Le slow sex, pour jouir en pleine conscience

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    Le slow sex, parce qu’il prend le temps de l’amour, est une promesse de plaisir pour les femmes. À la condition qu’elles soient en lien avec leur corps et à l’écoute de leurs sensations, une alchimie avec l’autre a le temps de se créer.

     

     « À force de vouloir rentrer dans le moule, on devient tarte. Et c’est vrai aussi dans la sexualité ! », déclare avec humour Emmanuelle Duchesne, du collectif Slow Sex Love Life. Décryptage : « Pour que la femme puisse accéder au plaisir, il est essentiel qu’elle se libère des conditionnements qu’elle n’a pas choisis. Il s’agit de dépasser le “il faut que je fasse ça” pour suivre ses propres valeurs, émotions et sensations. » Ces paroles font écho à celles de Marie Bareaud, sexologue et sexothérapeute [1] : « Ma pratique de thérapeute me fait chaque jour constater combien notre sexualité est marquée par la volonté de nous inscrire dans une norme. » Une norme qui se résume au culte de la performance et à l’injonction de l’orgasme à tout prix, déclinée par les médias, la pornographie et l’inconscient collectif.

    Pour libérer les femmes de ce carcan, Marie Bareaud leur conseille de jouer aux exploratrices : « Le plaisir féminin est lié à la connaissance de soi. Or les deux tiers de mes patientes ne savent pas, par exemple, où se trouve leur clitoris. Je leur propose de les accompagner dans l’exploration de leur sexe : vulve, clitoris, vagin, utérus. » Comment ? Notamment via l’œuf de Yoni, un œuf en pierre de jade utilisé par les femmes taoïstes de la Chine ancienne pour (r)éveiller son énergie sexuelle. « Dans notre culture occidentale, observe Marie Bareaud, la femme attend que le prince charmant vienne l’éveiller, comme dans le conte de La Belle au bois dormant. Pourtant, la sexualité féminine n’est pas passive, mais réceptive. Quand on fait l’amour, il y a 50 % de ce que j’y mets et 50 % de ce que l’autre y met. D’où l’importance pour la femme d’être en lien avec son corps. »


    « Pour que la femme puisse accéder au plaisir, il est essentiel qu’elle se libère des conditionnements qu’elle n’a pas choisis.»


    La pratique du slow sex permet aux femmes, non seulement de se connecter avec leur corps, mais aussi d’être à l’écoute de leurs désirs pour accéder au plaisir. Anne et Jean-François Descombes ont suivi, pendant des années, l’enseignement de Diana et Michael Richardson sur l’amour en pleine conscience, avant de le transmettre au public francophone lors de retraites pour couples. Dans leur livre Le Slow Sex. S’aimer en pleine conscience, ils proposent cette définition : « Le slow sex, c’est être présent à soi-même quand on fait l’amour. » L’idée consiste ainsi à « placer notre attention sur ce qui se vit dans notre corps. À lâcher le mental qui imagine, attend, se souvient. Car le corps est toujours dans le présent. » Selon ce couple, le slow sex serait en parfaite cohérence avec le plaisir féminin. « Les femmes ont besoin de temps pour avoir vraiment envie de la pénétration, écrivent-ils. C’est inhérent à leur corps de femme. Quand on lui donne ce temps, son énergie sexuelle mobilisée au niveau des seins va ouvrir le vagin qui devient alors force d’absorption. » Car le slow sex, comme son nom l’indique – slow signifie lent –, implique de consacrer du temps à l’amour. Ce qui n’empêche pas de faire l’amour avec fougue si l’on reste conscient. Anne Descombes note d’ailleurs que « personnellement, après un moment d’échange intense dans l’immobilité, j’adore aussi explorer mon animalité. » Comme l’explique Emmanuelle Duchesne, « slow ne veut pas dire qu’il faut faire l’amour tout le temps lentement, mais avec suffisamment de lenteur pour ressentir ce qui se passe dans le corps à l’instant présent. On prend le temps d’écouter nos sensations jusqu’aux plus infimes, ce qui permet de les décupler. »

