Miel : des apiculteurs bio résistent en conscience

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    Sylvère Chaponet, auparavant photographe dans le secteur du luxe, et David Chable, ancien transporteur, se consacrent à l’apiculture biologique dans le Parc naturel régional du Perche. Pour leur conversion, tous deux ont surmonté bien des obstacles, par amour de la nature. 

    De l’authenticité, du courage et de la simplicité. Lorsque l’on rencontre Sylvère Chaponet et David Chable sur les hauteurs des collines du Perche (Orne), on prend la mesure des efforts qu’ils ont dû déployer pour se convertir à l’apiculture biologique. Celle-ci ne représente que 3 % du secteur en France, et prendre soin des abeilles en les protégeant des pesticides est un véritable engagement. 

    Quinze ans de carrière dans le luxe en tant que photographe ont « dégoûté » Sylvère du « milieu de la comm’ », où règne beaucoup d’hypocrisie. « D’autant que la communication, telle qu’elle est aujourd’hui, est l’une des facettes du néolibéralisme qui fout en l’air la planète », dénonce-t-il. Arrivé au bout de sa motivation, le quinquagénaire décide en 2015 de se consacrer à l’apiculture. « Je voulais avoir une activité à la campagne, là où j’étais le mieux. » Le choix de l’apiculture bio est alors une évidence : « On mangeait déjà bio avec mes parents dans les années 1970, car mon père avait fait des études de chimie et connaissait les dégâts engendrés. Je n’imaginais donc en aucun cas traiter mes ruches avec ces pesticides ! »

    Même conviction chez David, ami de la famille : « Je suis venu à la bio seul, avec une bonne connaissance du milieu conventionnel et de l’impact de la chimie sur notre santé et l’environnement. » Après un bac pro agricole, « où l’accent était mis sur le système productiviste », ce Percheron issu d’une famille d’agriculteurs travaille sept ans comme transporteur de bois en grume. « J’ai aidé Sylvère à installer ses ruches et j’y ai trouvé du plaisir. Le contact des abeilles m’a beaucoup plu, et au bout de deux ans, j’ai fini par en faire mon activité, explique le trentenaire. J’ai changé de métier par conviction, je connais suffisamment bien le monde du transport et le système de la grande distribution pour ne plus vouloir y contribuer. » 

    Une image bucolique

    Sylvère n’imaginait pourtant pas faire de l’apiculture son métier. Le miel nourrissait de doux souvenirs d’enfance : des visites rendues à des apiculteurs avec ses parents. « J’avais l’image d’un milieu structuré, solidaire et joyeux », confie-t-il. « On avait imaginé le métier tout autrement, renchérit David. Moi, j’avais une image bucolique de l’apiculture. »

    Chacun a sa propre structure, mais les deux apiculteurs travaillent en collaboration. Une solidarité qui les rend plus forts. Car de l’utopie à la réalité, le duo ne lâche pas sa volonté de donner vie à l’apiculture bio. Produits chimiques utilisés en agriculture conventionnelle, destruction des haies et des bocages, floraisons tardives, sécheresses, perte de la biodiversité, insecticides et varroa [acarien] tueur d’abeilles, les dangers sont en effet nombreux pour les pollinisatrices, dont la mortalité est beaucoup plus élevée en bio. « En 2019, on a eu un mauvais hivernage, avec 18 % de pertes, alors que l’année précédente on était à 9 %. L’apiculture conventionnelle, elle, est en moyenne à 5 ou 6 % », explique Sylvère. 

    Malgré les obstacles, nos apiculteurs résistent et sillonnent sans relâche le Parc naturel régional du Perche. Leurs deux structures comptent 457 ruches, disséminées chez des particuliers ou des agriculteurs biologiques. 300 ruches sont consacrées à la production de miel (tilleul, châtaigner, fleurs…) et 157 à l’élevage des reines et la production d’essaims destinés à la vente. Pour que les abeilles ne disparaissent pas !

    Des efforts récompensés    par    une    qualité    indéniable : « Lorsque la certificatrice en bio est passée, les prélèvements ont été analysés pour tester la présence de 400 pesticides. Ça fait peur ! Heureusement, ils n’en ont pas trouvé », souligne Sylvère. Pour David, cette qualité est essentielle : « On dort mieux la nuit ! C’est gratifiant d’avoir une activité bénéfique pour notre environnement, avec un produit sain et accessible. » 

    Pas question que le miel devienne un produit de luxe

    Leur production de miel atteint 4 tonnes par an, mais « il en faudrait 8 pour être rentables », précise Sylvère. Elle est vendue 8 euros le kilo aux revendeurs, un tarif très raisonnable pour un miel local certifié AB. « On s’est mis d’accord et on y arrive parce qu’on a des moyens de production mesurés et des modes de vie simples », relève David. Pour Sylvère, pas question que le miel devienne « un produit de luxe, c’est d’abord une alimentation saine pour tous ». 

    Nos apiculteurs en appellent aujourd’hui à la mobilisation : « Les citoyens doivent faire pression pour que l’environnement soit plus respecté. Lorsqu’on allait avec mes parents voir des apiculteurs de la région dans les années 1970, je me souviens que toutes leurs ruches étaient dans un rayon de 5 kilomètres, car les ressources étaient là. Les abeilles avaient moins besoin de surveillance et produisaient plus de miel. Aujourd’hui, elles sont moins adaptées au territoire à cause des changements environnementaux. On aimerait revenir à ce système-là, retrouver une nature foisonnante et sans pesticides, avec des abeilles locales », argumente Sylvère aux côtés de David pour qui « il serait aussi de bon ton de laisser tranquilles les haies, sans les réduire ni les détruire. Ne pas hésiter à en planter et tout simplement laisser fleurir les fleurs ! »

    Pour aller plus loin

    • Contact : chapiculteurs@orange.fr
    • @lechardon28 : page Facebook du Chardon, collectif de producteurs bio du Perche

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