Le 26 juin 2014, le think tank Terra Nova a mis en ligne une note interrogeant la soutenabilité économique, environnementale et sociale de la transition énergétique allemande. En voici quelques extraits.
Le bilan de la transition énergétique allemande divise en Allemagne comme en France. Engagée depuis le début des années 2000, l’Energiewende (littéralement, « tournant énergétique ») se traduit par un double objectif : baisse volontariste des émissions de gaz à effet de serre et sortie du nucléaire. Ce dernier objectif, repoussé une première fois avec l’arrivée au pouvoir de la coalition CDU-FDP, a été réaffirmé après l’accident de Fukushima pour une sortie définitive d’ici 2022.
Objectifs et état des lieux
La réforme de la loi allemande sur le nucléaire en 2002 s’inscrit dans un projet plus large de transition énergétique qui établit des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (- 80 % à l’horizon 2050 par rapport à 1990), de réduction de la consommation d’énergie primaire (- 50 % en 2050 par rapport à 2008), et de développement des énergies renouvelables (qui doivent couvrir 80 % de la consommation d’électricité et 60 % de la consommation d’énergie finale à l’horizon 2050).
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La transition énergétique allemande est-elle soutenable ?
Soutenabilité économique
Le débat sur la soutenabilité économique de la transition allemande a tendance à se concentrer sur son coût, et en particulier sur la facture considérable des énergies renouvelables électriques. Le montant total des investissements pour ces dernières s’élève à près de 120 milliards d’euros sur la période 2005-2012, soit environ 15 milliards d’euros par an. Ces investissements sont financés par le consommateur final, sachant qu’une part du coût d’investissement est intégrée dans le prix de marché, et donc que seul le surcoût des énergies renouvelables par rapport au prix de marché est financé dans la contribution à l’Energiewende.
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L’ensemble de ces chiffres ne traduit cependant pas un surcoût net. Celui-ci est plus difficile à estimer, car il faut pouvoir le comparer à un scénario hypothétique où les centrales nucléaires qui auraient de toute manière dû fermer auraient été remplacées par d’autres moyens de productions non renouvelables.
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En sus des coûts et des effets de transfert, le bilan économique global de la transition énergétique allemande doit prendre en compte les nombreux bénéfices induits par cette politique.
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Si le bilan économique des politiques de soutien aux énergies renouvelables continue à faire débat, celui des politiques de rénovation énergétique apparaît clairement positif. Une évaluation réalisée par la KfW montre que les 1,4 milliard d’euros mobilisés sur le budget fédéral en 2010 ont permis de générer entre 6 et 11 milliards d’euros de bénéfices nets sur les budgets publics et induit près de 200 000 emplois (directs et indirects). Ces résultats positifs devraient en théorie amener le gouvernement allemand à renforcer la politique d’efficacité en lui attribuant des moyens plus conséquents. Cela est nécessaire pour atteindre l’objectif d’un doublement du rythme de rénovations mais est aussi pertinent pour soutenir l’activité économique.
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Soutenabilité environnementale
Si la réduction du risque et des déchets nucléaires reste l’objectif environnemental le plus médiatisé de la transition énergétique allemande, celle-ci s’inscrit aussi dans une politique ambitieuse de baisse des émissions de gaz à effet de serre.
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Le contenu carbone du mix électrique n’est qu’une des composantes de la politique climatique concernant le secteur énergétique. Comme le montre l’évolution par secteur des émissions de gaz à effet de serre en Allemagne, des efforts substantiels restent nécessaires dans l’industrie, les transports et le bâtiment.
L’efficacité énergétique et la production de chaleur renouvelable ont déjà grandement contribué à la baisse des émissions dans le bâtiment (- 30 % entre 1990 et 2013) et dans l’industrie (- 32 %) sur la même période. Cependant les émissions restent stables dans le secteur automobile et ne baissent plus depuis 4 ans dans l’industrie (hors production d’énergie). Le recul sur le règlement européen concernant les émissions des véhicules neufs d’une part, et les difficultés du marché ETS d’autre part sont deux des causes principales du retard constaté. Dans ces cas, l’industrie allemande a pesé lourdement dans les négociations européennes pour retarder toute ambition forte. C’est là un des paradoxes majeurs de la transition énergétique allemande : pilier de l’économie allemande, l’industrie est tout à la fois le premier acteur et le premier opposant à la transition quand celle-ci met en péril ses intérêts.
