Parité femme-homme : la Suède montre l’exemple

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    La Suède est aujourd’hui classée quatrième pays le plus paritaire du monde après l’Islande, la Finlande et la Norvège et le premier à avoir significativement réduit l’écart entre les deux sexes sur le lieu de travail, à l’école et à la maison [1].

    « Les Suédois ont mené un combat important en reconnaissant que la question du sexe doit être abordée partout », affirmait Maria Arnholm, ministre suédoise de l’égalité des genres entre 2013 et 2014 [2]. Aujourd’hui, la parité homme-femme est devenue une norme dans le pays.  C’est comme le recyclage, les gens l’appliquent sans y penser », résumait-elle.

    Il n’en a pas toujours été ainsi. Les femmes doivent beaucoup au mouvement féministe des années 1970, qui a impulsé une évolution de leur condition dans les décennies suivantes. Un mouvement couronné dans les années 1990 par de grandes réformes du système social menées activement par le gouvernement. Celui-ci a notamment imposé l’intégration des femmes à tous les échelons politiques dès 1994. Le parlement (Riksdag) est alors devenu plus paritaire, avec 40 % de femmes en 1994, puis 47 % en 1998. Le gouvernement compte aujourd’hui 13 femmes ministres sur 23. Les postes de direction au sein des collectivités locales et régionales sont occupés par des femmes à 64 %. Autre point positif : la part de femmes dirigeantes, tous secteurs confondus, a atteint 37 % en 2012, contre 13 % en 1990.

    D’autres lois ont suivi en 1998 et 1999, interdisant les violences envers les femmes et l’achat de services sexuels. Plus tard, la loi contre la discrimination de 2009 a imposé aux employeurs du secteur privé la mise en place de mesures strictes visant à atteindre l’égalité entre hommes et femmes sur le lieu de travail. Celle-ci consistant entre autres à mettre un terme au harcèlement, à la pénalisation des mères en congé parental ou aux écarts de salaires, estimés aujourd’hui à 6 % en moyenne dans ce secteur. De l’avis d’Anita Göransson, professeure universitaire à Linköping et Uppsala et spécialiste de l’égalité des genres, « le plus mauvais équilibre entre hommes et femmes se situe aujourd’hui dans le secteur privé. Les métiers de la culture et des médias, de l’enseignement ou même les vocations religieuses sont plus paritaires ». L’archevêque de Suède et l’évêque de Stockholm sont des femmes. La première est mère de cinq enfants, la seconde est la première femme évêque homosexuelle au monde.

    La protection sociale, vecteur de parité

    C’est le régime de protection sociale qui a le plus largement contribué à gommer les différences sociales et professionnelles entre hommes et femmes. Dès 1974, les congés parentaux ont été proposés aux deux parents. En 1995, les pères ont bénéficié d’un congé parental obligatoire d’un mois. Depuis 2012, les deux parents ont droit à 480 jours au total, dont deux mois incessibles pour le père et deux pour la mère [3]. Les jours restants se partagent selon les disponibilités de chacun, l’ensemble de ces congés étant indemnisé par l’État à hauteur de 80 % du salaire. Soucieuses de leur image, certaines grandes entreprises paient la différence. Les parents peuvent choisir de prendre les congés d’un bloc ou de les fractionner en jours ou semaines aux périodes de leur choix dans un délai de 8 ans après la naissance de l’enfant. Pour ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas rester à la maison, les mairies sont tenues de proposer une place en crèche à tous les enfants de plus d’un an dont l’un des parents travaille.

