Ce 4 septembre, Bordeaux accueille le Sommet international des jeunes agriculteurs. Organisé par Les Jeunes Agriculteurs et l’Afdi (Agriculteurs français et développement international), il réunira des agriculteurs et des politiques venus de différents pays. Le principal sujet traité sera l’importance de l’agriculture familiale.
« L’ONU ayant déclaré 2014 année internationale de l’agriculture familiale, le Sommet insistera sur l’importance et les atouts de l’agriculture familiale, confrontera les problématiques et les solutions, en définira les enjeux… Avec un temps fort : la signature d’un manifeste », précise Thomas Diemer, président du syndicat Jeunes Agriculteurs (JA). Autre temps fort : la venue de 14 jeunes agriculteurs de pays en développement, invités par les JA et l’Afdi. Pendant dix jours, ils vont rencontrer leurs homologues français pour échanger, partager les expériences et les savoirs, observer le modèle français, l’organisation des JA, les mécanismes d’aide et d’installation…
Des problématiques communes
Venant du Kosovo, de Colombie, du Cambodge, de Madagascar, de Tunisie ou du Cameroun, ces 14 jeunes aux profils différents ont des objectifs communs. L’un d’eux est d’acquérir la reconnaissance du statut d’agriculteur familial. « Chez nous, l’agriculture n’est pas reconnue comme un métier. L’État décide dans ses bureaux du type d’agriculture à mener », déplore le Sénégalais Blaise Diyabaké, producteur d’arachides. Même constat pour Krushë Rahovec, vice-président de l’association des producteurs de fruits et légumes du Kosovo. « Nous sommes sortis de la guerre il y a quinze ans et rien n’est organisé. Nous avons des problèmes avec les coûts de production, les terres trop petites, les intrants très coûteux ; nous n’avons pas assez de techniques et de technologies. Les paysans produisent comme ça, un peu au hasard, sans encadrement ni conseil. Nous avons besoin de tout structurer. Je suis venu en France pour rencontrer mes homologues dans le maraîchage, voir comment est structurée la filière et comment fonctionnent les coopératives. »
Pour Richard Razafindrabary, vice-président de la chambre d’agriculture de Madagascar, le problème est l’accès au foncier. « Il est très difficile d’accéder au foncier, car le droit de propriété revient aux aînés ou à la collectivité, et les terres sont achetées par des investisseurs qui privilégient l’exploitation minière. Les exploitants deviennent des paysans sans terre », déplore-t-il. Pour Alphonse Djam, de la confédération nationale des producteurs de cacao et de café du Cameroun, « l’achat des terres par les riches freine la production de cacao et, d’ici dix ans, cela va poser un réel problème. Cela est dommage, car nous sommes parmi les premiers producteurs mondiaux et plus de 40 % des jeunes se lancent dans l’agriculture. Nous devons nous orienter davantage vers la polyculture. Je suis venu en France pour mieux connaitre l’aspect pratique : quand on veut se lancer dans une production ? Comment faire ? À qui s’adresser ? Où se former ? » Mais sa préoccupation première reste la commercialisation. « Nous voulons une vente regroupée et nous avons besoin pour cela de partenaires chocolatiers et de coopératives. »
Accès au foncier, rachat des terres, commercialisation, exode rural, absence de structuration… Autant de problématiques partagées par les pays en voie de développement. Avec aussi ce constat qui est sur toutes les lèvres : la difficulté d’accès au crédit et les taux excessivement élevés freinent l’installation des jeunes agriculteurs qui ne peuvent acquérir les moyens de production. À Madagascar, « ils sont moins de 34 % et il y a de moins en moins de jeunes agriculteurs », pointe Richard Razafindrabary qui, en 2012, pour endiguer ce phénomène, a fait du lobbying auprès des décideurs avec l’appui de l’Afdi. Même constat partagé par les délégations de Colombie, du Cameroun, de Tunisie et du Cambodge où les taux d’intérêt oscillent entre 11 % et 30 %.
Ces difficultés communes seront évoquées au Sommet, et les jeunes agriculteurs eux-mêmes apporteront leurs réflexions et leurs propositions de solutions afin de valoriser et soutenir l’agriculture familiale, primordiale pour demain. Comme le résume Olivier De Schutter, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation : « L’investissement dans l’agriculture familiale a des effets multiplicateurs sur l’économie locale, dans les industries de transformation, les services, la commercialisation. Elle peut créer des emplois, favoriser le développement rural et réduire l’exode vers les villes. En 2050, dans une Terre comptant 9 milliards d’habitants, les besoins alimentaires auront augmenté de 70 %. Il est donc vital de maintenir et renforcer ce type d’agriculture, pour ne pas laisser les terres à la finance. »
L’agriculture familiale en chiffres
L’agriculture familiale, c’est 40 % de la population active mondiale et 96 % des emplois créés dans les pays en développement.
Par Pauline Garaude