Pieds nus, pour renouer avec la terre

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    Il est parfois difficile d’oser se mettre pieds nus pour marcher ou pour courir ! Pourtant, les bénéfices sont nombreux et la pratique, si elle est progressive, comporte peu de risques.

     

    À la faveur d’un pique-nique, d’une balade sur la plage, nous avons tous expérimenté le plaisir de mettre ses pieds au contact direct du sol. Un peu inconsciemment parfois, nous avons tous senti à quel point c’était plaisant. Ce dont nous n’avions pas conscience, c’est que nous avons alors pratiqué sans le savoir le earthing (1), ou « connexion à la terre ». « Nos chaussures nous isolent, au sens électrique du terme, et contribuent ainsi à diminuer notre vitalité. Les peuples vivant nus, ou presque, ont toujours eu une vitalité beaucoup plus grande », explique André Van Lysebeth, l’un des pionniers du yoga en Occident (2).

    Et la liste des bénéfices est longue. D’après le kinésithérapeute Gil Amsellem, « sur le plan énergétique, il a été prouvé que marcher pieds nus était un excellent anti-inflammatoire. À condition d’y passer une bonne heure et un peu plus, cela régénère les tissus, fluidifie le sang, redonne de la qualité à la dynamique sanguine, diminue la fatigue. D’un point de vue biomécanique, on renforce ses muscles, sa stabilité, et on s’assouplit aussi parce qu’on déroule différemment le pied quand on est pieds nus ou quand on a une semelle. » Qui plus est, en posant ses pieds directement sur le sol, on stimule les zones réflexes du pied et on s’offre, comme l’indique le titre du livre de Gil Amsellem, une séance de « réflexologie naturelle. »

    Oser tenter l’expérience

    Pourtant peu de gens osent se lancer en dehors de chez eux. Les craintes sont nombreuses : regard des autres, froid, blessures, hygiène. Des craintes assez vite balayées une fois le premier cap franchi. « Moi, je n’aime pas avoir froid aux pieds, surtout le soir quand je me couche, rigole Xavier, qui marche pieds nus depuis plus de dix ans. Mais quand tu marches pieds nus, c’est un froid vraiment différent. Tu t’habitues, ça paraît naturel. » Par ailleurs, on se blesse finalement peu parce qu’on est plus attentif au terrain, et que la peau sous le pied se renforce au fur et à mesure de la pratique.

    Pour Xavier, le déclic a lieu en 2004. Un ami, scientifique, lui « parle d’une tribu vivant dans la mangrove de Bornéo. Ces gens marchaient pieds nus alors qu’ils ne savaient pas où ils mettaient les pieds ! J’ai trouvé ça fantastique ! » Cette pratique fait écho aux nombreuses lectures de l’informaticien et surfeur installé en Espagne. Il décide de sauter le pas et se met à marcher pieds nus, par tous les temps, sur toutes les surfaces. Aujourd’hui, Xavier est bien embêté quand il doit remettre ses chaussures : « Tu te sens gêné, il y a un truc qui ne respire pas. Ce n’est pas agréable. »

    Si l’on veut commencer en douceur, il existe des sentiers aménagés et entretenus. Thomas Lamarque est le propriétaire de l’un d’eux dans les Hautes-Pyrénées. « J’ai vraiment eu l’impression que ça répondait à une demande. Je l’ai fait en pensant aux familles, aux gens qui ne marchent jamais pieds nus. Pour beaucoup, c’est une aventure. Il y a aussi de nombreux citadins qui viennent se déstresser, se relier à la terre. » Situé dans un vallon « un peu secret », le Sentier pieds-nus mesure 1 kilomètre et propose, au fil du chemin, des bacs dans lesquels Thomas a installé différentes matières comme des galets, des billes d’argile ou de la boue, qui fait sensation auprès des visiteurs. On peut le parcourir en trente à quarante minutes, mais la plupart le font plusieurs fois, et en profitent pour pique-niquer dans ce cadre préservé.

    Courir pieds nus : le barefoot

    Ceux qui ont déjà l’habitude de marcher pieds nus, peuvent s’essayer au barefoot, la course pieds nus. Plus répandue aux États-Unis, la pratique a été initiée par Christopher McDougall. Dans son livre Nés pour courir, il raconte comment il s’est lancé sur la piste des Tarahumaras, peuple traditionnel installé dans les canyons mexicains, afin de percer le secret de leur course exceptionnelle. Ce secret, il finit par le trouver : enlever ses chaussures pour retrouver une foulée naturelle.

