Quand la génération Y expérimente l’éco-colocation

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    La colocation, tout le monde connaît. Ajoutez-y de la permaculture, du DIY, du zéro déchet et du bien-être partagé : bienvenue en éco-colocation ! Reportage en banlieue parisienne au Vieux poirier (93) et à la Maison bleue (92), où des jeunes de 22 à 31 ans incarnent leur société idéale.

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    Les éco-colocataires : à gauche, le Vieux poirier, à droite la Maison bleue – ©Thomas Masson

    Et si votre habitat permettait d’œuvrer pour la transition écologique et la cohésion sociale ? C’est ce qu’expérimentent une quinzaine de jeunes, au sein de deux colocations situées à Gagny et à Bourg-la-Reine.

    Le Vieux poirier

    Le nom de la colocation le Vieux poirier rend hommage à l’arbre fruitier du jardin, presque centenaire. « Il était là bien avant que la maison soit construite. Ce poirier est un peu comme un sage. Il possède cette force qui nous dépasse », révèle Dorian, 31 ans, à l’origine de cette colocation installée à Gagny (93).

    Ce jardinier passionné voulait expérimenter un mode de vie communautaire et résilient, ainsi que l’agriculture urbaine. Son projet a vu le jour au printemps 2011, dans cette maison de 125 m² habitables et son jardin de 300 m².

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    Daisy, Laure, Bénédicte et Dorian, quatre des cinq colocataires du Vieux poirier – © Thomas Masson

    Vivre ensemble

     Bénédicte, 30 ans, habite au Vieux poirier depuis septembre 2014. Elle a toujours cherché une colocation écologique, constituée de personnes engagées. En trouvant l’annonce sur l’Auberge de la solidarité (réseau social du développement durable et de la solidarité), elle s’est tout de suite dit que cette colocation était faite pour elle. Bénédicte est ravie de vivre au Vieux poirier :

    « On mange tous ensemble, on passe des moments autour du feu  de cheminée, on joue de la musique et on rencontre souvent du monde. »

    Pour souder leur groupe, les colocataires organisent des réunions hebdomadaires, avec ordres du jour. Ces temps d’échanges leur permettent d’ajuster leurs comportements, d’élaborer des projets communs et de faire le point sur divers sujets.

    L’épanouissement personnel est aussi stimulé. Le sous-sol de la maison du Vieux poirier leur sert de studio de musique, d’atelier de bricolage et de salle de répétition de théâtre. Ces espaces leur permettent d’exprimer leur créativité et de passer des moments conviviaux.

    Permaculture urbaine

     Les quatre colocataires passent aussi du temps à jardiner sur leur parcelle de 300 m². Inspirés par le Jardin des fraternités ouvrières (une forêt comestible de 1 800 m² en Belgique), ils ont fait de ce terrain un potager cultivé en permaculture :

    « Nous travaillons à créer de la biodiversité en achetant nos graines chez Kokopelli, en laissant les végétaux sauvages pousser, en arrosant le moins possible, en utilisant la technique du paillage et en faisant du compost », explique Dorian.

    Ces pratiques offrent des conditions de vie favorables à de nombreux animaux : libellules, musaraignes, scarabées, mésanges, grillons, etc.  Dorian s’en réjouit : « C’est une victoire pour nous ! Il a fallu attendre deux ans pour voir tous ces animaux apparaître sur ce terrain. Nous avons vraiment métamorphosé la terre. » Les colocataires ont même installé deux hôtels à insectes où nichent des abeilles maçonnes, importantes pour la pollinisation. Bientôt, ils devraient faire l’acquisition de canards, afin de lutter naturellement contre l’invasion de limaces et de manger des œufs frais.

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    Vues sur le jardin de 300 m² qui entoure la maison du Vieux poirier – © Thomas Masson

    Leur jardin comestible, où poussent notamment des poires, une tétragone cornue et de la menthe, permet aux colocataires de satisfaire 25 % de leur alimentation. « Pierre Rabhi a dit : “Cultiver son jardin est un acte politique.” Et je le crois. C’est un véritable engagement pacifique, contribuant à rendre le monde meilleur », lance Dorian.

    Une autre partie des aliments consommés par les colocataires provient du jardin partagé Les abbesses de Gagny-Chelles, avec lequel ils collaborent depuis deux ans.

    Alimentation saine

    Les habitants du Vieux poirier prennent un grand plaisir à consommer les produits de leur potager. Daisy, comédienne de 29 ans, installée dans la colocation depuis septembre 2014, avoue particulièrement aimer « préparer des tartes de blettes, du ragoût de légumes, des confitures de tomates vertes et de poires et  la fameuse soupe du Vieux poirier aux courges, blettes et pommes de terre ».

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    Daisy avec des bocaux préparés par ses soins ; des graines germées d’alfalfa ; une bouteille de kombucha ; Dorian avec un tubercule d’igname de Chine. – © Thomas Masson

    Avec les aromates du jardin, les quatre compères réalisent aussi des infusions. Par ailleurs, ils fabriquent eux-mêmes du kombucha et du kéfir, ainsi que du pain et divers jus.

    Initiatives libres

    Chaque colocataire peut, selon son envie, porter un projet pour l’éco-colocation. Ainsi, Bénédicte a inscrit la maison sur le site couchsurfing, afin de proposer un hébergement temporaire et gratuit. « Cela nous donne l’occasion d’ouvrir notre communauté », explique-t-elle. Elle a donc permis l’accueil de quinze couchsurfeurs – des Belges, des Suédois, des Tchèques…  – pendant la COP21.

