Sortir de sa zone de confort est une voie bien difficile. Quitter un job dans lequel on s’ennuie mais qui est rémunérateur, quitter un conjoint avec qui on ne partage plus les mêmes passions mais une belle maison, quitter une région pour l’horizon, etc sont autant de dilemmes. Et si le mouvement des gilets jaunes était finalement une invitation à sortir de sa zone de confort? À lire les réactions sur le web et les réseaux sociaux, on peut le penser. Voilà deux décennies que j’entends qu’il faut remettre en cause le système actuel, et quand il l’est par une partie visible de la nation, ceux qui dénonçaient précédemment le système dénoncent ceux qui le dénoncent aujourd’hui. Chercher l’erreur? On pourrait s’arrêter là, et conclure: les Français ne sont jamais contents. Peut être! J’entends aussi: «oui mais ils sont violents et inconscients. » Peut-être aussi? On pourrait également se demander de quel côté est la violence. Je vous invite à lire à ce sujet les analyses de Laurent Mucchielli, docteur au CNRS, du philosophe Frédéric Gros et de Monique Pinçon-Charlot, sociologue, qui, depuis des années, la dénoncent!
Je vois surtout que le mouvement des gilets jaunes, tant par sa forme polymorphe que par le fond qui se résume, aujourd’hui, à «Macron, démission», dérange tous ceux qui, consciemment ou inconsciemment, bénéficient du système. Et nous sommes nombreux, je m’inclus dedans! Les études d’opinion montrent qu’au-dessus du salaire médian (1750 euros nets), l’engagement auprès des gilets jaunes décroît sensiblement. In fine, nous sommes dans ce paradoxe: nous râlons contre le système mais nous en bénéficions. En creux, ce que nous crient les gilets jaunes, c’est que nous allons devoir renier ses avantages. Ils pointent du doigt le revers de la même médaille, que nous dénoncions: le néolibéralisme. On luttait pour la défense du climat, on oubliait la défense du bien social. Si je suis honnête, cette nécessité de vivre autrement m’inquiète aussi. On s’assoupit dans le confort, aussi minime soit-il. Entamer une vraie démarche de sobriété est un long chemin initiatique, une quête de sens! Alors qu’elles soient en haut ou à des échelons intermédiaires, toutes les formes d’élite, pour ne pas dire de bourgeoisie, ont peur de perdre leurs privilèges. Ce qui se traduit par «la violence, ce n’est pas bien.» Expression hexogène d’une peur endogène! Alors, le temps est venu de se poser la question: voulons-nous vraiment changer de paradigme ?
Sommes-nous prêts à commencer une vie plus sobre? Oui?
Dans ce cas, nous avons l’obligation de nous mettre en marche. Comme le constate Dominique Bourg, philosophe et professeur à l’université de Lausanne, la politique des petits pas a marqué ses limites, et j’en suis navré! Même le tempéré António Guterres, secrétaire général de l’ONU, nous rappelle que nous avons deux ans pour prendre des décisions radicales, et éviter un emballement climatique, soit 730 jours! Qui peut croire que le gouvernement actuel va prendre ces mesures, en vingt-quatre mois? Qui peut croire qu’un homme, une femme providentiel.le va devenir président.e (dans 4 ans) avec un programme social et écologique sous le mode d’élection actuel? Et d’ailleurs, il sera trop tard!
La démission de Nicolas Hulot symbolise les limites de l’exercice: puissance des lobbys et archaïsme du système politique en place bloquent les changements nécessaires pour prendre les mesures écologiques et sociales indispensables.
De fait, je crains que le changement de paradigme ne se fasse dans le chaos: nous y sommes! Finalement, une règle qui semble naturelle. L’univers serait constamment soumis à une alternance d’ordre et de chaos. Le changement d’état se produit quand le système ordonné arrive à ses limites. Les limites, nous les touchons! Nous ne sommes pas obligés d’attiser la violence, de la provoquer, mais nous devons accepter que nous sommes face à l’impondérable. Ce que Pablo Servigne, chercheur, analyse parfaitement. Nous ne savons pas de quoi sera fait demain. Je souscris à l’appel de Cyril Dion et de Christophe Aguiton: il est temps de se mettre en marche tous ensemble, jaunes, verts, violets, rouges, noirs, etc le 8 décembre, pour changer vraiment de paradigme. D’ailleurs, ironie du sort, le livre programme d’Emmanuel Macron s’intitulait Révolution. Pour une fois qu’un politique respecte son programme !