Que retenir de l’accord de la COP15 dédiée à la biodiversité ?

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    Du 7 au 19 décembre dernier, la communauté internationale s’est réunie à Montréal, au Canada, à l’occasion de la 15e conférence mondiale pour la biodiversité (COP15). Après quatre ans de discussions et plusieurs jours de négociations, 196 États ont signé un accord historique qui vise notamment à protéger 30% de la planète d’ici 2030. Un engagement salué par de nombreux dignitaires et ONG, qui restent tout de même sur leur faim sur certains points précis et vigilantes quant à la mise en œuvre des objectifs.

    «Arrêter et inverser la perte de la biodiversité» d’ici à 2030. C’est l’ambition affichée par plus de 190 dirigeants du monde entier, qui se sont réunis pendant douze jours à Montréal au cours de la COP15 dédiée à la biodiversité. Ce rassemblement international était initialement prévu en 2020 -et repoussé suite à la pandémie de Covid-19 – à Kunming en Chine, Etat qui a présidé la COP cette année.

    Selon une étude de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), le «Giec de la biodiversité» de 2019, un million d’espèces sont menacées d’extinction, 75% de la surface terrestre est dégradée par les activités humaines, 85% des zones humides ont disparu, etc. Et tout cela à un rythme effréné. Cette «sixième extinction de masse» est en partie causée par les activités humaines, avec l’expansion des terres agricoles, les pollutions diverses, ou encore le développement d’espèces invasives via le commerce international. A l’ouverture de la COP15, António Guterres , le secrétaire général de l’ONU, a d’ailleurs déclaré avec vigueur : «Avec notre appétit sans limite pour une croissance économique incontrôlée et inégale, l’humanité est devenue une arme d’extinction massive.»
    La France n’est pas épargnée. D’après l’Office français de la biodiversité (OFB), 78% des habitats sont en «état de conservation défavorable» et 18% des espèces ont disparu.

    Or cette destruction de la biodiversité, souvent considérée comme le «parent pauvre» du dérèglement climatique», n’est pas sans conséquence pour notre alimentation, notre santé, ou pour le réchauffement climatique. Car ces milieux naturels sont aussi des puits de carbone, absorbant 50% du CO2 que nous émettons. Pire encore, la pression sur nos écosystèmes contribuerait au contraire au rejet de CO2. Une étude de 2021 a notamment révélé que la forêt amazonienne a rejeté depuis 2010 plus de carbone qu’elle n’en a absorbé.

    C’est dire si cette réunion au sommet était donc attendue par de nombreuses ONG.

    « Paix avec la nature »

    Restauration de 30% des écosystèmes, renforcement du fonds pour la biodiversité, réduction de moitié des risques liés aux pesticides… Plusieurs associations ont salué les objectifs de cet «accord de Kunming-Montréal», tout en émettant des craintes concernant les échéances lointaines et le «flou» de certaines parties du texte. «Ça ne casse pas la baraque, mais ça sauve les meubles», a ainsi résumé Pierre Cannet, directeur du plaidoyer et des campagnes à WWF France, lundi 19 décembre sur Franceinfo.

    Parmi les 23 objectifs de ce «pacte de paix avec la nature», les 196 Etats, se sont engagés à prendre des «mesures urgentes» pour protéger 30 % de la planète avant la fin de la décennie, alors que seuls 17 % des terres et 8 % des mers sont actuellement placés sous statut de protection. Il s’agit du «plus grand engagement de l’histoire en faveur de la conservation des terres et de l’océan», s’est félicité Brian O’Donnell, le directeur de Campaign for Nature, une coalition d’ONG de défense de l’environnement.
    Chaque pays ne devra pas forcément atteindre 30% d’aires protégées sur son territoire, mais ces statuts de protection devront s’appliquer au total sur 30% des espaces terrestres.

    De plus, au moins 30 % des espaces marins et terrestres dégradés devront être restaurés et le taux d’introduction des espèces invasives devra baisser de 50 %. «Nous sommes déçus de voir qu’aucun chiffre précis pour 2030 n’est présent sur ce point», a cependant déclaré Georgina Chandler, responsable des politiques internationales au sein de la Société royale britannique pour la protection des oiseaux.