    Laure, colocataire depuis octobre 2015, a quant à elle mit en place un lombricomposteur. Cette éducatrice de 30 ans a récupéré des vers sur le site plus2vers, cartographiant les donateurs de lombrics. Dans une boîte en polystyrène, les vers – prénommés Gandhi ou Martin Luther King – grouillent dans des déchets composés à 70 % de carton et à 30 % de matières organiques. À côté de cette expérimentation, Laure fabrique elle-même des produits d’entretien et des cosmétiques. C’est l’occasion de transmettre ses astuces aux autres colocataires.

    Maison bleue

    L’éco-colocation de La Maison bleue, située à Bourg-la-Reine (92), existe depuis juin 2015. L’appartement de 180 m² habitables répartis sur quatre étages accueille dix colocataires. Ils ont en plus la jouissance d’un garage et d’un jardin d’environ 40 m².

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    Sur la photo : Raquel, Jay, Marielle, Charles-Adrien, Camille, Nico, Solenne et Clément – Dans ce séjour, tout le mobilier a été récupéré aux encombrants – © Thomas Masson

    Ce lieu de vie a été imaginé par Édouard, 24 ans, auto-entrepreneur en communication pour des associations, et Charles-Adrien, 31 ans, conseiller en développement durable pour les collectivités territoriales. L’engagement associatif d’Édouard et de Charles-Adrien en faveur de l’environnement – au sein de WARN, Avenir Climatique, Zero Waste France et la COY notamment – les a poussés vers ce mode de vie. Ils voulaient tout simplement incarner les messages qu’ils diffusaient au sein de leurs réseaux respectifs. Ils ont aussi été inspirés par des survivalistes – personnes se préparant à une autonomie alimentaire, énergétique – et l’ouvrage de Rob Hopkins Manuel de transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale (Éditions Écosociété, 2010).

    Zéro déchet

     Au quotidien, les colocataires limitent les emballages plastiques et privilégient l’achat en vrac et en grosses quantités de produits bio. Dans leur cuisine cohabitent plusieurs poubelles : une pour les matières recyclables, une baptisée « de la honte » (pour tous les détritus ayant un fort impact environnemental) et une « du doute » (utilisée par les personnes ignorant la destination d’un déchet).

    Dans leur jardin vivent deux poules pondeuses qui sont nourries au compost. « Certes, le jardin est petit, mais on essaie d’exploiter au maximum cet espace. Notre collocation ne fait que commencer. Nous posons les bases de  notre mini-expérience d’autonomisation alimentaire », confie Édouard.

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    Le jardin de la Maison bleue et une des deux poules pondeuses. La pelouse a été récupérée à la fin de l’événement COY11. – © La Maison bleue

    Énergie

    Pour réduire leurs dépenses énergétiques, ces dix jeunes engagés sont en train de poser des cloisons isolantes faites de laine de roche. Quant au chauffage, il est éteint en ce mois de décembre. Tant pis pour le froid : des épaisseurs de vêtements supplémentaires et la chaleur humaine suffisent ! Par ailleurs, ils vont bientôt souscrire un contrat d’électricité chez Enercoop, fournisseur d’énergie renouvelable provenant de producteurs locaux indépendants. Et pourquoi ne pas installer aussi des panneaux solaires ? À ce sujet, Édouard temporise : « Pour l’instant, ce n’est pas dans le budget. Investir dans une maison qu’on loue, c’est compliqué. »

    Les colocataires ont d’autres projets en cours. Ils devraient bientôt construire un potager de 10 m2 en aquaponie. Ils aimeraient aussi que leur garage devienne un fab lab, un laboratoire de fabrication.

    Réussites

    Les colocataires de la Maison bleue sont heureux de tout ce qu’ils ont accompli en si peu de temps. Pour Solenne, tout est positif : « On essaie de manger local, bio, sans utiliser d’emballages. On a récupéré plein de meubles dans la rue. Et on a beaucoup de discussions intéressantes. » Raquel aime « cette maison écologique et résiliente, ainsi que la qualité humaine des colocataires, où chacun apporte sa petite graine et où le changement arrive à se faire. » Pour Camille,  la Maison bleue coïncide avec ses « valeurs de sobriété heureuse ».

    Dans ces deux éco-colocations où la transition écologique et la cohésion sociale sont réussies, tous trouvent leur compte. La génération Y habitant au Vieux poirier et à la Maison bleue fait sa part pour donner naissance à un monde prometteur pour la planète et inspirant pour ses habitants.

     

     Par Thomas Masson

     

    Pour  écouter le témoignage de chaque colocataire et couchsurfer, cliquez ici.

     


    Lire aussi : Qu’est-ce que la permaculture ?

    Lire aussi : La fête chez vous : se réapproprier la fête

    6 Commentaires

    1. Excellent !
      On est plein à faire ça à Toulouse et dans les environs : C’est une super façon de vivre ensemble, de partager les temps de travail au jardin, à la maison et de vivre une vie festive et bien remplie ! Certains travaillent à la maison, d’autres à mi-temps… Et la solidarité prime !!!!
      Face aux prix du logement, on a vite fait de se trouver des maisons pas trop chères, ce qui nous permet de payer des loyers bas et de réinvestir dans nos projets artistiques, culturels, dans l’alimentation… Bientôt, tous ces gens vont faire vivre des éco-lieux, c »est sûr !!!! Allez, bon vent en 2016, l’année de la photosynthèse 😉 !

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