

     

     

    Christelle Gérand

    Article extrait de © Kaizen 12

     


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