Entretien avec Isabelle Filliozat, psychothérapeute, directrice de l’École des intelligences relationnelle et émotionnelle (Eirem) et auteure de nombreux livres dont J’ai tout essayé ! Opposition, pleurs et crises de rage : traverser sans dommage la période de 1 à 5 ans (JC Lattès, 2014).
Comment définissez-vous l’éducation positive ?
L’éducation ou parentalité positive est une approche empathique de l’enfant. On pose l’hypothèse que derrière les comportements, il y a des émotions et des besoins. On va alors se mettre à l’écoute de ces derniers plutôt que de tenter de contrôler les comportements. C’est donc aux parents, à tous les acteurs de la petite enfance, à tout adulte en contact avec des enfants d’écouter et de comprendre les émotions. Cette éducation se place dans une dynamique de non-violence, et dans la non-violence, il n’y a pas de jugement. Cette éducation est positive, non pour être en opposition avec quelque chose de négatif, mais parce qu’on va s’attacher à donner des ressources à l’enfant, plutôt que des limites. En résumé, plutôt que de dire « non », on va tenter d’enseigner à l’enfant comment faire.
Pouvez-vous définir ces ressources ? Et ce que vous nommez le « réservoir affectif » ?
Le réservoir affectif est une partie de ces ressources. C’est un mélange d’amour, de complicité, de temps passé entre les enfants et les parents. Ce n’est pas l’amour au sens « J’aime mon enfant », ça c’est un sentiment, mais ce sont des actes concrets : par exemple, combien de temps aujourd’hui l’enfant et le parent ont-ils passé ensemble ? Nombre de comportements excessifs des enfants sont liés au fait qu’ils sont stressés. Et s’ils sont stressés, c’est parce que le réservoir affectif n’est pas plein. Or, le réservoir affectif est en réalité un réservoir d’énergie adaptative. C’est du carburant pour réagir face au stress.
Pour autant, même si l’enfant reçoit beaucoup de tendresse, d’amour, que son réservoir affectif est comblé, il rencontre parfois des difficultés. Il ne sait pas toujours comment faire. Par exemple, sur un toboggan, un enfant de 2 ans qui est derrière un autre ne sait pas forcément s’il doit attendre ou passer, et s’il peut pousser, taper. On voit bien qu’il ne s’agit pas de lui donner plus d’amour : l’enfant n’a pas acquis une compétence sociale suffisante pour obtenir satisfaction de son besoin, donc, le parent enseigne à l’enfant comment faire. Dans ce cas, je lui enseigne à demander gentiment, je lui enseigne des gestes amicaux qui signifient qu’il veut passer, je lui enseigne peut-être d’attendre son tour. En résumé, je lui enseigne « des compétences », plutôt que de le culpabiliser et de lui dire : « Tu ne dois pas taper, tu ne dois pas faire ceci, cela. »
Pour remplir le réservoir affectif de l’enfant, est-il nécessaire que le réservoir des parents soit plein, et comment les parents peuvent-ils le remplir ?
L’avantage de ce réservoir est que, chaque fois que l’on remplit celui de l’enfant, celui du parent se remplit automatiquement. Récemment, une dame me disait qu’elle avait fait un « karaté chaussette » avec son fils – pourtant âgé de 14 ans –, chacun tentant de prendre la chaussette de l’autre. Ce moment de contact intense a rempli profondément le réservoir… des deux. C’est l’avantage de l’amour : plus on en donne, plus on en reçoit.
Dans cette approche, les mères et les pères doivent-ils avoir la même attitude ?
Je ne suis pas sûre de faire une différence énorme entre le rôle du père et le rôle de la mère. C’est plus une question individuelle de la place de chacun dans la relation avec l’enfant. Chaque famille est une création unique, donc il n’y a pas de règle générale. Il y a des femmes qui travaillent et des hommes qui vont rester à la maison. Il y a toutes sortes de formes de famille. Cela dit, les femmes et les hommes ont des façons très différentes d’appréhender les choses, et nous avons clairement à apprendre l’un de l’autre.
Est-ce que l’union « naturelle » de l’enfant avec la mère, liée par exemple à l’allaitement, renforce leur proximité par rapport au père ?
Ce n’est pas être plus proche, c’est une relation différente. La personne qui s’occupe prioritairement de l’enfant pendant ses 9 premiers mois de vie devient sa figure d’attachement principale. L’enfant se tournera vers cette figure d’attachement principale pour raconter ses soucis, pour décharger son stress. C’est une des raisons pour lesquelles c’est souvent avec la mère que l’enfant refuse de manger, fait des grandes crises, etc. Mais, on voit aujourd’hui que des pères dans une démarche de paternage proximal – faire dormir l’enfant sur lui, être dans un contact peau à peau, etc. –, deviennent des figures d’attachement importantes pour l’enfant.
Le congé parental n’est pas toujours facile à envisager. Que devient la figure d’attachement principal quand l’enfant est confié à une assistante maternelle ou mis en crèche ?
