Et si vous profitiez de votre retraite pour lâcher l’embrayage et faire tourner le dérailleur ? Moins prendre la voiture et vous déplacer, vous promener et voyager à coups de pédale ? Accessible à tous, le cyclisme est la deuxième activité de loisir préférée des seniors après la marche1. Rencontre avec des cyclotouristes inspirants.
Le soleil de l’automne perce les feuillages rougis des arbres, le long de l’Isère. Une dizaine de retraités pédalent. L’échauffement commence, les femmes devant, les hommes derrière, à une vitesse de 20 kilomètres-heure en moyenne sur la piste cyclable qui longe la rivière. Membres de l’Association sportive des toujours actifs (ASTA), basée à Grenoble, ils ont l’habitude de pédaler ensemble. Deux fois par semaine, les cent trente adhérents de la section cyclotourisme se retrouvent par groupes de niveau pour des sorties à la journée : « L’association a été créée par le gérontologue Robert Huguenot dans le but de faire pratiquer du sport aux personnes âgées, se souvient Jean Meynet, en charge de la section. Le club a commencé avec de la marche, puis a étoffé ses activités, avec la natation et d’autres sports comme le yoga, le tennis, les raquettes à neige ou encore le qi gong. » Décédé en 2010, le Pr Huguenot se réjouirait de constater que le club compte désormais deux mille membres, qui pratiquent souvent plusieurs activités. « Plus on vieillit et plus la musculature fond rapidement, affirme le Pr Yves Rolland, gérontologue au CHU de Toulouse. La capacité à fabriquer du muscle, elle aussi, diminue. Il faut savoir que le capital musculaire se forge assez tôt : il est à son maximum entre 25 et 30 ans et ensuite il baisse. Il faut donc entretenir son capital musculaire pour ne pas être confronté aux problèmes de dépendance. »
Pratiquer dans le cadre d’une association est également un bon moyen de lutter contre la solitude à laquelle sont souvent confrontés les retraités : « En plus des bienfaits sportifs, le cyclotourisme a l’avantage d’être une activité aux vertus sociales, poursuit Yves Rolland, également médecin du sport. Couplée à l’activité physique, cette sociabilité est bonne pour le moral, amène aussi à mieux manger, plus sainement ; elle est déstressante et prévient le déclin cognitif. » Ce n’est pas Jean-Claude Serres, 71 ans, qui dira le contraire : « J’ai été membre pendant quarante-cinq ans du club alpin, témoigne-t-il. Je faisais de l’alpinisme, du ski de randonnée… Lorsque je me suis mis au vélo, j’ai pratiqué sept ans sans être dans un club, et puis j’ai eu envie de sortir moins seul. Là, même lorsqu’il pleut, on pédale ! C’est stimulant et je découvre des itinéraires que je n’aurais pas eu l’idée de parcourir seul. »
Un sport « non violent »
Le groupe de cyclotouristes quitte les berges de l’Isère, traverse la campagne et attaque les premières montées. Une courte pause pour retirer une couche de vêtements après l’échauffement et nos sportifs repartent à rythme régulier, les hommes devançant cette fois les femmes. « Pourquoi je pratique moins d’activités de montagne ? poursuit Jean-Claude Serres, pour préserver mes genoux. » Il n’est d’ailleurs pas le seul retraité de l’association à avoir choisi le vélo pour cette raison : en tant que sport porté, le cyclisme est moins violent pour les muscles et les articulations que d’autres pratiques, comme la course à pied par exemple. « Et avec l’assistance électrique, les voyages à vélo sont moins éprouvants pour le cœur, complète le septuagénaire. Avec ma compagne, entre mars et septembre, nous partons tous les mois à vélo, pendant deux à trois jours. Elle a plus de difficultés que moi, alors elle a pris un vélo à assistance électrique (VAE), qui permet de rétablir l’équilibre. » Voilà justement une de nos cyclotouristes en VAE qui arrive au bout du col, tout de même essoufflée : « L’assistance n’empêche pas de devoir faire un effort, affirme-t-elle. Elle compense l’énergie que le corps n’arrive pas à fournir pour avancer, mais la batterie peut rapidement se vider sur une longue sortie. » L’achat d’un vélo électrique pouvant dépasser le millier d’euros, notre cycliste a opté pour une installation auxiliaire, qui s’adapte à son vélo 2.
Électrique ou musculaire ?
L’assistance électrique révolutionne la pratique du cyclotourisme chez les seniors. D’après Jean Meynet, si elle n’existait pas, l’effectif de la section cyclo aurait diminué de moitié… « Même si on a l’impression que le cyclotourisme est un sport plutôt cool, cela peut être intense, précise le Pr Yves Rolland. La fréquence cardiaque maximale baisse avec l’âge, même si les cœurs de sportifs sont encore capables de monter jusqu’à 185 battements par minute, et il y a donc des risques cardiovasculaires comme avec n’importe quel sport d’endurance. » Pour ceux qui ne s’estiment plus capables de gravir des montagnes, le médecin recommande aussi d’effectuer un test cardiologique d’effort pour connaître ses capacités et les éventuelles contre-indications. « Les VAE sont acceptés dans l’association, précise Jean Meynet, mais ils roulent à part. Certains groupes classiques les acceptent aussi, mais pas tous. » Car certains cyclotouristes ne souhaitent pas rouler en leur compagnie.