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Soutenabilité sociale
C’est enfin l’acceptabilité sociale des mesures politiques prises en Allemagne qui doit être examinée pour comprendre la soutenabilité de l’Energiewende sur le long terme. Les sondages réalisés montrent une opinion contrastée des Allemands : 89 % des sondés considèrent l’Energiewende importante mais seuls 42 % la considèrent bien menée. Concernant la dynamique des énergies renouvelables, les réponses sont encore plus étonnantes : 51 % considèrent que le développement des énergies renouvelables est trop lent et 30 % pensent qu’il se fait à un bon rythme. 59 % des sondés par ailleurs considèrent que la transition est bonne pour l’industrie contre seulement 15 % qui pensent au contraire qu’elle est mauvaise.
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Si les Allemands sont dans la moyenne européenne (comme les Français) pour considérer comme importantes les politiques énergétiques et la réduction des importations ou la lutte contre le changement climatique, ils sont par contre parmi les plus nombreux en Europe à s’impliquer individuellement. Ainsi deux tiers des Allemands disent avoir pris des actions pour lutter contre le changement climatique contre seulement 50 % en France et en moyenne en Europe.
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L’émergence de projets citoyens a aussi été soutenue par l’organisation très décentralisée de la distribution d’énergie avec environ 800 régies municipales (Stadtwerke). Avec les collectivités locales, elles ont pu devenir sociétaires de coopératives apportant un gage de confiance et de pérennité, mais également la compétence technique requise pour les projets. Les collectivités locales ont aussi facilité le montage financier (notamment par une garantie publique) ou mis à disposition des toits ou des terrains.
Pour une transition énergétique franco-allemande partagée
Dans la dernière partie de cette note, Terra Nova propose des pistes de collaboration franco-allemande pour développer la transition à l’échelle européenne. Aux gouvernements de s’en inspirer ?
Avant toute, l’Energiewende est soutenable car ayant de la memoire – eux – , les Allemands ont calcule qu’un accident nucleaire serait insoutenable.
De plus aujourd’hui la Tunisie, l’Algerie, le Maroc s’ouvrent aux EnR, et ca n’est pas des entreprises et des consultants francais qui raflent le marche mais de Allemands !!!
La façon de citer l’article en supprimant des passages est assez malhonnête, surtout que les coupes sont ici clairement orientées.
Il aurait fallu faire une synthèse reprenant les aspects positifs comme négatifs sur chaque partie, ou alors ne rien dire du tout et laisser les lecteurs lire le rapport entier.
En particulier ces passages sont pertinents et ne peuvent être supprimés sans changer le sens du rapport:
« Alors que les émissions du secteur électrique allemand ont baissé de 18 % entre 1990 et 2009, elles ont augmenté depuis et la baisse n’est plus que de 11 % en 2013 par rapport à 1990. Tandis que plusieurs centrales au gaz ont été arrêtées (baisse de 26 % soit -23,3TWh entre 2010 et 2013), les centrales à charbon (houille et lignite) bien plus polluantes les ont compensées. La production à base de charbon a ainsi augmenté de 9% sur la même période (2010-2013) soit 23,1 TWh et atteint 47 % de la production électrique »
« Une forte inquiétude pèse enfin sur la soutenabilité sociale de la transition énergétique allemande en raison de la forte augmentation de la précarité énergétique. Entre 2008 et 2011, le nombre de ménages dépensant plus de 10 % de leurs revenus nets dans l’énergie est passé de 13,8 % à 17 %, soit près de sept millions de ménages. Cette forte hausse s’explique par deux facteurs concomitants : la première est sans doute l’augmentation de la pauvreté et des situations de précarité en général, vient ensuite l’augmentation des prix des énergies (et pas seulement de l’électricité) face à laquelle les ménages les plus pauvres ont des marges d’adaptation limitées, n’ayant pas la capacité de faire
des travaux de rénovation énergétique ou d’acheter des équipements performants. »
En tous cas, lisez le rapport entier, il est très instructif, clair et équilibré! Les pistes proposées en fin de rapport sont aussi très pertinentes.
L’article ne parle pas des nouvelles centrales à charbon que E.Merkel a fait construire, ni de la reprise de l’extraction du charbon dans la région de Cottbus (ex. DDR). Ni non plus que les importations de électricité proviennent en majorité du nucléaire français.
Il ne s’agit pas de « casser » l’idée de la transition énergétique car chaque « petits pas » dans ce sens est nécessaire et bienvenue, nous sommes d’accord, mais il ne faut pas non plus se mettre des œillères pour pouvoir crier cocorico!
Les chiffres cités dans ce rapport sont dangereux cat ils cachent une réalité tout autre : nous pourrions généraliser ces chiffres, concernant la production d’énergie, à la pollution en général. Or, c’est exactement l’inverse qui se passe! Nous n’avons jamais autant pollué qu’aujourd’hui car jamais autant produit!
Nous sommes très loin d’être arrivé et il faut rester extrêmement conscient de ce fait, sinon la dernière micro-chance que nous avons (peut-être) encore de sauver la Terre (et nos enfants avec) s’envolera!