    Progressivement, le changement des mentalités a aussi suivi ces nouvelles mesures. « Même si les femmes de plus de 30 ans restent généralement à la maison plus longtemps que les hommes, la jeune génération estime qu’il est normal de partager la garde de l’enfant », affirme Anita Göransson. Les jeunes pères tiennent à établir de bonnes relations avec l’enfant dès son plus jeune âge. Il est naturel par conséquent de voir aujourd’hui de nombreux hommes se promener avec leurs enfants dans les lieux publics. « Les pères se sentent mieux dans les bacs à sable, résume Otto, jeune papa à Stockholm, parce que ceux qui savent changer les couches ont une image plus sympa que ceux qui se préoccupent seulement de leur carrière. » Certains pères plus âgés ont eu l’idée maladroite de poser le congé paternité pendant la saison de la chasse à l’élan ou les coupes du monde de football, un phénomène dénoncé par les féministes, au même titre que l’absence du père au domicile familial au détriment de la mère.

    Encore des efforts

    Il existe des ombres au tableau de cette parité en pleine évolution. La Loi sur l’égalité des sexes a disparu en janvier 2009 pour être incorporée dans un texte plus général sur la discrimination. La violence domestique demeure un problème pressant, tout comme le viol, qui a augmenté au cours des dernières années. « Le problème porte en partie sur le fait que les victimes de viol sont souvent considérées comme responsables de ce qui leur arrive en raison de leur tenue ou de leur comportement », déplore Johanna Palmström, journaliste. Mentalités encore. On note aussi une plus large proportion du travail non rémunéré (garde d’enfants, travaux ménagers, soins aux membres âgés de la famille) mené par les femmes.

    Anita Göransson est confiante. Selon elle, l’égalité des genres repose sur l’idée que la société est faite de parité : « Plus les femmes occuperont un rang professionnel élevé dans la société, moins on constatera de stéréotypes sur la parité hommes-femmes. Par exemple, en Suède, la majorité des doyens d’universités sont aujourd’hui des femmes (58 %). Il devient difficile de prétendre que celles-ci ne sont pas douées pour la direction des affaires. Cette idée reçue persiste encore trop dans les pays où le management est encore un monopole masculin. Ainsi seule la réalité peut réfuter ces stéréotypes. »

     

    [1] Cet écart, dont le taux s’élève aujourd’hui à 80 %, se mesure dans cinq domaines : la participation économique ; les opportunités de travail ; la participation à la vie politique, la réussite scolaire et la santé/bien-être.

    [2] « Boys Won’t Be Boys », article de Lisa Abend publié dans Time magazine, 4/11/2013.

    [3] Site de la Sécurité sociale suédoise (accessible en français) : www.forsakringskassan.se

    Extrait du dossier de Kaizen numéro 12, réalisé par Cécile Cros, Marie Lescroart et Pascal Greboval.


    Lire aussi : L’éducation primaire et secondaire en Suède : l’affaire des mairies

    Lire aussi : Faut-il suivre le modèle suédois ?

    3 Commentaires

    1. Ce qui m’interpelle toujours dans ce type de discours, c’est qu’on prone une parfaite égalité qui aboutit à des discriminations inverses :
      Par exemple, en Suède, la majorité des doyens d’universités sont aujourd’hui des femmes (58 %).

      Il n’y a donc pas parité , mais une sur-représentation de femmes parmi les doyens d’université. Cela n’interpelle pas l’auteur.. parce que c’est en faveur des femmes. Il y aurait 58% d’hommes, alors ce serait anormal selon la logique d el’auteur de cet article…

    2. « D’autres lois ont suivi en 1998 et 1999, interdisant les violences envers les femmes … »: par contre en ce qui concerne les violences envers les hommes, on peut y aller!…

    3. Etudiante en Sciences de l’éducation, option sociologie du genre – même trois ans après je souhaite expliquer mon avis au sujet du commentaire de « LeSage » (ceci n’est pas une prise à partie, juste une réflexion).

      Je pense qu’à ce moment la, nous pouvons aussi y voir de la discrimination envers tous. L’égalité parfaite n’existe pas, les femmes sont elles tant gênante que ça ? Et les hommes dans les autre domaines le sont ils aussi ? Ne sont elles pas aussi nombreuses pour le simple mérite de leurs capacités ? A voir le mal partout, on ne vois plus le bien.

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