Thierry Janssen : « La vie, c’est le lien »

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    Chirurgien devenu psychothérapeute spécialisé dans l’accompagnement des patients atteints de maladies physiques, Thierry Janssen est un précurseur d’une médecine intégrative où médecines conventionnelle et complémentaire collaborent au service du patient. Une approche globale qui replace l’humanité et la spiritualité au centre.

    Pourquoi avez-vous quitté la médecine conventionnelle ?

    La raison pour laquelle j’ai arrêté la chirurgie vient de ma vie personnelle. Ce n’est pas du tout un rejet de cette médecine. J’éprouvais une tension permanente, due à une ambition démesurée de ma part et à une volonté, ou du moins une tentative, de guérir de vieilles blessures et, peut-être, d’être aimé. Mais dans un environnement où les soignants se comportent un peu comme s’ils étaient des machines, je ne prenais pas du tout la mesure de mes limites. Et mon mental gouvernait absolument tout le projet, décidant que je pouvais dépasser ces limites. Progressivement, une forme d’insatisfaction s’est manifestée parce que j’avais pris le chemin de la médecine pour être en contact avec la vie, avec l’humain. Or le grand problème dans le monde médical, c’est qu’on est déconnecté des fondements mêmes de la vie. Avec les étudiants qui étaient dans mon service, je me rendais compte que la plupart des futurs médecins avaient très peur de la maladie et préféraient ne pas aborder le sujet de la mort. Nous avons tous peur de la maladie. Cela fait partie de notre instinct de survie. Il est normal d’avoir peur de la mort. Mais peut-être que les soignants font partie des gens qui en ont plus particulièrement peur. Quand un système médical promet la toute-puissance, il ne faut pas s’étonner que ses acteurs – les soignants – se sacrifient pour cette toute-puissance. Ils sont prêts à tout. Cela peut aller jusqu’à des épuisements, des tensions extrêmes comme j’en ai connues. J’ai donc quitté le métier parce que je ne voulais plus vivre dans cette tension.

    Et comment vous êtes-vous orienté vers les médecines complémentaires ?

    Je pense que l’on porte tous en nous les choses depuis très longtemps. En ce qui me concerne, enfant, j’avais l’esprit très curieux. Je me suis intéressé dès l’âge de 5 ou 6 ans à nombre de cultures antiques, chinoise, indienne et égyptienne notamment. J’ai pratiqué le yoga dès l’âge de 9 ans. J’avais donc une ouverture, que j’ai perdue pendant mes études médicales parce que j’ai été formaté. Quand je me suis autorisé à quitter cet univers médical, tout est revenu. Tout mon intérêt anthropologique, toute la curiosité à l’égard des autres cultures. J’ai toujours eu besoin de faire des ponts entre les choses – entre les gens aussi d’ailleurs –, de comprendre ce qui est de l’ordre d’un dénominateur commun, ce qui réunit, plutôt que ce qui sépare. En quittant l’univers médical, inévitablement, j’ai rencontré d’autres gens. Je me suis dit : « Il y a tellement de choses utiles à la compréhension des principes fondamentaux du vivant que ces médecines dites “alternatives” ou “complémentaires” abordent de façon plus subtile que notre médecine très mécaniste et matérialiste. Quelque part, celle-ci ne s’intéresse qu’à la dimension matérielle de l’existence alors qu’il y a toute une dimension informationnelle et énergétique ! » L’univers est fait de matière, d’énergie et d’information. Or notre médecine s’intéresse essentiellement à la dimension matérielle. Mais pas à toute cette dimension informationnelle et énergétique. Lors de ces recherches anthropologiques, j’ai découvert l’existence d’une école aux États-Unis où l’on formait des guérisseurs. Cela m’intéressait non pour devenir guérisseur, mais pour comprendre la différence entre un docteur soignant et un vrai « guérissant ». Je suis donc parti aux États-Unis pendant quatre ans. Et j’ai fait ce chemin initiatique. Mes études de médecine m’ont semblé plus simples parce qu’on me demandait simplement d’apprendre des choses et de les resservir, alors que dans ce chemin initiatique, il s’agissait de faire des expériences qui révèlent et qui transforment en profondeur. Je devenais l’outil de la relation thérapeutique, même s’il fallait y adjoindre des compétences et des techniques. C’était d’abord la présence du soignant qui importait. Cela m’a ouvert à une tout autre façon de regarder l’être humain, de me regarder dans la relation thérapeutique aussi, et cela m’a permis de me rendre compte de la richesse des autres cultures. Il ne s’agit pas d’exclure. Il s’agit d’enrichir, de s’inspirer.