    Une sexualité plus féminine

    Emmanuelle Duchesne fait, elle aussi, le plaidoyer du slow sex. Comme elle le remarque : « On sort tout juste d’une ère patriarcale dans laquelle la sexualité, régie par les hommes, n’est pas adaptée aux femmes. Cette sexualité fait l’impasse sur le clitoris de la femme, la sensibilité des deux partenaires. Ce modèle se fonde sur l’érection de l’homme suivie de mouvements de va-et-vient mécaniques jusqu’à l’orgasme. Du fait de ces pratiques, cette sexualité, qui est la plus répandue, appauvrit non seulement le potentiel de la femme, mais aussi celui de l’homme. » Le slow sex se présente ainsi comme une alternative aux rapports « phallocentrés » afin de rééquilibrer la relation entre les deux sexes et permettre leur alchimie. Un changement de paradigme face à la surconsommation et à la vitesse des sociétés occidentales contemporaines qui s’immiscent jusque dans nos relations amoureuses.

    La jeune femme, coach en méditation orgasmique, fait le parallèle avec la méditation : « De la même façon que la méditation apporte davantage de conscience sur notre respiration, le slow sex apporte davantage de conscience sur les sensations. On se laisse guider par elles et non plus par nos pensées, quand on fait taire le mental. » Si la conscience est en éveil, le corps, lui, est profondément détendu. Au-delà de ce lâcher-prise, le slow sex implique de se sentir en sécurité et en confiance pour pouvoir s’ouvrir. Sans oublier une authenticité : on se dévoile telle que l’on est, sans tricher. Emmanuelle Duchesne recommande également de regarder l’autre et de communiquer verbalement ce que l’on ressent dans l’instant présent pour amplifier la connexion : « On peut lui dire, par exemple, “J’aime quand tu me caresses comme ça”. Contrairement aux idées reçues, cela ne brise pas la magie, à condition, bien sûr, de le dire avec amour. C’est se forcer sans rien dire qui enlève la magie. » Fini le cliché de l’amant demandant, une fois les ébats amoureux terminés : « Alors, chérie, heureuse ? »


    « De la même façon que la méditation apporte davantage de conscience sur notre respiration, le slow sex apporte davantage de conscience sur les sensations. On se laisse guider par elles et non plus par nos pensées, quand on fait taire le mental. »


    D’autant qu’Anne et Jean-François Descombes relèvent une enquête de l’Ifop « Les Françaises et l’orgasme », selon laquelle 79 % des femmes actives sexuellement au cours des douze derniers mois ont des difficultés à atteindre l’orgasme. Et les deux auteurs de s’interroger sur la pertinence d’une sexualité traditionnelle exclusivement centrée sur l’orgasme. Ils distinguent ainsi le slow sex de « la sexualité conventionnelle dans laquelle, comme on vise l’orgasme, on fait toutes sortes de choses pour atteindre ce but. Conséquence : on passe plus de temps à faire qu’à ressentir. Cependant, ce n’est pas l’orgasme lui-même que l’on remet en question, mais l’habitude d’aborder systématiquement le rapport sexuel avec cet objectif. Nous conseillons d’aller à l’orgasme avec le plus de conscience possible. » D’après les témoignages recueillis par ce couple, « avec la pratique du slow sex, beaucoup de femmes trouvent une jouissance, un apaisement, une satisfaction qui les comblent. Certaines font l’expérience d’un orgasme qui arrive tout seul, comme une vague qui les submerge sans qu’elles en aient eu la moindre intention ni fait le moindre mouvement pour le provoquer. »

     

