Nicolas Detrin, un collapsonaute résolument constructif

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    Collapsonaute : individu convaincu de l’effondrement de la civilisation thermo-industrielle. Pablo Servigne et Raphaël Stevens théorisent la collapsologie dans leur essai Comment tout peut s’effondrer (Seuil, 2015). Bien que sa rencontre avec cette théorie ait été source d’angoisse, Nicolas Detrin n’a pas baissé les bras. Il mène plusieurs actions de front, pratique la permaculture et sensibilise les jeunes à la transition. Portrait d’un collapsonaute en action.

    Nicolas Detrin, enseignant à Lyon et collapsonaute en herbe / Kaizen Magazine
    Nicolas Detrin, enseignant à Lyon et collapsonaute en herbe / © Nicolas Detrin

    Nicolas Detrin enseigne le français dans un collège à Lyon. Passionné de littérature, attentif au monde, ce père de deux enfants a toujours été sensible aux questions liées à l’écologie, avant même de devenir collapsonaute.

    Engagé au sein de son établissement depuis plus d’une dizaine d’années, Nicolas a notamment fondé le comité EcoLife, qui rassemble une trentaine de collégien.ne.s pour mener des projets en lien avec l’environnement. Tri des déchets et recyclage du papier dans les salles de classe. Nomination de « délégués éco-responsables ». Création du journal En vert et pour tous. Voici quelques exemples des actions du comité. Mais EcoLife a voulu aller plus loin : créer un potager en permaculture au sein du collège.

    D’écologie à collapsologie

    C’est en préparant une conférence sur la permaculture que l’enseignant a découvert la théorie de l’effondrement. Il a d’abord lu le Petit manuel de résistance contemporaine (Actes Sud, 2018) de Cyril Dion, puis les travaux de Pablo Servigne. « Ma première rencontre avec la collapsologie me faisait peur mais elle me rendait surtout triste. J’étais triste à l’idée que mes enfants ne voient pas la neige tomber, ou certaines espèces animales et végétales », explique-t-il.

    Une première rencontre obsédante et angoissante, « comme une chape de plomb, un voile noir sur tout ce que je faisais, se souvient l’enseignant. C’était difficile de rester le papa, le mari, et en même temps l’homme qui prenait conscience de toute cette dramaturgie à l’œuvre. »

    Même collapsonaute, Nicolas « ne peut baisser ni les yeux ni les bras »

    À l’issue de sa première conférence sur la permaculture et la collapsologie, Nicolas a été sollicité par des parents d’élève qui cherchaient des réponses collectives au problème. « C’était une sorte d’éveil un peu brutal, mais ils avaient envie de trouver des solutions pour passer à l’action concrète. L’idée de créer un groupe de transition a alors germé. »

    C’est sur la plateforme MeetUp que le groupe Lyon (et alentours), ville en transition voit le jour en mars 2019 : un groupe ouvert qui compte près de 200 membres. Nicolas y partage des informations de tous types sur la collapsologie, comme l’interview croisée de Pablo Servigne et de Cyril Dion sur France Inter ou une vidéo sur une communauté en transition au Portugal (ci-dessous)… Plus que s’interroger sur l’effondrement uniquement, le collapsonaute en herbe s’inscrit dans une démarche de transition et appelle, sur ce groupe de « transitionneurs », à « reconstruire un modèle qui replace le vivant et les valeurs humanistes au centre. Il nous faut construire le monde de demain et repenser ensemble l’intégralité de la société. »

    « Pour moi, il faut être constructif »

    Autant d’inspiration, dont les membres du groupe peuvent discuter lors de rencontres pour se former à l’agroécologie ou réfléchir à la transition. Par exemple, lors de la deuxième rencontre en mars dernier, au collège, « [les « transitionneurs » ont] travaillé sur le rêve, dans quelle société on aimerait vivre en 2030, se souvient Nicolas. On s’intéresse à la politique, à l’économie, à l’alimentation, à la santé, aux loisirs… Tous ces aspects de la société sont repensés à travers un autre prisme, de collapsonautes, de transitionneurs – ou des deux à la fois ! On a tous l’envie de construire un monde simplifié qui soit plus respectueux de l’environnement, plus juste socialement et humainement et viable pour les espèces dans leur ensemble et pour l’humanité. Il n’est question d’être ni optimiste ni pessimiste, ces questions-là n’ont plus de sens. Pour moi, il faut être constructif. »

    Un potager en permaculture pour le collège / © Nicolas Detrin - Kaizen Magazine
    Un potager en permaculture pour le collège / © Nicolas Detrin

    Pour ses enfants, pour la société à laquelle il aspire, par incapacité de se résigner à ne rien faire aussi, Nicolas avance, pas à pas, dans sa transition et celle du monde qui l’entoure. Il tente de sensibiliser le plus grand nombre, y compris des élèves de lycée ou post-bac.

    Dans sa vie privée, Nicolas a obtenu l’autorisation de sa copropriété pour créer un potager en permaculture en bas de son immeuble. Avec son épouse, il a le projet de vivre dans une maison à énergie positive, voire passive.

    Amoureux de la transmission, Nicolas s’est donné pour mission de continuer à apprendre pour pouvoir partager ces connaissances. « Dans la société que je veux construire, on aura un travail gigantesque, en tant qu’enseignant, prévoit Nicolas. Enseigner la solidarité, la connaissance de l’autre, de soi, l’hygiène de vie, l’hygiène intellectuelle… Ce sont des choses dans lesquelles nous baignons indirectement, sous-jacentes à notre métier. Mais cela pourrait en devenir l’élément principal. »

    Des récits comme des graines d’espoir et de courage

    Pour imaginer cette société de demain, Nicolas cite notamment Ecotopia, d’Ernest Callenbach. Un récit loin de l’univers apocalyptique, dystopique, qui teinte le plus souvent les imaginaires de l’effondrement. Ce roman d’anticipation de 1975 « donne envie » et inspire, ouvre au rêve. Une thématique abordée par le groupe de transitionneurs lancé par Nicolas. S’ouvrir au rêve sur les sociétés de demain.

    Pour cela, Nicolas se nourrit de « très beaux petits récits » qui émergent ici et là. Des récits qui lui donnent de l’espoir et du courage. Ces histoires sont tellement fragiles, un peu comme une graine qui vient juste d’éclore, une toute petite tige, très fine. On a l’impression que le moindre coup de vent peut les faire voler en éclat. Ces histoires sont noyées dans des récits tellement implantés dans l’esprit des gens ! À court terme, on n’a pas les moyens de les concurrencer, décrit Nicolas. Par contre, si on arrive à en semer un peu partout, ces nouveaux récits commenceront à prendre de l’importance. Ce sera peut-être ce qui nous sauvera à court terme et ce qui deviendra la norme à long terme. »

    Par Cypriane El-Chami

     

    Pour en savoir plus :

    La première grande rencontre MeetUp de Lyon (et alentours), ville en transition” se tiendra le 30 juin 2019 à Lyon.


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