    Les médecines complémentaires remettent l’humain au centre ?

    Partout où il y a des êtres humains, il y a de l’humanité possible. Dans les milieux universitaires aussi, l’humanité est possible ! Mais revenons à la façon de penser l’être humain, de penser la vie : jusqu’au ve ou ive siècle avant Jésus-Christ, les gens écoutaient le monde comme on l’écoute encore dans certaines civilisations dites « traditionnelles ». On essayait de comprendre ses lois pour s’y conformer, pour garder sa juste place. Tous les rituels, toute l’organisation sociale de ces sociétés traditionnelles étaient voués à perpétuer un équilibre. Il ne s’agissait pas tant d’innover que de pérenniser. Et la pérennisation se faisait par la transmission d’une tradition.

    Et puis au ve siècle avant Jésus-Christ, avec l’émergence des philosophe grecs, Socrate, Platon, est apparu un nouveau discours : « Non, non, il ne faut pas écouter le monde, il faut le penser. » Et Démocrite a affirmé : « Le monde est un ensemble de particules qui deviennent indivisibles – atomos en grec, qui veut dire “non divisibles”, qu’on ne peut pas couper. » Ainsi a-t-on inventé le concept d’atome. Cette vision a totalement changé l’expérience du monde. On a proposé de penser le monde pour essayer de le dominer. On a tout coupé en petits morceaux pour essayer de comprendre. Désormais, on a toutes les pièces du puzzle, mais on n’a plus cette vision globale et surtout la vision des liens qui relient les différentes pièces du puzzle. Or c’est précisément cela, la vie : des liens. Une médecine qui s’est développée sur l’idée qu’il faut tout couper en petits morceaux pour comprendre ce qu’est la vie, c’est une médecine qui n’est plus dans la vie parce qu’elle ne comprend pas les liens : elle comprend les éléments reliés entre eux, mais elle ne comprend pas la nature de ce qui les relie.

    Je ne dis pas que c’est la science qui déshumanise la médecine. C’est la représentation que nous avons du monde qui déshumanise notre monde et la médecine.

    Comment peut-on faire cohabiter ces deux approches ?

    En arrêtant de laisser les ego prendre la place et de vouloir absolument rester identifiés à ce qu’ils pensent et à ce qu’ils font. Cela, bien sûr, des deux côtés de la médecine. Et j’insiste beaucoup là-dessus parce qu’on a tendance à diaboliser les acteurs de la médecine dite conventionnelle, alors qu’on peut en faire autant des acteurs des médecines complémentaires. Parce qu’à force de croire que l’on détient une vérité, à force d’être identifié à ce que l’on pense et fait, le « je » – ego en latin – finit par ne plus accepter d’autres façons de penser. Il veut absolument convaincre les autres que sa façon de penser est la bonne parce qu’il n’existe que de la sorte. Il faut donc un minimum d’intelligence – dans le sens de compréhension, de « désidentification » de notre personne, en tant que soignant, à ce que nous pensons et faisons –, pour s’intéresser à ce que font et pensent les autres, et voir quels sont les ponts. Prenons le Yin et le Yang dans la représentation chinoise, par exemple : ils décrivent des énergies qui poussent et des énergies qui se détendent, ou plutôt reçoivent. On peut tout à fait transposer cela dans le langage de la médecine dite conventionnelle, scientifique, occidentale, pour parler du système nerveux sympathique et parasympathique. Un système de tension et de stress, un système de détente et de relâchement. C’est exactement la même chose. Et on peut retrouver l’équivalent dans la médecine indienne et dans nombre de médecines Ayons l’intelligence de faire de la traduction, de comprendre que l’on parle de la même chose, bien qu’on se le représente autrement, ce qui nous empêche d’avoir accès à l’ensemble de la chose.

    L’étude du Dr Andrew Weil à l’université d’Arizona montre que la médecine « allopathique » n’est nécessaire que dans 10 ou 20 % des problèmes de santé. Comment expliquez-vous que la médecine ne prenne pas en compte ce peu d’efficacité ?

