ZAZ : Vivre nos rêves

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    Zaz est devenue en quelques années une figure incontournable de la chanson française. Pour elle, faire ce que nous aimons est la première façon de changer le monde. Entretien…

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    Cyril Dion : Avez-vous toujours été musicienne ?

    Zaz : Mes parents nous ont inscrits au conservatoire avec mon frère et ma sœur. Ma famille raconte que petite, je chantais tout le temps. À quatre ans, j’ai décrété que je serai chanteuse. Quand j’en parlais autour de moi les gens me riaient au nez, mais dans ma tête il n’y avait aucun doute. J’ai toujours senti que cela serait utile, que j’étais sur terre pour aider à changer des choses.

    Que vouliez-vous changer ?

    Ma vision du monde ne collait pas avec ce que je voyais à l’extérieur. Je trouvais que les gens ne se respectaient pas, ne faisaient pas attention à la nature… J’avais tendance à excuser tout le monde mais en grandissant je me suis rendu compte qu’être gentil ne marchait pas. Alors je suis devenue plus dure. En colère. J’étais très en colère à l’adolescence.

    Contre quoi ?

    L’injustice. La société qui tournait à l’envers. Comme j’étais très émotive, très sensible, je me suis sentie de plus en plus mal. Et forcément à attirer des personnes qui n’allaient pas bien non plus, à provoquer des situations conflictuelles, difficiles. Jusqu’à un point de rupture, à 21 ans. Je me suis dit que le monde ne changerait pas mais que moi, je le pouvais. Plutôt que de continuer à me positionner en victime, j’ai décidé de tout faire pour être heureuse. J’ai compris que mes difficultés venaient aussi de moi, même s’il y avait de réelles incohérences dans le monde qui m’entourait.

    Et ça a marché ?

    Quand j’ai décidé de lâcher cette carapace de rebelle, de provocatrice, j’ai perdu une certaine force. J’avais conscience que c’était inévitable si je voulais me construire une base plus solide. Et j’ai constaté qu’en faisant quelque chose qui rend heureux, on apprend beaucoup plus vite. C’est magique ! La connexion à la nature m’a aidée à passer ce cap. J’y ai trouvé un lien plus simple qu’avec les humains. Sans méchanceté. Et j’ai beaucoup lu.

    Ce lien à la nature est-il toujours quelque chose d’important pour vous ?

    Elle me fait du bien, c’est une professeure incroyable. Le drame de l’humanité est d’avoir perdu le contact avec elle. Nous en avons besoin, physiquement et spirituellement. Je vais souvent en montagne ou dans la forêt. J’essaye d’apprendre comment tout cela fonctionne, comment on peut se soigner avec les plantes. Je m’intéresse beaucoup au chamanisme par exemple.

    Que signifie pour vous la spiritualité?

    C’est tirer nos leçons de notre propre vécu. Ce qui est bon pour autrui ne l’est pas forcement pour soi. Il n’y a pas de chemins identiques, je trouve dangereux de croire à une chose sans l’expérimenter. La spiritualité consiste à trouver le sens du sacré dans sa vie de tous les jours : mettre de la conscience dans ses actes, apprendre à se connaitre, définir la racine mère qui nous pousse à penser, parler et agir. Puis sentir si les choses nous plaisent ou non et les transformer jusqu’à ce qu’elles deviennent ce à quoi nous aspirons profondément. C’est aussi être en relation, en communion libre et consciente avec les autres, le cœur libre de toute peur. Trouver sa place, son instrument dans le grand orchestre de la vie.

    Chacun a son rôle, sa mélodie, sa vibration particulière à jouer.
    Pour moi, la spiritualité, c’est faire en sorte que cette vibration soit la plus pure possible pour inciter les autres à jouer, à briller ensemble.

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    Après ces prises de conscience, comment avez-vous évolué ?

