La dépendance française au pétrole et au nucléaire est-elle trop massive pour imaginer un avenir qui en soit libéré ? Non. Et c’est la démonstration optimiste que propose la prospective des experts de négaWatt, unique en sont genre.
NégaWatt, un scénario énergétique qui trace l’espoir pour 2050
Une pétition de principe utopique pour les instances de planification officielles, qui ne s’intéressent jamais à un tel scénario. Réduire les émissions de CO2, passe encore. Mais envisager de se passer complètement de l’atome, cela reste tabou.
Un seul scénario a exploré jusqu’au bout cette logique, et sans se confiner au seul secteur électrique (20 % de tous les besoins énergétiques français) : celui de l’association d’experts négaWatt, présenté en septembre 2011.
Il va jusqu’à proposer en préambule une première définition solide du concept de « transition énergétique », facilement édulcoré par ailleurs. Pour négaWatt 1, il s’agit de construire un système énergétique « durable », sans CO2, autonome, sans pari technologique. Traduction de cette charte fort politique : élimination des énergies fossiles, basculement sur des renouvelables locales aux technologies éprouvées, rejet du nucléaire et du stockage souterrain du CO2, non considération de la filière hydrogène… En 2050, le scénario décrit une France 2 qui a divisé par 16 ses émissions de CO2 par rapport à leur niveau de 2010, et dont l’approvisionnement énergétique est couvert à 90 % par la biomasse, l’éolien, le solaire, l’hydraulique, la géothermie, etc. : les énergies « de stock » (limitées, importées, aux coûts croissants) ont été remplacées par des énergies « de flux » (renouvelables, domestiques, « gratuites »).
Il ne s’agit pas d’un exercice d’arithmétique pédagogique (« la Terre reçoit chaque année 10 000 fois plus d’énergie solaire que l’humanité n’en consomme ») : la prospective négaWatt propose une trajectoire, décrivant comment l’on passe de 2010 à cette année 2050 désirable.
L’accident nucléaire de Fukushima a certes contribué à lui offrir une écoute inespérée. Mais c’est surtout la qualité du travail et les efforts de crédibilité qui suscitent l’attention : les hypothèses, pour résolues (voire radicales) qu’elles soient, ne sont nullement exagérées, à portée de choix politiques plausibles.
Sobriété, efficacité, renouvelable
Colonne vertébrale du scénario : une démarche systématique de réduction des consommations. Par la traque sans faille des gaspillages et des usages peu performants, « sobriété et efficacité d’abord, énergie renouvelable ensuite ».
En 2050, les besoins en énergie primaire ont été divisés par trois par rapport à 2010 ! Et « la France du scénario négaWatt ne vit pas dans la privation », souvent même dans un confort nettement amélioré, affirment les experts. L’isolation des bâtiments (la rénovation de l’existant est un volet primordial du scénario) en faisant passer la moyenne actuelle de 250 kWh/an/m² à 60 kWh/an/m² est un pourvoyeur massif de « négawatts ». Les transports sont rationalisés, l’industrie modifie ses processus. La pénétration des renouvelables peut alors suivre une montée en puissance raisonnable, typiquement celle que prévoit le Grenelle de l’environnement jusqu’en 2020, puis accrue par la suite mais sans extrapolation hasardeuse.
Un pilier : la biomasse
Le pilier, c’est la biomasse, à la fois par la capacité de production du territoire 3 mais aussi par la souplesse de ses usages – chaleur, électricité, carburants. négaWatt n’élude pas la difficulté cruciale que présentent l’intermittence du solaire et de l’éolien pour l’équilibre de l’offre et de la demande en électricité, en ébauchant le chantier des réseaux intelligents, dotés de nombreux systèmes de régulation. Avec une dimension d’avenir très prometteuse (déjà explorée par les Allemands) : l’interaction entre les réseaux électrique et gazier. Les jours de surproduction, l’électricité renouvelable sert à synthétiser du CH4 (méthane, ou gaz de ville), qui peut inversement être brûlé dans une unité à cogénération pour la restituer (avec de la chaleur) si le soleil et le vent sont déficitaires.
Dans ce cheminement général s’insère, sans trop de heurts, la sortie du nucléaire : les réacteurs ferment un à un et définitivement avant leurs 40 ans de service. Au prix du recours à quelques turbines à gaz pendant une courte période, mais la réduction massive des consommations de fossiles par ailleurs permet de ne pas y sacrifier l’objectif « CO2 ».
Patrick Piro
(1) les négaWatts représentent l’énergie non consommée grâce à un usage plus sobre et plus efficace de l’énergie.
(2) L’extrapolation à la plupart des pays européens n’est pas un obstacle.
(3) Chapitre passionnant, où se greffe un sous-scénario de conversion de l’agriculture lui aussi très ambitieux et convaincant.
Extrait de Kaizen 2.
Pour passer à l’acte, participez à l’élaboration d’un plan de descente énergétique.
La transition écologique a débuté, et pourrait se poursuivre comme expliqué dans l’article, merci c’est très intéressant.
Bonjour à tous,
Après recherches, les éoliennes ont besoin systématiquement d’un cimplément d’énergie pour pouvoir assurer les MW qu’elles proposent, lorsqu’il n’y a pas de vent, et on en peut pas fabriquer un epanneau solaire avec un panneau solaire.
Donc, certes la chasse au gaspillage est nécessaire, mais elle ne résoudra en rien le fait qu’on puisse se passer d’une énergie telle que le nucléaire car elle a fait faire des progrès énormes dans tous les domaines, en bien ou en mal d’ailleurs…
Si demain nous devons chacun posséder des panneaux solaires, une éeolienne, un chauffe eau solaire, des batteries, etc… je me demande bien comment les écolos vont faire pour en fabriquer sans une centrale à fission…
Bonne journée à tous.
Bonjour Chrys,
L ‘article résume les conclusions du scenario negawatt. Un scenario similaire a d’ ailleurs été démontré recemment par l ADEME.
Mais en dépit de cela, dans votre esprit, le nucléaire est définitivement irremplaçable, quelque soit les démonstrations contraires et sérieuses.
Il n ‘est pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. C’est le résultat des décennies de propagande pro nucléaire dans ce pays, élevé au rang de religion.