On n’a pas une seule figure d’attachement, il y a en une principale. Il y a des figures d’attachement secondaires. Par exemple, chez les peuples racines, rares sont les enfants qui sont 100 % du temps avec leur maman : ils vont dans les bras des tantes, des sœurs, des pères, etc. C’est chouette pour les mères de pouvoir rester avec leur enfant jusqu’à la fin de l’allaitement, mais les mamans d’aujourd’hui sont trop seules et ce n’est pas forcément bon pour un enfant. Un enfant n’a pas besoin que de sa maman, il a aussi besoin d’être en contact avec l’autre. Le problème, c’est quand une maman doit reprendre le travail et laisser son enfant entre 8 et 10 heures par jour. Mais on ne peut pas exclure une maman du monde du travail dans lequel elle s’épanouit, car ça rejaillit sur l‘enfant. L’idéal serait que les enfants soient élevés par une tribu d’adultes, pas juste une maman.
Souvent revient la sentence : « Oui, mais il faut fixer un cadre ! » Que pensez-vous du cadre ?
Les enfants ont un cadre : ils ont un cadre de vie. Vouloir fixer un cadre artificiel, c’est être à côté de la plaque. L’enfant a besoin de belles choses, de nature, d’un cadre protégé où il peut se mouvoir en liberté sans risquer de se blesser. Donc, oui, nous avons à fournir un cadre, mais un qui soit lié à un espace où l’enfant peut s’épanouir de manière sécurisée. Le cadre est aussi lié au temps. Il est important de respecter les routines d’un enfant : il a besoin de repères, que les choses ne soient pas tout le temps mélangées au gré des besoins des adultes. Certains enfants sont très rythmiques – dormir à la même heure, manger à la même heure –, d’autres sont beaucoup plus flexibles : nous devons nous adapter. À partir du moment où je fixe un cadre, je ne suis pas à l’écoute des besoins de l’enfant. Et je fixe un cadre à partir de quoi ? À partir de ce que racontent les experts ? C’est être à côté du besoin de mon enfant.
C’est la porte ouverte au laxisme, voire à l’enfant roi ?
Il y a plusieurs choses. Le laxisme signifie souplesse : je préfère un parent laxe qu’un parent autoritaire. Ce qui est problématique, ce sont les parents qui laissent tout faire à leurs enfants. Je suis pour une tolérance zéro lorsque l’enfant a un comportement perturbant : lorsqu’il hurle, se roule par terre, etc. Si je tolère le comportement de l’enfant, je ne suis pas en train de l’écouter, or il cherche à me dire quelque chose et je le laisse hurler dans le vide : non ! Tolérance zéro. Je vais vers l’enfant et je vais écouter son besoin. Je ne vais pas le punir, lui fixer des limites, je vais écouter son besoin. Il faut donc faire la différence entre être laxe et laisser faire, qui signifie abandonner l’enfant à lui-même.
La parentalité empathique, c’est être concerné et proche du besoin de l’enfant, ce qui est très loin de ce qui pourrait créer un enfant roi. Pourquoi raconte-t-on cette histoire d’enfant roi dans notre société française ? C’est à cause de la psychanalyse. Selon la psychanalyse, l’enfant vient au monde avec des pulsions et donc il est nécessaire de mettre un frein à ces pulsions pour qu’il devienne un adulte responsable. C’est logique dans cette construction, sauf que ce n’est pas la réalité. L’enfant n’est pas un être de pulsions, l’enfant est un être habité de besoins. Nous le savons grâce aux travaux liés à l’attachement de l’enfant et aux études scientifiques sur le cerveau de l’enfant. On peut donc regarder chaque situation soit sous l’angle de la psychanalyse, soit sous l’angle de la théorie de l’attachement.
Retrouvez cet article en intégralité dans le hors-série 5 de Kaizen, Pour une enfance joyeuse.
Pour aller plus loin, participez à la conférence Kaizen pour une parentalité positive, le 10 juin à Paris.
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Ouais bon, la psychologie n’étant pas une science, son avis n’engage qu’elle.
Pourquoi une théorie doit toujours se poser en s’opposant. Théorie de l’attachement et psychanalyse ne sont pas antinomiques. Elles proposent juste des pistes complèmentaires de compréhension de l’humain. Que l’on entend pulsion ou besoin, le message est le même, l’enfant a besoin de l’adulte pour se comprendre et comprendre le monde qui l’entoure.
La théorie de l’attachement est comme les autres théories, tout empreinte d’idéologie! Plus l’idéologie se cache et se défend d’exister, plus elle est dangereuse car elle nous endort et nous empêche de penser…
Isabelle Filliozat a beaucoup d’expérience dans le domaine de la psychologie de l’enfance; mais dans cet article, elle assène des « vérités » sans les argumenter, et je ne suis pas convaincue par toutes ses affirmations, qui manquent pour le moins de nuances.
Merci pour cet vision positive de l’enfant!! Éduquer un enfant demande de l’accompagner (pas de le dresser!). Respect, patience, amour….sont autant de valeurs sur lesquelles il pourra se construire.
Ne pas oublier que l’enfant communique avec son environnement proche ET éloigné dès la vie intra-utérine!!!
Voir les nombreuses études réalisées par une grande pionnière, dans ce domaine, qui remonte à plus de 30 ans (Hé oui!) : Marie-Claire BUSNEL toujours aussi active.
Vous trouverez une abondante littérature, toujours d’actualité, en tapant son nom dans le moteur de recherche de votre choix 😉