Bilan sans concession de la COP21

    1
    49

    Guillaume Sainteny est un expert des arcanes des conférences internationales sur le climat et du fonctionnement du ministère de l’Écologie français. Il livre un bilan sans concession de l’accord de Paris signé le 12 décembre au Bourget en clôture de la COP21.

    Village mondial des alternatives, Montreuil
    Village mondial des alternatives, Montreuil

    En quoi l’accord signé à l’issue de la COP21 est-il historique ? Quels en sont les points positifs ?

    De par l’ampleur de sa couverture, la COP21 est incontestablement un succès médiatique. C’est aussi une réussite du point de vue de l’organisation matérielle, trois semaines seulement après les attentats. C’est également un exploit diplomatique, puisque l’accord a été adopté par toutes les parties présentes. Les trois éléments ci-dessus en font donc un succès politique pour le gouvernement. En revanche, je peine à le qualifier de succès environnemental. Je ne vois réellement que trois petites avancées. La nécessité de l’adaptation est davantage reconnue. Chaque État doit procéder à une révision tous les cinq ans de sa contribution nationale (INDC), à partir de 2025. Le cadre du système de suivi, notification et vérification est quelque peu précisé. La révision peut au moins entraîner certains États à prendre des engagements ultérieurs plus importants, en fonction, par exemple, de l’évolution des techniques ou des coûts des énergies renouvelables ou des économies d’énergie, etc. Par exemple, plusieurs pays, dont la France, ont fait mieux que les engagements qu’ils avaient pris dans le cadre du protocole de Kyoto.

    Quelles sont, selon vous, les limites de cet accord ? Ne manque-t-il pas de contraintes ? Par exemple, il ne crée pas d’outils concrets de diminution des gaz à effet de serre. Ses signataires s’engagent à plafonner leurs émissions « dès que possible », mais sans date butoir et sans objectifs quantitatifs. Dès lors, comment faire pour contenir le réchauffement à + 2 °C ?

    Je ne sais pas si le mot « contrainte » est le plus adapté. Ce qui me frappe le plus, c’est l’omission de certains sujets qui ne sont même pas mentionnés : énergies renouvelables, subventions publiques aux énergies fossiles, émissions des secteurs du transport aérien et maritime international, objectifs concrets de diminution des émissions de gaz à effet de serre, etc. Le protocole de Kyoto, tant décrié, était beaucoup plus clair. L’absence de précision des textes est frappante. L’essentiel est rédigé de façon très vague, voire sibylline. « Contenir l’élévation de la température moyenne nettement en dessous de 2 °C » voudrait dire, en français, entre 0 et 1,5 °C au plus. Or ce membre de phrase est suivi de « en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C ». Donc, la combinaison des deux membres de phrase peut signifier que 1,7 °C ou 1,8 °C peuvent être considérés comme nettement en dessous de 2 °C.

    Les INDC présentées tous les cinq ans par chaque État devront être meilleures par rapport aux précédentes, mais on ne sait pas de combien. De même, est indiqué un objectif d’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et l’absorption par les puits de carbone, au cours de la seconde moitié du siècle. Cela peut donc être dans les années 2050 ou dans les années 2090. Et, en dehors d’une distinction entre les pays en voie de développement et les pays développés, les efforts de chacun dans cette direction ne sont pas précisés. La notification des émissions doit se faire dans le respect de la souveraineté nationale, de façon non intrusive et, en outre, de manière flexible pour les pays en voie de développement, ce qui permettra à certains pays de rester dans le flou.

    Plusieurs contradictions existent dans l’accord. L’objectif fixé entre 1,5 °C et 2 °C est incantatoire puisque probablement inatteignable, la somme des INDC conduisant à 3 °C voire au-delà. Par ailleurs, huit États ayant adopté l’accord n’ont toujours pas soumis leurs INDC.

    Certains points sont présentés comme nouveaux, mais ne sont, en fait, que la réaffirmation ou la précision d’aspects figurant déjà dans la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques [CCNUCC, 1992] et le protocole de Kyoto [1997]. Surtout, les États demeurent libres d’appliquer les engagements nationaux qu’ils ont pris sans s’exposer à un régime de sanctions.