    J’ai suivi la formation du CIAM à Bordeaux. Je me suis alors retrouvée avec de vrais musiciens et j’ai pu m’essayer à tous les genres musicaux. Puis j’ai passé une audition pour chanter dans un orchestre de bal. J’ai été prise et j’ai gagné mon premier chèque. Ça devait être quelque chose comme 80 euros. La première année, j’ai appris. En trois mois, j’ai engrangé les cachets pour devenir intermittente du spectacle. J’étais payée pour chanter et je trouvais cela incroyable. Puis j’ai commencé à m’ennuyer. Quitter l’orchestre voulait dire perdre mon intermittence 1 mais j’ai tout de même choisi de partir – j’ai toujours fait confiance à mon intuition, on m’a d’ailleurs souvent reproché des choix qui paraissaient inconsidérés…

    Que s’est-il passé alors ?

    J’ai été membre d’un groupe à Angoulême, puis je suis montée à Paris, où j’ai d’abord chanté au cabaret Les Trois Mailletz. Lorsque j’en suis partie, c’était à nouveau le saut dans le vide. Ne trouvant pas de boulot, j’ai décidé d’aller chanter dans la rue. Ça a duré un an, à Montmartre. Dans le froid, sous le cagnard… Et un jour tout s’est débloqué. Martine Valo, une journaliste du Monde, a flashé sur moi et a fait un portrait d’une pleine page dans le journal. Dans le même temps, j’ai répondu à une petite annonce qui disait « cherche une voix cassée un peu rauque ». J’ai appelé le gars qui m’a proposé de faire un album. Je n’étais pas fan de « Je veux 2 » que je trouvais trop simple, mais je n’avais rien à perdre alors j’ai donné tout ce que je pouvais. En très peu de temps, ça a marché…

    J’avais huit loyers de retard…

    Vous avez l’impression que si on le choisit vraiment, on peut faire ce que l’on aime ?

    Le problème c’est que les enfants reçoivent souvent l’exemple de leurs parents ou de leur entourage qui font les choses parce qu’ils y sont obligés (ou se sentent obligés). À l’école, on apprend qu’il faut bien travailler pour avoir un emploi, que travailler c’est dur et qu’on n’est pas là pour jouer. Depuis le premier âge, nous subissons cette pression. Je pense néanmoins que tout est possible à partir du moment où l’on ose dépasser les croyances des autres, où l’on se détache des rêves de nos parents, d’une certaine conformité. Les archétypes sont d’ailleurs en train de changer. C’est bien, mais ça prend du temps.

    Comment accompagner un enfant dans ce sens ?

    Il faut être cohérent. On ne peut pas respecter quelqu’un qui nous conseille quelque chose et qui fait complètement l’inverse. Ça ne marche pas. Le premier pas consiste donc à se prendre en main et à balayer devant sa porte.

    Qu’est-ce que la célébrité a changé pour vous ?

    Elle m’a obligée à me confronter au « matériel ». Avant je ne pouvais pas concevoir de m’installer dans un cadre confortable, douillet. J’ai compris que cela pouvait faire partie de la vie. Que l’argent pouvait être utile pour monter des projets, aider les autres, prendre du temps pour se reposer… Globalement cela m’a beaucoup chamboulée. Être mis en lumière peut être assez violent, on reçoit l’amour comme la haine. On a dit (et on continue à dire) tellement de choses sur moi : que je suis démago, que je suis un produit marketing, que je ne peux pas à la fois critiquer la société de consommation et aller sur TF1…

    Comment vivez-vous ces critiques ?

    Je les comprends. Mais je crois qu’il est nécessaire de se servir des canaux de cette société pour faire passer les messages. Sans se prostituer, mais en s’adaptant un minimum. TF1 est la chaîne la plus regardée en France. Peut-être se servent-ils de moi, mais je me sers aussi d’eux. Et ils ne peuvent pas faire n’importe quoi avec moi. J’ai toujours refusé de faire des publicités par exemple.

    S’afficher à TF1 n’est pas une façon de nourrir le système pour vous ?

    Je ne cautionne pas certaines émissions racoleuses et débilitantes et je trouve triste que les chaînes de télévision ne se sentent pas plus concernées par le rôle éducationnel qu’elles ont à jouer dans notre société. Il y aurait de bons programmes à mettre en place si les médias voulaient bien être un peu plus créatifs. Faire de l’audimat et tirer les esprits vers le haut, ce serait quand même plus gratifiant pour tout le monde ! Mais en attendant, ces chaînes m’ont permis d’être en relation avec des millions de gens, de donner de la visibilité à mon travail et à mes engagements humanistes, comme ce que nous avons mis en place avec Colibris. Faire passer de belles valeurs au plus grand nombre ne peut que faire du bien.