    Question d’orgasme

    Emmanuelle Duchesne, elle, s’insurge contre cette enquête : « Ce ne sont pas 79 % des femmes qui ont un problème, mais le terme même d’orgasme. » Aussi propose-t-elle une nouvelle approche qu’elle estime libératrice, étant donné le nombre de femmes qui ne savent pas si elles ont vécu, ou non, un orgasme : « L’orgasme, ou l’orgaste, est un réflexe physiologique qui se traduit par des contractions involontaires du périnée, la dilatation des pupilles, le tremblement des muscles, l’augmentation de la température du corps, l’accélération du rythme cardiaque et de la respiration. Il peut être perçu, ou pas, et accompagné de plaisir, ou pas. » Emmanuelle Duchesne le différencie de « l’état orgasmique, qui est la même chose, mais dilaté dans le temps et l’espace dans le sens où l’on a l’impression de ne plus faire qu’un avec l’autre et l’univers. On éprouve alors la sensation d’être porté par quelque chose de plus puissant que nous-mêmes ». Et d’avancer cette métaphore : « On peut comparer l’orgasme au grand final d’une symphonie, et l’état orgasmique comme l’ensemble de la symphonie, y compris les solos et les silences. L’orgasme de la fin devient très important si on n’entend pas le reste de la symphonie. Si on l’entend, alors on peut trouver qu’un solo ou un apaisement vers le silence sont des fins parfaites aussi, sans éprouver de manque à un puissant final. » Pour Emmanuelle Duchesne, la relation sexuelle peut ainsi continuer au-delà de l’orgasme et la femme peut ressentir les multiorgasmes via cet état orgasmique.


    « Ce ne sont pas 79 % des femmes qui ont un problème, mais le terme même d’orgasme. »


    Dans son livre devenu une référence, Femme désirée, femme désirante, Dr Danièle Flaumenbaum s’attaque à une autre conception masculine de la sexualité féminine, celle qui consiste à séparer et hiérarchiser orgasmes vaginal et clitoridien. À la fin du xixe siècle, les scientifiques, concluant que le clitoris ne jouait aucun rôle dans la reproduction, jetèrent cet organe aux oubliettes Freud, lui, procéda purement et simplement à son « excision psychique ». Le père de la psychanalyse considérait le plaisir clitoridien comme infantile. Selon lui, les femmes matures ne pouvaient ressentir du plaisir qu’en étant pénétrées par le sexe de l’homme. Dr Danièle Flaumenbaum met un terme à cette guéguerre « vaginal versus clitoridien » de façon lapidaire : « Les femmes ne sont pas clitoridiennes ou vaginales. En réalité, il s’agit de deux formes de jouissance différentes qui n’ont pas les mêmes effets, mais sont complémentaires. » La gynécologue précise : « La jouissance clitoridienne permet une harmonisation de ses propres énergies que l’on perçoit comme la sensation de se sentir soudainement plus vivante. C’est une jouissance qui nous met en communication avec nous-mêmes et nourrit notre sentiment d’exister. La jouissance provoquée par la pénétration du sexe de l’homme est produite par la rencontre des forces énergétiques masculines et féminines qui, en s’unissant, vont permettre à chacun de se reconstituer. C’est la jouissance d’être, en même temps, avec soi et avec l’autre. »

    [1] Marie Bareaud est l’auteur du blog www.mariebareaud.com et du parcours thérapeutique en ligne sur la sexualité féminine « Être femme ».

    2 Commentaires

    1. 50/50 ça c’est bien vrai, comme un peu tout dans la vie. En couple, en amitié, au travail, tout doit être partager. Alors pour quelle raison ne parle t on pas de la sexualité masculine? par ce que les hommes comme le disent certaines femmes « veuillent toujours la même chose »?.
      Je ne suis pas d’accord, il ne faut pas revoir seulement l’éducation des femmes mais celle des hommes aussi. Les femmes peuvent parler librement de leur sexualité souvent de façon intelligente, les hommes ne parle que des performances d’eux même ou de leur partenaires. La sexualité masculine est tabou. Nous sommes en 2018 et il est temps que les idées des années 60 changent. Les hommes et les femmes doivent se rejoindre pour nouer le plaisir de façon commune et non dans leur imaginaire personnel. C’est possible. Éduquez ensemble et non séparement, hommes et femmes ont à apprendre l’un de l’autre. J’en ai assez de ces clivages. Comment voulez vous que l’on s’en sorte de cette façon?

    2. Merci Thierry, il me semble en effet qu’il est temps de collaborer nous les hommes et les femmes pour contribuer à notre humanité

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