Le 4 mai dernier, un loup a été observé dans les Monts d’Arrée, dans le Finistère, grâce à un piège photographique installé par l’association de protection de la nature Bretagne Vivante. Difficile de savoir à ce jour si l’animal aperçu en solitaire s’installera durablement sur le territoire. Mais sa présence est anticipée depuis quelques années par Bretagne Vivante et le Groupe Mammalogique Breton, qui sont à l’origine du Groupe Loup Bretagne, collectif censé prévoir une présence future du canidé.
Des chevreuils, des renards, des blaireaux… Emmanuel Holder, conservateur pour Bretagne Vivante, a l’habitude d’observer des mammifères discrets sur les pièges photographiques qu’il installe dans les Monts d’Arrée pour l’association. Le 4 mai dernier, il découvre avec un peu d’étonnement un animal à l’allure d’un loup. « Quand j’ai été relevé sur le terrain les données du piège, j’ai reconnu sur la dernière vidéo un canidé. Je dis « canidé » parce que je pensais à ce moment-là qu’il pouvait s’agir d’un loup, mais je n’osais pas y croire. Le rôle du naturaliste est de douter », témoigne le conservateur de la réserve naturelle des Monts d’Arrée.
Après consultation de spécialistes de cet animal et de l’Office français de la biodiversité (OFB), Bretagne Vivante a pu confirmer qu’il s’agissait bien d’un loup sur le cliché, et a signalé cette observation à la préfecture.
Ce canidé, espèce protégée depuis 1990, n’avait pas été aperçu dans le Finistère depuis plus d’un siècle. Cette apparition n’a pourtant pas surpris Emmanuel Holder et Bretagne Vivante. Depuis son retour en France dans les Alpes du Sud en 1992, le loup progresse dans d’autres massifs montagneux de l’hexagone. Et plus récemment, en 2021, l’animal avait été observé à plusieurs occasions dans l’ouest du pays (Vendée, Charente Maritime, Calvados). « Ce n’était qu’une question de temps pour qu’il arrive en Bretagne », assure le conservateur, aussi photographe nature dans son temps libre.
« Le passage d’un loup c’est une chose, l’installation d’une meute c’en est une autre »
D’où vient ce loup ? Peut-il s’installer durablement en Bretagne ? Ces questions taraudent les naturalistes et restent encore aujourd’hui sans réponse définitive. En ce qui concerne son origine, l’OFB a établi, en raison de sa petite taille, qu’il s’agissait d’un individu issu de la souche italienne, seule population présente en France à l’heure actuelle (il existe aussi une souche ibérique et une souche germano-polonaise, ndlr). Si les foyers de peuplement de loups se concentrent principalement dans certains massifs montagneux, comme les Alpes ou le Jura, il arrive que certains loups soient aperçus dans des zones plus éloignées. Il s’agit du phénomène de dispersion : les jeunes loups quittent leur meute pour s’installer ailleurs, en quête d’un partenaire sexuel. L’individu observé dans les Monts d’Arrée fait partie a priori de ces « disperseurs ».
« Ces loups en phase de colonisation peuvent parcourir de très longues distances, explique Franck Simonnet, naturaliste du Groupe Mammologique Breton (GMB). Mais si le passage d’un loup solitaire est une chose, l’installation d’une meute c’en est une autre. Ce n’est ni certain, ni impossible. » Pour rester durablement sur le territoire, l’individu observé devra trouver une zone peu peuplée, mais surtout une femelle pour se reproduire.
Réunir tous les acteurs
Pour préparer un possible peuplement du loup dans la région, le GMB a constitué en 2019, avec Bretagne Vivante, un Groupe Loup Bretagne. Le but selon Franck Simonnet : « Réunir tous les acteurs concernés autour d’une table afin d’anticiper ce retour spontané ». « C’est une espèce qui provoque tellement de réactions irrationnelles. Aussi bien du côté des opposants, qui « crient au loup » avant-même qu’il ne soit présent, que des défenseurs, qui assurent l’avoir vu sans cesse », regrette le naturaliste, aussi membre de ce jeune collectif.
Le Groupe Loup Bretagne entend dans un premier temps échanger avec les éleveurs de la région. Afin de leur donner des informations, mais aussi pour discuter avec ces derniers des mesures possibles à mettre en place pour protéger leurs troupeaux d’attaques de l’animal. « Et leur faisabilité », tient à préciser Franck Simonnet, en rappelant que certains dispositifs sont plus contraignants que d’autres. Parmi les solutions potentielles : l’installation de clôtures, la présence de chiens de protection, procédés d’effarouchement (moyens sonores ou lumineux pour éloigner des animaux, ndlr), etc.
Depuis janvier 2021, le collectif sollicite également les autorités régionales afin qu’elles organisent une concertation entre les groupes sociaux concernés. Il n’a pas reçu de réponse de leur part à ce jour. En ce qui concerne les éleveurs, le Groupe Loup Bretagne va organiser une première rencontre en automne 2022 pour échanger sur le sujet. « Ce sont des agriculteurs plutôt ouverts à la présence du loup, reconnaît le naturaliste de GMB. Nous voulions commencer par petits pas, nous nous adresserons à une population plus large pas la suite. »