    Avez-vous le sentiment d’avoir le pouvoir de changer les choses comme vous le pressentiez ?

    Mon parcours a été une quête constante pour retrouver mon propre pouvoir. Aujourd’hui, le fait d’exprimer cela à travers des chansons, des témoignages, aide d’autres personnes sur ce chemin (en tout cas, c’est ce qu’elles me disent !), comme des musiques, des livres, des films, des tableaux ont pu m’aider moi aussi. Lorsqu’on ne parvient pas à exprimer quelque chose, des artistes peuvent être là pour trouver les mots à notre place. Et nous faire du bien.

    Retrouver son pouvoir d’agir, d’être un citoyen, de choisir, c’est l’idée du mouvement Colibris dont vous êtes très proche…

    Oui, je viens d’ailleurs de faire un livre CD sur la légende du colibri. C’est aussi une façon de soutenir financièrement l’association à qui je reverse l’argent du merchandising, et de faire parler d’elle. Comme ces colibris, on a tous notre part à apporter. Et il est fondamental de suivre notre propre chemin car le monde est à notre image. Le jour où nous serons en paix avec nous-mêmes, il ira beaucoup mieux !

    Nous vivons une crise écologique sans précédent. Pensez-vous que les artistes ont aussi la responsabilité d’alerter le grand public ?

    Pour ma part, j’essaie d’user de ma notoriété pour mettre en lumière des personnes, des initiatives méconnues du grand public. Je commence à peine à réaliser que le fait d’être connue peut servir à cela. Je voudrais être un moyen pour que les gens se rencontrent et se fédèrent. C’est ainsi que peuvent naître de grandes choses.

    Alors c’est à tout le monde de s’y mettre ?

    Les médias, les responsables politiques, les enseignants, tous doivent prendre le risque de sortir des sentiers battus. D’emprunter des chemins qui vont faire bouger la société. Plus nous nous focalisons sur les problèmes, plus nous leur donnons de la force. Il faut se tourner vers des solutions et apprendre à lâcher prise.

    À quoi ressemblerait le monde dans lequel vous auriez envie de vivre ?

    Ce serait un monde où les gens n’auraient plus peur de se rencontrer. Où l’école prendrait vraiment les enfants en considération. Où le temps ne serait pas un problème pour l’épanouissement. Où nous mettrions d’avantage les théories en pratique pour mesurer ce qui est bon ou non pour l’humanité. Où nous serions bien plus conscients de la beauté et du sacré de la vie. Tout doit changer.

    Pour vous, faire sa part, est-ce commencer par être heureux ?

    C’est évoluer, être tolérant et juste avec soi pour savoir l’être avec les autres, s’aimer d’avantage pour être plus à l’écoute : aider ceux qui en ont besoin est à la fois utile et gratifiant. Nous devons construire des projets qui ont du sens et arrêter de nourrir le système en place par nos actes et par nos pensées. Ce n’est pas facile mais il faut y croire. Parfois nous ne nous autorisons pas à croire par peur d’être déçus. Mais si nous n’y croyons pas, nous n’y arriverons jamais !

     

    Extrait de la rubrique Créateur de culture de Kaizen 14.

     

    [1] Il faut chaque année aux artistes 507 heures de travail ou 43 cachets en 10 mois pour devenir intermittent du spectacle et toucher leur allocation.

    [2] Le tube de Zaz, vendu à plusieurs millions d’exemplaires.

    4 Commentaires

    1. Je suis en harmonie avec ZAZ, nos deux voix sont sur la même longueur d’onde, celle du petit colibri… être en paix avec soi même, contempler et respecter la nature sont des voies vers un monde meilleur.

    2. Bonjour zaz ,
      Bravo a zaz et à tous . J’aime beaucoup zaz et , bien que je ne sois pas musicien , j’ai été épaté par la première fois ou je l’ai entendue à la télévision .
      En fait , zaz est fidèle a elle meme et aussi en contact avec son etre et c’est là une grande force et pour cela elle a fait des choix tres courageux . Bravo zaz , vous êtes super !!! Bonne continuation . Jean Jacques

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