    Mais encore faut-il réussir à désapprendre, progressivement, les « mauvais mouvements » et mauvaises habitudes donnés par l’industrie des chaussures de sport pour retrouver cette foulée naturelle. À travers son association Courir Paléo, Benoît Quémar partage ses découvertes à ce sujet : « Courir, ce n’est pas marcher vite. Il faut poser l’avant du pied en premier, soulever les jambes et aller chercher loin devant. Après, ça peut s’apprendre, se perfectionner. »

    Au-delà du plaisir et de la performance, le barefoot permet, dans une très grande majorité des cas, de réduire les blessures, fréquentes avec la course à pied. Précurseur du barefoot en France, Christian Harberts s’est mis à courir pieds nus il y a dix ans. Il préside la section française du site Internet communautaire Barefoot Runners Society, à destination des coureurs pieds nus et minimalistes : « Au bout de quelques mois seulement, c’en était fini des blessures. J’ai fait pas mal de marathons pieds nus, je cours en moyenne entre 50 et 80 kilomètres par semaine, toute l’année. Et pour moi, ça a vraiment marché ! » Mais au détour de son objectif santé, Christian Harberts s’est laissé surprendre par le « côté plaisir » : « Ça m’a étonné, je ne m’attendais pas à ça. » Depuis, il marche aussi pieds nus !

    Alors, débutant ou passionné, avec ou sans bonne raison, nous devrions tous oser de temps en temps enlever nos chaussures et fouler le sol de nos pieds nus. Après tout, c’est souvent le premier pas le plus difficile !

     

    (1). Le terme a été inventé par Clinton Ober, l’auteur du livre Connectez-vous à la Terre. Peut-être la découverte la plus importante sur la santé !, Véga Éditions, 2013.

    (2). André Van Lysebeth, Pranayama, la dynamique du souffle, Flammarion, 2017.


    ET SI VOUS PASSIEZ À L’ACTE ?

    • Comment ?

    Pour Gil Amsallem, « le temps moyen pour que le corps se décharge de ses influences, et se recharge en bonne énergie est d’à peu près quatre-vingts à quatre-vingt-dix minutes. » Quoi qu’il en soit, le maître mot est la progressivité. Pour la marche, on se déchausse, et on reste à l’écoute de ses sensations. « Les quelques sensibilités, appréhensions sont vite levées. Le pied comprend ce qui lui arrive, et s’adapte », indique Gil Amsallem. Quant à la course, « la première des précautions, c’est d’alterner. Avec et sans chaussures, marche et trottine, cinq minutes à chaque fois. Puis on augmente progressivement et régulièrement de trois à cinq minutes maximum, semaine après semaine. »

    • Pour qui ?

    Pour tous, tant que la pratique reste progressive et adaptée à la condition physique. Mais elle ne peut qu’être bénéfique, même pour les seniors. « L’âge pourrait être une crainte, eu égard à l’ostéoporose, la fragilité osseuse. Mais la marche sera la meilleure façon de densifier l’os », précise Gil Amsallem. Attention toutefois en cas d’obésité ou de surcharge pondérale : « On ne passe pas une heure pieds nus du jour au lendemain. Mais quelques minutes par jour, avec un temps qui augmenter progressivement, au fil du temps, sera le meilleur entraînement que l’on peut donner pour justement tonifier les pieds, et que le poids n’écrase pas les arches du pied », ajoute Gil Amsallem

    • Où ?

    On peut marcher pieds nus partout, en prêtant bien attention à ses sensations, qui serviront de guides. Il peut être confortable de commencer sur le sable ou dans l’herbe, mais toutes les occasions sont bonnes pour augmenter son temps de contact avec la terre. Pour la course barefoot, en revanche, Christian Harberts conseille de commencer « sur une surface parfaitement lisible, donc ni sur le gazon ni sur la plage, et sur un terrain lisse, comme sur une piste d’athlétisme », car le choc sur le sol est plus fort.

    • Avec quel équipement ?

    Ses pieds ! Mieux vaut donc en prendre soin. Avant la marche, et surtout avant la course, il faut les échauffer, et préparer les muscles qui seront mobilisés. Pour Gil Amsallem, « il faut muscler les orteils, les pieds, jouer avec les releveurs du pied, avec des flexions/extensions » et après la pratique, « les masser, leur faire prendre des bains, les assouplir, les étirer. » Enfin, tous les trois mois, il est recommandé de « voir un pédicure-podologue pour contrôler ses pieds, ses appuis, ses empreintes », complète Gil Amsallem

    • Quels bienfaits ?

    Ils sont nombreux. La réflexologie naturelle agit sur « le fonctionnement des grands systèmes physiologiques de l’organisme : circulatoire, nerveux, digestif, glandulaire, lymphatique, endocrinien, respiratoire, etc. », écrit Gil Amsallen. La posture, l’équilibre et la souplesse sont améliorés. L’impact du pied sur le sol provoque également un retour sanguin vers le cœur bénéfique.


    Pour aller plus loin

    Gil Amsallem, « Marcher pieds nus, la réflexologie naturelle »
    www.sentierpiedsnus-pyrenees.fr
    www.thebarefootrunners.or

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