    Le mental de l’Occidental est formaté pour voir le monde comme une machine sur laquelle on peut agir et exercer un pouvoir. Cela mène à une forme d’impatience, de volonté d’efficacité et de résultats tangibles et reproductibles. Il n’y a plus de place pour ce qui prend du temps. On a inventé des moyens de se soigner qui ont une efficacité – c’est vrai – mais à quel prix, tant pour ce qui est de l’écologie intérieure que de l’écologie extérieure ? On n’envisage même plus d’alternatives à la grosse artillerie. Il s’agit de supprimer les symptômes immédiatement sans écouter ce qu’ils veulent dire et d’avoir des résultats très rapides. Toute notre économie est construite là-dessus. C’est sûr que si vous soignez une grippe en laissant les gens au lit pendant quinze jours, cela pose problème dans l’organisation sociale telle que nous l’avons envisagée. Donc on veut couper tout de suite le symptôme, et que les gens soient vite sur pied. Pourquoi pas ? Mais il faut être conscient de pourquoi on le fait. C’est une attitude dans la vie. Si l’on voulait une autre médecine, cela changerait complètement l’organisation de notre société parce que la médecine n’est que le reflet de l’organisation de la société. Elle n’est pas indépendante, elle est une émanation de nos sociétés. Et nos sociétés sont composées d’êtres humains. Des êtres humains qui fabriquent leur société en fonction de comment ils se voient eux et comment ils voient le monde.

    Cela veut dire que les maladies sont une forme d’expression de notre société ?

    Bien sûr. Dans les médecines dites traditionnelles, on aborde toujours la maladie à trois niveaux. Au premier niveau, il y a l’affection biologique, ou disease en anglais, « perte d’aisance », de fluidité, et donc de vitalité, pour laquelle on utilise des plantes, des remèdes, des médicaments. Cela peut très bien marcher sur le plan physique, biologique du disease, mais après, il y a la dimension de ce qu’on nomme illness en anglais : c’est ce malaise qui est vécu et exprimé à l’occasion de la maladie. Celui-ci nécessite une prise en charge symbolique, psychologique, à laquelle notre médecine s’intéresse très peu. Enfin, il y a une troisième dimension, correspondant à sickness en anglais : c’est la maladie qui vient interroger une société sur ses comportements. Dans certains rituels de guérison – je pense par exemple aux Indiens Navajos –, quand le malade présente des symptômes, on lui donne une potion, des plantes, tout ce que vous voulez. Mais après, on l’emmène dans la hutte, tout le clan se réunit et le malade transfère du sable coloré, extrait du sol, sur son corps pour symboliser sa volonté de guérir à un niveau psychologique, symbolique, en lui. Ensuite, tout le clan s’interroge sur le comportement ayant généré une mauvaise habitude, une imprudence ou des tensions qui ont amené à cette maladie. Cette dimension collective a disparu dans nos sociétés. On veut traiter le cancer avec des chimiothérapies. Celles-ci peuvent apporter quelque chose, sur le plan du disease, mais on oublie la dimension psychologique du illness : le stress et tous ces facteurs engendrent nombre de comportements délétères qui peuvent favoriser le cancer. Cela, on l’aborde très peu. Et en plus, on empêche la guérison. On ne se pose pas non plus cette question du sickness, cette question collective de savoir ce qu’il faudrait changer dans nos comportements, nos modes de production, de consommation, pour éviter ces environnements cancérigènes. Cela est complètement passé à la trappe.

    Comment pourrait-on remettre cette approche dans nos sociétés ?

