Médias et climat : en route vers le journalisme de solution ?

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    Une récente étude intitulée « Comment les médias traitent-ils du changement climatique ? » publiée par Reporters d’Espoirs met en avant le traitement des sujets liés au climat dans les médias français. Depuis seize ans, le collectif soutient le développement d’un journalisme de solution. Une voie qui semble aujourd’hui fleurir face à la crise écologique. Entretien avec Gilles Vanderpooten, directeur général du collectif.

     

    Quel était l’objectif d’une telle étude ?

    De manière générale, les questions écologiques nous intéressent vraiment au sein du collectif Reporters d’Espoirs. Avec le contexte actuel le climat devient une question incontournable. Selon les chiffres récoltés grâce à l’étude, nous avons constaté que 42 % des personnes estiment l’environnement comme leur inquiétude première. En avril 2020, ce sont 76 % d’entre elles qui pensent que le changement climatique pourrait être, sur le long terme, une crise aussi grave que celle du coronavirus. Ces inquiétudes touchent à toutes les sphères et suscitent beaucoup d’initiatives en parallèle. Donc, avec Reporters d’Espoirs, nous pensons qu’il est important d’identifier des réponses à ces défis climatiques, pour les trier et les analyser.

     

    Qu’avez-vous pu constater au terme de l’étude ?

    La part des sujets évoquant le climat est de moins de 1 % en moyenne, avec des pointes à 2 % sur les chaînes d’information et 5 % pour certains quotidiens nationaux. Nous avons aussi réalisé que la presse quotidienne nationale (PQN) est la plus impliquée dans les questions climatiques et que la place des sujets liés au climat est passée de 0,6 % à 3,80 % en dix ans. Les journaux télévisés et la presse quotidienne régionale (PQR) sont également les médias les plus constructifs quand ils traitent du climat. C’est encourageant, mais ça reste encore relativement faible. Les Français attendent de vrais changements au sein de la sphère médiatique sur les questions climatiques.

     

    Selon vos observations, pourquoi les médias ne traitent-ils pas assez des thématiques liées au climat ?

    L’une des raisons principales est l’aspect anxiogène du sujet. Pourtant, avec le contexte actuel et des mouvements mis en place, il est plus urgent que jamais d’en parler. Il y a également un fort sentiment de non-maîtrise des enjeux scientifiques de la part des journalistes. Ils ne sont pas sûrs de leurs compétences et s’abstiennent donc d’en parler. Sur 30 000 cartes de presse, on évalue à peu près à 300 le nombre de journalistes en France qui maîtrisent le sujet. Or, le climat va bientôt polluer toutes les sphères de la société, que ce soit dans l’économie, le transport, etc. Alors s’il y a bien un sujet sur lequel on va vite devoir maîtriser les enjeux pour en parler, c’est bien celui-là.

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    Quel avenir prédisez-vous pour le journalisme de solution ?

    Le contexte social et climatique actuel va avoir un réel impact sur le développement du journalisme de solution. Près de 81 % des Français reconnaissent que la médiatisation des sujets climatiques crée chez eux un intérêt accru et une vraie prise de conscience. Sur les personnes interrogées dans le cadre d’une autre étude réalisée par France Télévisions « Ma télé et moi demain », 88 % d’entre elles demandaient des initiatives positives de la part des médias. Donc il faut pouvoir répondre à cette forte demande.

     

    Quel regard ont les journalistes que vous côtoyez sur le journalisme de solution ?

    Les journalistes sont de plus en plus nombreux à s’intéresser au journalisme de solution. Depuis trois ans, cela prend de l’ampleur, car il y a davantage d’études témoignant de cette demande accrue de la part des citoyens. Les gens zappent lorsque c’est trop anxiogène au journal télévisé. Tout ce mouvement permet ainsi la naissance d’initiatives collectives en parallèle. […] Nous avons également pu constater qu’au fil des années, il y a une forte demande de la part des écoles de journalisme. Par exemple, nous sommes en train de construire un programme de formation avec l’ESJ PRO sur ces enjeux-là. Il y a aussi beaucoup de jeunes qui nous contactent à ce sujet, pour des mémoires, des questions de recherches, des interrogations personnelles, etc.

     

    Aujourd’hui, quelles actions mettez-vous en place pour favoriser le développement d’un journalisme de solution au sein de la sphère médiatique?

    Avec le collectif Reporters d’Espoirs, cela fait seize ans que l’on travaille sur la thématique du journalisme de solution. On a fait et on continue toujours à faire des études sur le sujet, pour trouver des réponses aux défis climatiques. De plus, nous avons par exemple lancé le prix Reporters d’Espoirs qui met à l’honneur les journalistes pour leurs sujets traités sous l’angle « problème+solution ». Il y a également l’événement la France des Solutions, une grande opération de mobilisation pour mettre en lumière les acteurs de solutions économiques , sociales et écologiques. Et enfin le Lab, un outil qui permet aux médias de s’ouvrir au journalisme de solution via de la documentation, des chiffres, études, etc.

    Nous travaillons aussi avec des médias généralistes qui ne sont pas du tout dans cette approche, tels que Libération, le Figaro, ou certains médias de presse quotidienne régionale. Ces derniers sont très curieux et posent des questions sur comment traiter au mieux le journalisme de solution de proximité. La presse jeunesse s’intéresse également de plus en plus à ces thématiques-là. Notre prochain challenge : les chaînes d’infos en continu.

     

    Vous avez récemment publié l’ouvrage Imaginez le monde de demain, le rôle positif des médias (Actes Sud, 2020). Selon votre expérience, à quoi pourrait donc ressembler ce fameux monde de demain ?

    Dans ce livre, j’ai beaucoup voyagé pour aller à la rencontre des différents acteurs du journalisme de solution en France et à l’étranger. J’ai essayé de montrer qu’allier problème et solution à une approche participative peut très bien fonctionner. Nous ne sommes pas dans le simple journalisme positif qui ne fonctionne pas et laisse les lecteurs dubitatifs. On identifie le problème et on expose des réponses ainsi que des solutions de manière construite, voilà l’objectif même du journalisme de solution.

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