C’est le cas de Josiane Brun, 70 printemps : « Lorsque l’on force dans une montée et que quelqu’un sifflote ou papote à côté de vous… on n’est pas dans le même état d’esprit », témoigne celle qui dit aimer l’effort du vélo, « même si avec l’âge je sens que c’est plus difficile, que je vais moins vite et que je ne peux plus faire 1 500 mètres de dénivelé par sortie. Il me faut plus d’entraînement qu’avant, doser davantage l’effort… Mais même si j’en bave, je préfère le vélo musculaire, rouler avec mes muscles. » Un discours modeste pour celle qui a calculé avoir parcouru 4 000 kilomètres entre le printemps et l’été. « Même si c’est dur, je ne suis pas frustrée. Il faut accepter de vieillir et de s’adapter. Ce qui me plaît dans le vélo, c’est aussi la proximité avec la nature : avoir le temps de profiter du paysage et voir ce que l’on traverse trop vite en voiture… au rythme que permet son corps. » Sans cultiver l’esprit de compétition, Josiane Brun préfère pratiquer le vélo sur un pied d’égalité avec ses compagnons, elle qui confie timidement avoir appris à pédaler sur le tard. : « Je n’ai pas appris à faire du vélo jeune, car j’habitais en montagne et, avec les montées, ce n’est pas pratique pour se déplacer. J’ai dû apprendre après un accident de ski, dans le cadre de la rééducation. J’avais 35/40 ans. Au début, c’était difficile et j’avais des crampes aux mains tellement j’étais crispée. » Un souvenir qui la fait aujourd’hui sourire, mais qui confirme qu’à tout âge, il est possible d’apprendre une nouvelle pratique physique : « Même à 90 ans, on peut améliorer ses performances », complète Yves Rolland.
Adieu voiture !
Sur son vélo couché, Michel, 75 ans, ne passe pas inaperçu dans le peloton : « Je trouve la conduite plus agréable, même s’il est plus lourd que le vélo droit. » À la retraite, il a décidé de définitivement laisser tomber la voiture : « Je l’ai vendue. Pour des convictions écologiques et également budgétaires. Je préfère consacrer mon argent aux voyages à vélo plutôt qu’à un véhicule qui pollue. » Une première escapade de 800 kilomètres entre le Nord et la Belgique lui donne le goût du cyclotourisme. Il a alors 61 ans. Libéré de ses obligations professionnelles trois ans plus tard, et aujourd’hui âgé de 75 ans, Michel raconte avec enthousiasme ses derniers voyages : la Loire, la Corse, les Pyrénées, la traversée de l’Italie pour faire le tour de la Sicile… Son prochain projet ? Équiper son vélo d’une assistance électrique solaire, comme celles expérimentées dans le cadre de The Sun Trip, des raids internationaux à vélo solaire. « Ce qui me plaît ? Visiter. Au début, j’appréciais beaucoup l’effort, mais maintenant je suis plus motivé par les nouvelles découvertes. » Michel progresse à son rythme, régulier, sur la route qui grimpe jusqu’au point culminant de la randonnée du jour. En guise d’entraînement, il participe aux deux sorties hebdomadaires de l’ASTA : « Plus j’avance dans l’âge et plus j’aime rouler pépère, confie-t-il. J’essaye de choisir des itinéraires sans trop de pentes. Lors de mes voyages, je prévois des étapes de 50 à 80 kilomètres par jour, contre 90, 100 kilomètres il y a dix ans, mais je profite plus des étapes en ville, même si je passe mes nuits sous tente. » D’autres préfèrent s’arrêter dans les gîtes et auberges de passage : « On ne réserve jamais et on trouve toujours de la place », affirme Jean-Claude Serres.
Chacun son rythme
Alors que la troupe de cyclotouristes marque une pause pour s’hydrater et attendre la fin du peloton, Michel prend de l’avance… Il sait que les plus compétitifs vont le rattraper ! Comme Guillermo Bomchil, 80 ans passés, qui prend un malin plaisir à dépasser les plus jeunes et qui ne tarit pas d’éloges sur la pratique du vélo : « Ça me maintient en forme, et c’est bon pour mon diabète. » Que ceux qui n’aiment pas faire la course se rassurent, « pour obtenir des bienfaits en termes de santé, l’activité physique n’a pas besoin d’être intense, explique Yves Rolland. Dans le monde du sport, il y a cette idée que plus on souffre physiquement et meilleures seront les performances. Il est vrai que pour être un champion, il faut accepter un certain nombre de douleurs, mais cela ne tient pas la route pour ceux qui pratiquent le sport pour leur santé. » Des recommandations ? « Faire des activités physiques d’intensité modérée, plaisantes, qui ne génèrent pas de risque inconsidéré dans le cadre d’une pratique régulière. » Mais qu’il est agréable aussi de ressentir les endorphines qui découlent d’un effort éprouvant ! Qu’il est satisfaisant de s’améliorer, séance après séance, que l’on ait 6, 7, 8 ou encore 9 dizaines derrière soi ! Qu’il est bon de sentir son corps vivant, vibrant, comme le résume si bien Guillermo Bomchil, notre octogénaire, qui s’exclame tout sourire en forçant sur ses pédales : « Ça entretient aussi la libido ! »
- Source : Observatoire des seniors
- À noter que la plupart des grandes villes peuvent aider à l’achat d’un vélo électrique avec des subventions allant jusqu’à 400 euros. Informations détaillées sur : https://www.aide-sociale.fr/subvention-velo-electrique/
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