Bibliothérapie : quand les livres soignent les maux

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    Guérir par les livres, c’est possible ? Dans son dernier ouvrage Pour une bibliothérapie créative, Régine Detambel fait l’éloge des mots, non pas pour ce qu’ils sont, mais pour le pouvoir libérateur qu’ils exercent sur nos vies.

    Bibliothérapie

    La bibliothérapie, une médecine de l’âme

    La bibliothéraphie – l’art de s’approprier les mots pour exister au-delà du désarroi physique, psychique ou mental – est une médecine de l’intérieur qui, préventive ou curative, demande une subtile démarche d’introspection de la part du lecteur (ou du patient-lecteur, si intervention du bibliothérapeute il y a). Ainsi, à chaque souffrant son ordonnance : « À ceux qui s’enlisent dans une période de déprime, le Dr Maurice Corcos [bibliothérapeute] conseille de lire Les Nourritures terrestres, d’André Gide, pour ses accents solaires et hédonistes, ou, à l’inverse, le bouleversant Face aux ténèbres de l’Américain William Styrion, afin d’apprendre à connaître les aspects de la plongée dépressive de l’être qu’on accompagne. »

    Pour Régine Detambel, la bibliothèque n’est pas une « pharmacopée maîtrisable » encadrée médicalement. Le bibliothérapeute, lui, est encore moins un « bonheuriste » aux formules prémâchées que l’on croiserait au « salon du développement personnel ». Sa bibliothèque est singulière, avec sa propre histoire – ses pages froissées en témoignent. Sa bibliothérapie est libre, créative. Elle guérit le mal par le mal avec le livre comme antidote ; les mots pour briser la glace de notre froide existence.

    Capables de nous délivrer de l’ignorance, de la maladie, de la vieillesse, de nous-même et du monde, les mots – par leur musicalité, leur mouvement, leur sens – peuvent alors prendre une portée inestimable : En somme, il s’agit de passer d’objet du malheur (posture passive, maladive) à sujet créateur (posture active, libératrice) afin de « descendre en soi-même, de restaurer son for intérieur, de relancer le désir en nous. » Sans doute Alexandre Jollien – philosophe qui, par la force du savoir, s’est construit au-delà son handicap lourd – est passé maître dans cet acte émancipateur.

    Lire, une création du soi

    Si les mots aident à panser nos plaies en tous genres, c’est qu’ils sont avant tout des outils créateurs de sens. La lecture est inventive, car ouverte à mille interprétations, mille appropriations pour nous guider dans l’existence.

    « Par l’esprit du lecteur, les livres acquièrent leur propre destin », écrivait déjà Térence le Maure au IIIe siècle.

    Afin de nous recréer, de nous projeter dans de nouvelles temporalités, Régine Detambel nous encourage donc à lire des livres à « épais feuillage de sens ». Et à écrire. À nous écrire, à fabuler pour disposer d’un soi. Car l’humain est un être de récit, une espèce fabulatrice comme l’explique Nancy Huston dans son essai homonyme et dans son entretien avec Kaizen : « Selon moi, raconter des histoires est une capacité sélectionnée à travers les âges, donc une question de survie pour l’espèce humaine aussi. Nous sommes trop faibles pour nous dire que nous sommes sur cette terre sans raison particulière. Nous avons besoin de faire sens, de nous lier, de nous appuyer les uns sur les autres. »

    La lecture pour s’ancrer dans le monde, donner du sens à nos existences et embrasser la vie malgré les difficultés ? Un programme convaincant pour faire face aux crises écologiques et humaines que nous traversons.

    Par Simon Beyrand

    Régine Detambel, Les Livres prennent soin de nous, Pour une bibliothérapie créative, Actes Sud, 2015

    Régine Detambel, Les Livres prennent soin de nous, Pour une bibliothérapie créative, Actes Sud, 2015


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    5 Commentaires

    1. Merci Xavier (ami quim’a fait découvrir le moteur de recherche Lilo), Merci Lilo.
      Merci Régine…pour votre article et remettre des accents sur les soins et aides au guérison des livres, voyages internes et externes.
      Je vous embrasse.

    2. Pff, on inventerait n’importe quoi maintenant ! La bibliothérapie ! Non, les livres n’ont pas pour vocation de soigner et heureusement d’ailleurs ! Que le monde serait pénible et triste si nous faisions toutes nos activités dans le seul but de nous « soigner » !
      Attention, je ne renie pas tout l’intérêt des livres (je suis de formation littéraire) mais je pense qu’il faut se méfier de cette tendance qu’à notre époque à mettre du « thérapeutique » partout. Heureusement que toute activité, loisir ou sport ne peut pas et n’a pas vocation de soigner. Cela reviendrait à nous considérer comme de perpétuels malades, dépressifs ou en mal-être !

      Cessons de nous considérer comme de perpétuels malades et ça ira déjà un peu mieux !

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