    Enfin, je ne suis pas sûr de bien comprendre pourquoi l’on dit qu’il s’agit du premier accord universel sur le climat. Il n’est ni entré en vigueur, ni ratifié. La CCNUCC, elle, était une première. Et c’était-il y a près d’un quart de siècle.

    La dotation du Fonds vert pour le climat vous paraît-elle juste et adaptée ?

    Il n’y a là rien de bien nouveau par rapport à la COP15, il y a six ans déjà. Le chiffre de 100 milliards de dollars par an de financements par les pays développés à partir de 2020 était déjà celui évoqué à Copenhague. La seule différence est qu’à la COP21, ces 100 milliards sont devenus un plancher. Mais cette très légère évolution est presque effacée par plusieurs éléments. D’abord, en l’absence d’autres précisons, cette décision serait donc respectée si le montant était de 110 voire 101 milliards de dollars. Ensuite, la méthode de comptabilisation ne semble pas tranchée. De plus, cet objectif n’est pas juridiquement contraignant. En outre, ce chiffre ne figure pas dans le traité international, mais dans les décisions des Parties. Et celles-ci ne devant pas être soumises à ratification, cela aura une valeur politique moindre. Enfin, ce chiffre n’étant pas détaillé pays par pays, si la somme de 100 milliards n’est pas atteinte ou dépassée, on ne saura pas qui blâmer.

    Par ailleurs, ce montant n’est probablement pas adapté pour au moins trois raisons. D’abord, le montant annuel des investissements nécessaires pour l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets dans les pays en voie de développement est nettement plus élevé. Ensuite, la répartition exacte de cette somme entre atténuation et adaptation n’est pas précisée. Enfin, rien ne dit que le financement ira aux projets les plus efficients. Une somme inférieure allant à des projets d’un bon rapport coût-efficacité sera plus utile qu’un montant supérieur abondant des projets peu efficients.

    La somme retenue n’est probablement pas juste pour différentes raisons de sens contraire. Rien ne garantit que les pays les moins avancés soient destinataires d’une partie suffisante de cette aide, par rapport à leur situation, notamment pour leurs mesures d’adaptation. C’est déjà ce qui s’était passé avec le Mécanisme de développement propre (MDP) du protocole de Kyoto qui n’avait guère bénéficié à l’Afrique, mais plutôt à quelques émergents comme la Chine. Surtout, il ne faut pas oublier que 90 % des subventions aux énergies fossiles sont distribuées, aujourd’hui, par les pays du Sud. Cela représente 500 milliards de dollars par an de subventions favorisant le changement climatique, au détriment du financement, par exemple, des secteurs de l’éducation ou de la santé dans ces pays.

    Non seulement ce sujet n’a pas été débattu lors de la COP21, mais personne n’a fait observer qu’il était illogique de financer des projets climatiques dans des pays qui continuent eux-mêmes à subventionner des mesures totalement opposées. À l’évidence, les deux sujets devraient être liés et l’attribution des 100 milliards de dollars réservée aux pays diminuant leurs soutiens aux énergies fossiles.

     

    Propos recueillis par Pascal Greboval

     

    Guillaume Sainteny est l’auteur du livre Le Climat qui cache la forêt : comment la question climatique occulte les problèmes d’environnement, Rue de l’échiquier,‎ 2015

     


    Lire aussi : Quel climat nous attend, demain ?

    Lire aussi : #PhotoCOP21 jour 11 : Les enfants écrivent aux chefs d’États

    1 COMMENTAIRE

    1. Les réalistes ne peuvent pas être déçus : il n’y avait rien à attendre de bon

      Tristissime pour les jeunes générations et les générations futures

      Néanmoins par respect pour nous- mêmes et notre intelligence supposée essayons d’agir de façon éco-défendable quotidiennement selon notre contexte ce qui est un élément de l’altruisme souhaitable

      Et ça commence bien évidemment – logique élémentaire – par le végétarisme et le refus du lactovorisme bovin, sinon plus.

    LAISSER UN COMMENTAIRE

    S'il vous plaît entrez votre commentaire!
    S'il vous plaît entrez votre nom ici