    Il faudrait d’abord que l’on écoute les anthropologues, car il y a une anthropologie de la maladie. Et les médecins sont malheureusement mal formés. On leur bourre la tête de mathématiques, de physique et de chimie pour commencer. C’est très bien, mais cela ne sert pas à grand-chose sur le long terme. Par contre, on ferait bien de les ouvrir à une compréhension de la vie, à l’anthropologie, à comprendre que la maladie est un phénomène qui est vécu très différemment selon les sociétés et qui pose des questions fondamentales auxquelles nous ne répondons pas. Une fois les futurs soignants sensibilisés à cela, on aurait beaucoup plus de facilité à ouvrir des débats, à se poser des questions et à voir les médecins dans la rue militer pour que l’on fasse de la prévention. Parce que dire que l’on fait de la prévention en faisant du dépistage précoce du cancer du sein, c’est une imposture intellectuelle. On dépiste quelque chose qui existe déjà. La vraie prévention impliquerait de ne plus devoir dépister parce que l’on aurait supprimé les facteurs qui amènent à la maladie. Et pour cela, il faudrait comprendre que la maladie est un phénomène complexe, qu’elle est rarement due à une seule cause. Dans notre vision « réductionniste », qui découpe tout en petits morceaux, on cherche une cause en espérant qu’en traitant cette cause, on va supprimer l’effet délétère, à savoir la maladie. Mais la maladie est souvent un ensemble de causes. Georges Canguilhem, philosophe, médecin, quand il a écrit sa thèse sur le normal et le pathologique, en 1943, affirme que « la maladie est un phénomène de la vie, une tentative de l’organisme de retrouver un équilibre dans une situation perturbée 1. » Il faudrait de nouveau avoir cette vision globale pour comprendre que la maladie survit parce que ces multiples petits facteurs, qui en apparence ne sont pas délétères, quand ils sont réunis, créent le déséquilibre. Celui-ci oblige l’organisme à chercher une façon de trouver un nouvel équilibre et cette façon déclenche la maladie.

    Cette approche globale est parfois décriée comme une vision New Age, notamment si l’on remet en place des processus issus de peuples racines ?

    Il ne faut pas diaboliser le New Age dans le sens où il a été une étape importante dans la constitution de la contre-culture, en particulier aux États-Unis. On s’est ouvert, on a fait des ponts entre différentes influences, entre l’Orient et l’Occident, c’était très positif. Le New Age est né d’un appel à la tribune des Nations unies à un « nouvel âge », en 1975. Il a été véhiculé par des gens pleins de bonnes intentions et brillants. Le problème, c’est qu’à force de faire des ponts, sans regarder les spécificités de chacune des rives reliées par la passerelle, on finit par faire des amalgames, des syncrétismes. On ne remet plus les choses dans leur contexte et on ne rend plus à chaque approche sa spécificité. Quand on parle d’une médecine intégrative, il s’agit d’une médecine qui doit pouvoir faire des ponts entre différentes rives tout en comprenant bien la spécificité de chaque rive. C’est pour cela qu’il ne s’agit pas d’une médecine de compétition entre une approche et une autre, mais d’une médecine de collaboration. Ce n’est pas une médecine du « ça ou ça », c’est une médecine du « ça et ça ».

    Pour comprendre ceci, il faut revenir à ces études montrant que des gens que l’on considérait incurables ont guéri alors qu’il n’y avait pas de traitement médical conventionnel. On s’est demandé à quoi cela était dû, comment c’était possible. L’un disait que c’était parce qu’ils avaient été voir un guérisseur, un autre parce qu’ils avaient fait une psychothérapie, un troisième parce qu’ils mangeaient macrobiotique, un quatrième parce qu’ils pratiquaient le yoga. Tous avaient guéri, mais aucun n’avait pu bénéficier d’un traitement conventionnel parce que leur cas était dépassé. On a bien dû se poser la question : qu’est-ce qui guérit ces gens ? Et on s’est rendu compte que leur dénominateur commun, c’était une immense foi dans l’efficacité du traitement qu’ils avaient choisi. Et ce traitement, ils l’avaient choisi en cohérence avec leur système de croyances. Donc vouloir imposer des rituels Navajos à des patients dans les hôpitaux ne peut pas marcher. Il faut vraiment que le soin  soit inscrit dans la culture, qu’on croit que c’est efficace, que tout l’imaginaire collectif supporte le processus.

    Ce placebo n’est pas un effet scandaleux. La recherche pharmaceutique essaie de supprimer l’effet placebo pour prouver que ce sont des médicaments qui agissent. Or ces médicaments n’ont parfois aucune efficacité réelle, mais agissent parce qu’il y a une croyance que le médicament est efficace. C’est cette cohérence par rapport au système de soins qui est importante. Il ne faut pas importer des choses qui ne nous appartiennent pas culturellement. Mais essayer de comprendre ce que ces choses, utilisées dans ces autres cultures, mettent en jeu, et comprendre un peu mieux la vie. C’est ce que j’ai essayé de faire dans La Solution intérieure. Il y a un immense principe à respecter à nouveau, c’est le principe de l’équilibre. Parce qu’aujourd’hui, nous vivons dans un monde qui est convaincu – c’est un dogme – que l’on ne peut pas vivre sans croissance : croissance économique, croissance de l’activité, croissance, croissance, croissance… Certains, évidemment, s’insurgent contre cela et prêchent une décroissance, ce qui est aussi absurde. Parce que quand on regarde vraiment les principes de la vie, il ne s’agit ni de croissance ni de décroissance, mais de cycles et d’oscillations autour d’un point d’équilibre. Comme pour les battements du cœur, il y a une phase d’extension et une phase de contraction. Il faudrait déjà réapprendre à traiter les phases de contraction, ne pas les voir comme des choses dangereuses, mais comme des moments de rééquilibrage. On commencerait non seulement à se comporter différemment, mais aussi à soigner différemment.