    Cette COP15 a aussi été l’occasion d’instaurer «une forte reconnaissance des droits et des connaissances des peuples autochtones», selon Marie-Josée Béliveau, chargée de campagne Nature et alimentation chez Greenpeace Canada. Des peuples qui sont gardiens de 80% de la biodiversité subsistante sur Terre.

    Finances et pesticides

    Pour financer la protection de la biodiversité, la Chine a proposé d’atteindre «au moins 20 milliards de dollars» (19 milliards d’euros environ) par an d’aide internationale d’ici 2025. Les États se sont aussi mis d’accord pour débloquer 30 milliards de dollars d’aide par an à la conservation pour les pays en développement, en contrepartie d’efforts demandés à ces derniers pour préserver leur riche biodiversité. Mais La République démocratique du Congo a dénoncé la faiblesse de ces financements. En mars 2022, à l’occasion des négociations de Genève sur la biodiversité (préparations de la COP15), plusieurs pays africains avaient réclamé «100 milliards par an dans un premier temps pour ensuite atteindre les 700 milliards de dollars d’ici 2030 et au-delà».

    Autre point de discorde : l’usage des pesticides. Malgré les réticences du Brésil et de l’Argentine, dont les cultures de soja sont largement dépendantes d’herbicides, les 196 Etats se sont engagés à «réduire d’au moins la moitié le risque global des pesticides et produits chimiques très dangereux». La référence à la réduction des «risques» associés à ces substances, plutôt qu’à leur quantité, est une bonne nouvelle pour les scientifiques. Comme l’explique Paul Leadley, professeur d’écologie à l’université Paris-Saclay, dans un article de Libération, «certains pesticides utilisés à toute petite dose sont hyper toxiques, tandis que d’autres qui sont utilisés en très grande quantité peuvent être beaucoup moins toxiques».

    Exigence de transparence

    Quelques soient les objectifs de cet accord Kunming-Montréal, la COP15 s’est tristement distinguée par l’absence de chefs d’État ou de gouvernement, pour certains occupés par la Coupe du Monde au Qatar. Une absence qui fait écho aux craintes de certaines associations quant au «flou» de certains objectifs et à la suite qui sera donnée à ce sommet.

    L’association BLOOM a notamment rappelé dans un communiqué qu’«aucune mention de la pêche industrielle comme première source de destruction des écosystèmes marins», n’est présente dans le texte. L’ONG française fondée et présidée par Claire Nouvian dénonce aussi l’absence d’«interdiction des activités industrielles au sein des aires marines à restaurer ou à protéger».

    Autre avancée qui nécessite de la nuance : la demande faite aux États de «s’assurer» que leurs grandes entreprises et institutions financières de divulguer régulièrement «leurs risques, dépendances et impacts sur la biodiversité». Tout d’abord, ce ne sera pas obligatoire. De plus, comme l’a précisé Jean-Marc Jancovici dans un post sur LinkedIn, cette exigence de transparence s’oppose aux faibles moyens alloués aux méthodes pour calculer les pressions environnementales.

    Dans une tribune pour Le Monde, le journaliste scientifique Stéphane Foucart a rappelé ce qu’il était advenu des « objectifs d’Aichi » – pris au terme de la COP10 de Nagoya (Japon), à l’automne 2010. «Sur les vingt objectifs en question, qui devaient être atteints une décennie plus tard, aucun n’a été rempli. Seuls six ont été charitablement considérés comme ‘partiellement atteints’», regrette le journaliste.

    Concernant la mise en œuvre des objectifs, l’accord de la COP15 a ainsi que les États signataires soient évalués tous les deux ans sur les progrès effectués. Mais comme le souligne à Médiapart Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), il n’existe pas «de mécanisme demandant le rehaussement de l’ambition des pays. Si on voit que la trajectoire n’est pas bonne, les États pourront aller plus loin mais ce n’est pas une obligation.»

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