Dans une société où tout s’accumule et s’accélère, manger trop, trop vite et sans penser, peut générer des troubles physiques et émotionnels. Dans cette chronique, Paul Degryse, écrivain, éclaireur initié au chamanisme depuis plus de 30 ans, propose une réflexion sur les vertus de se nourrir en conscience.
La plupart des gens pensent que le poids excédentaire est lié essentiellement au fait de manger trop et que, dans ce cas il faut faire un régime. Ce n’est pas la seule raison et souvent les régimes n’arrangent rien. Il faut d’abord se demander pourquoi beaucoup de gens mangent trop ? A cause d’un gros appétit ou par gourmandise ! Certes, mais pourquoi cette gourmandise ?
Pour des raisons de stress ou/et des raisons de frustration affective ou sexuelle ou encore par besoin non satisfait de possession matérielle ou par insatisfaction professionnelle. La réaction à toutes ces causes c’est de manger trop parce que manger est censé procurer un plaisir compensatoire.
Mais presque toujours, cette façon de manger trop est associée au fait de manger trop vite en pensant ou en parlant, ce qui ne comble pas la frustration pour deux raisons : on prend du poids, ce qui ajoute un stress supplémentaire, et on n’absorbe pas la partie la plus subtile des aliments : leurs parfums et leurs saveurs et on tourne donc en rond dans un cercle vicieux.
La première raison étant évidente, nous allons parler de la seconde, beaucoup moins connue. Manger, pour l’être humain, remplit deux fonctions : la première est de fournir des protéines au corps pour le renouvellement des cellules (anabolisme) et aussi des sucres lents et rapides pour fabriquer de l’énergie.
La seconde est de fabriquer des endorphines, hormones qui apportent au corps et à l’esprit une sensation de plénitude qu’on appelle tout simplement le bien-être ainsi qu’une douce euphorie, ce qui a pour effet de dissoudre le stress et de restaurer l’optimisme.
Un art de vivre
Mais voilà ! Cette plénitude n’est produite que si nous consacrons la plus grande partie de notre attention à l’acte de manger et que nous mâchons et salivons abondamment nos aliments pour ne les avaler que réduits en purée.
Pendant que vous prenez le temps de mâcher et de saliver vos aliments jusqu’à ce qu’ils soient réduits en purée, votre cerveau a le temps de recevoir l’information des saveurs et parfums des aliments et d’envoyer à l’hypothalamus le signal de fabriquer et d’envoyer les endorphines dans une autre partie du cerveau pour que vous ressentiez, comme une récompense, le sentiment de bien-être, de plénitude et de confiance en la vie.
Vous comprendrez aisément l’importance de cette fonction hédonique en la reliant à la gastronomie que l’être humain, et ce n’est pas un hasard, a élevé, sur toute la terre, au rang d’un véritable art de vivre.
Les sages taoïstes disent que la masse pondérale des aliments est faite pour le corps et que leurs parfums et saveurs sont faits pour l’esprit. C’est pourquoi, précisent-ils, seuls les gens qui mangent avec une telle attention, en se nourrissant à la fois du corps des aliments et de leur esprit, sont des sages qui vivent longtemps sans maladie et dans la sérénité.
Quand nous mangeons vite et sans respect pour ce que la terre nous a offert, en ne mâchant pas suffisamment et en parlant ou en pensant à des tas de choses, nous avalons des gros morceaux et notre système digestif est submergé, il ne peut faire face. Nous n’avons aucun respect pour notre corps. Tout ou partie des saveurs et parfums nous échappent et les endorphines ne sont pas envoyées au cerveau émotionnel. Nos digestions sont très longues. Nous perdons donc de l’énergie au lieu d’en gagner et, de plus, une partie des aliments non digérés suffisamment vont être réduits en graisses qui vont se stocker entre les tissus musculaires lisses et striés et se stocker aussi à l’intérieur des vaisseaux, réduisant la bonne circulation du sang.
Il va falloir alors traîner ce poids excédentaire et fatiguer notre cœur déjà trop sollicité par la réduction de volume intérieur de ceux-ci. Nous tournons à nouveau dans un cercle vicieux infernal faute de connaître la relation entre le corps et l’esprit.
Eviter le vieillissement prématuré
Imaginez-vous tous les avantages de manger attentivement ? D’abord, vous déclenchez le circuit d’endorphines, hormones de bien-être et de sérénité en mâchant et salivant complètement vos aliments. Puis vous économisez l’énergie dilapidée quand vous ne respectez pas votre nourriture et votre corps. Ensuite, vous évitez le vieillissement prématuré de votre corps, et vous perdez (éventuellement, si cela vous concerne) le poids excédentaire de votre corps et vous vous aimez à nouveau. Enfin vous économisez beaucoup d’argent en mangeant moins tout en étant mieux nourri, parce que d’une part, quand on mange attentivement, on ne peut pas manger autant qu’avant, d’autre part, grâce à une mastication complète tous les nutriments nécessaires au renouvellement des tissus sont extraits des aliments.
Ainsi, vous pratiquez la sobriété heureuse préconisée par Pierre Rabhi. Pensez-vous que cela vaille la peine de changer vos routines ? Cela va demander un effort de volonté car la mémoire qui commande toutes nos habitudes ne va pas lâcher comme ça, mais ça tombe bien : la maîtrise de notre attention, qui n’est pas moins que la conscience en train d’agir, est le plus puissant outil pour acquérir du pouvoir intérieur.
Par Paul Degryse
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