    Quelles sont pour vous les limites des médecines complémentaires ?

    Il y a autant de limites dans les médecines complémentaires que dans la médecine conventionnelle. Il serait illusoire de penser qu’une approche thérapeutique peut tout guérir : chacune a une spécificité et un angle d’approche qui lui sont propres, en fonction d’une histoire, d’une culture, de recherches suite à des questionnements – il y a des nécessités qui imposaient ces recherches. Il serait illusoire de dire que l’acupuncture peut tout soigner, que la médecine ayurvédique est la panacée, que les antibiotiques ou la chirurgie sont nécessaires pour tout le monde. À chaque problème, il y a des réponses singulières à apporter. Et évidemment, cela demande une grande connaissance, transversale et horizontale. Or l’enseignement de la médecine n’est pas dans ce sens-là aujourd’hui. On a un enseignement très vertical alors qu’il faudrait une connaissance horizontale pour aller voir dans différentes approches ce qui pourrait le mieux aider à retrouver ce point d’équilibre. Ceci dit, la plupart du temps, c’est très simple puisqu’il s’agit de respecter des principes fondamentaux et, quand on les a compris, de trouver les outils pour les mettre en route. Les outils, finalement, sont accessoires. C’est la compréhension des principes fondamentaux qui prime.

    En creux, n’est-ce pas remettre au centre une démarche un peu plus spirituelle de la part des médecins et aussi des patients ?

    Quand j’ai écrit La Solution intérieure, mon intention était clairement d’apporter un souffle spirituel dans cette médecine déshumanisée et déconnectée de l’esprit de la vie. Je viens d’écrire un livre qui s’intitule Écouter le silence à l’intérieur, qui traite d’un itinéraire spirituel pour s’éveiller à l’essentiel. Et ça parle précisément de cela, de la place de la spiritualité dans une vie, en la distinguant clairement de la religion, parce qu’il ne faut pas confondre spiritualité et religion. La spiritualité en tant que telle est la compréhension de l’esprit de la vie, de l’esprit des êtres et des choses. Il est évident qu’on ne peut pas faire une médecine au service de la vie si on ne comprend pas l’esprit de la vie. Donc oui, c’est une démarche spirituelle. Je constate que dans les cultures traditionnelles, celui qui prend en charge la responsabilité d’apporter de la santé, la préserver, la reconquérir, ou plutôt la restaurer, quand elle a disparu, est le guérisseur, et souvent aussi le prêtre, l’homme sacré, parce qu’il a été initié. Parce qu’il a dû comprendre ce qu’était la vie en lui et autour de lui, à travers ces épreuves initiatiques qui sont codifiées dans certaines cultures. Cela manque précisément dans les nôtres. C’est la raison pour laquelle j’ai créé l’École de la présence thérapeutique, qui propose le programme Initiation et accompagnement à la présence thérapeutique. Toutes sortes de soignants, conventionnels et non conventionnels, viennent pendant trois ans faire ce parcours initiatique parce qu’ils ont compris qu’on ne changerait pas notre médecine sans changer les individus qui la pratiquent. C’est illusoire de faire des campagnes d’information en critiquant telle ou telle chose. L’être humain ne peut changer ses comportements que s’il change lui-même. Il ne s’agit même pas de se changer, il s’agit de révéler ce qu’il y a au fond de nous et avec lequel nous ne sommes plus en contact, c’est-à-dire notre vitalité.

    Propos recueillis par Pascal Greboval


    1 Georges Canguilhem, Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique, Clermont-Ferrand, « La Montagne », 1943. Thèse reprise et complétée plus tard sous le titre Le Normal et le Pathologique, PUF, 1966, rééd. 2013.

    Pour aller plus loin www.thierryjanssen.com

     

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