Le numérique, c’est plus écologique ?

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    Abandonner les supports matériels et choisir le numérique, est-ce la solution pour économiser les ressources naturelles ? La réponse n’est pas évidente : si le papier consomme des arbres, l’électronique utilise des métaux, du plastique, des terres rares… Décryptage au cas par cas.

     

    « En choisissant la facture électronique, vous vous simplifiez la vie tout en réduisant votre impact sur l’environnement. »

    Voici ce que j’ai pu lire sur l’enveloppe de mon fournisseur d’accès à Internet. Depuis de nombreuses années, l’idée selon laquelle le numérique est plus écologique que le papier s’enracine de plus en plus dans les esprits. « Pensez à l’environnement, n’imprimez pas cet e-mail », lit-on d’ailleurs dans les signatures nos courriels.

    Face aux tonnes de papier imprimées chaque jour, il apparaît tout naturel que le numérique, supposément dématérialisé, offre une alternative « propre », « verte », « économe en ressources ». Quitte à progressivement bannir le papier de nos environnements : lire ses romans sur une liseuse, ses manuscrits ou scénarios sur une tablette, ses courriers sur son téléphone, ses rapports sur son ordinateur… Regardons de plus près ce qu’il en est réellement.

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    E-mail vs facture papier

    Une analyse de cycle de vie réalisée par le groupe EcoInfo du CNRS à la demande de l’entreprise Pocheco (fabriquant d’enveloppes) a comparé l’effet d’un courrier papier et l’envoi d’un courriel.

    Loin d’être clichés ou uniformes les résultats montrent à quel point les conséquences de chaque solution dépendent du comportement de l’utilisateur. Ainsi, sur un faisceau de dix facteurs (parmi lesquels on compte épuisement des ressources, destruction de la couche d’ozone, changement climatique, consommation d’énergie, toxicité humaine, eutrophisation…), la facture numérique sera globalement moins dommageable si elle n’est jamais imprimée et si sa consultation en ligne dure moins de trente minutes (ce qui est fréquemment observé pour les relevés bancaires). Comme le note l’étude, « dès que la facture numérique est régulièrement imprimée (1 fois sur 3) son avantage environnemental sur la facture papier devient discutable ».

    Une question d’optimisation

    Cela peut paraître étonnant. Et pourtant, si la facture papier est impactante par son impression et son acheminement, la facture numérique peut l’être tout autant par l’appareillage de son utilisateur (ordinateur, imprimante, box internet) et celle des fournisseurs d’accès (serveurs, centres de données), tant pour leur fabrication (matière première, énergie) que pour leur utilisation (énergie consommée pour l’envoi et le stockage des données).
    À lui seul, l’envoi de votre relevé de comptes ou de votre note de portable va suivre cinq étapes, toutes consommatrices d’énergie :

    – Création de la facture par le fournisseur de service, sauvegarde, création de l’e-mail et envoi ;

    – Réception de l’e-mail par votre prestataire mail (Gmail, Orange, etc.) et consultation ;

    – Consultation de la facture sur le site de votre fournisseur de service (banque, opérateur web ou téléphone) ;

    – Téléchargement en PDF ;

    – Archivage sur votre ordinateur et/ou impression.

    L’ensemble de ces opérations ramenées à l’échelle d’un utilisateur unique aura engendré une consommation de 36,5 Wh. Sachant qu’avec 1000 Wh (un kilowattheure) il est possible de regarder la télévision pendant trois à cinq heures, faire fonctionner un frigo pendant une journée, travailler une demi-journée avec un ordinateur fixe, se chauffer pendant une heure en hiver et s’éclairer sept heures durant avec sept lampes basse consommation.

    Livre vs liseuse et tablette

    Côté livre papier, le rapport est sensiblement le même.

    Les deux études les plus citées montrent que la création du livre nécessite entre 1,3 kg en équivalent Carbone (d’après l’institut Carbone 4) et 7,5 kg (institut Cleantech), contre 135 kg pour un Ipad et 168 kg pour une liseuse Kindle. Le ratio deviendrait intéressant au-delà de vingt livres lus par an selon l’étude Cleantech – ou plus de cent livres pour l’étude Carbone 4. Sachant que la moyenne annuelle était de 16 livres lus en 2011 et que les tablettes peuvent être utilisées à d’autres fins que la lecture… On peut toutefois se demander d’où vient un pareil écart entre les deux études. Selon Marie Trauman, secrétaire générale du Comité développement durable d’Hachette Livre qui a mis les deux cabinets en présence, cette différence résulte des plus longues distances parcourues par les livres aux États-Unis et de divergences dans les méthodes de calcul :

    – Aux États-Unis, le bilan carbone de l’édition inclut les émissions de GES (gaz à effet de serre) liées à l’activité de distribution, ce qui n’est pas le cas en France ;

    – La méthodologie française s’attache moins à la déperdition en capacité d’absorption du CO2 liée à l’exploitation forestière.

    Bienvenue dans le monde de la complexité…

    Une question de temps

    Hic plus préoccupant côté numérique, les matières premières nécessaires à la fabrication des liseuses et tablettes (plastique, matériaux chimiques, lithium des batteries) ne sont généralement pas recyclées.

    Point noir côté livre papier : vingt millions d’arbres sont sacrifiés chaque année sur la planète pour fabriquer les centaines de milliers de livres publiés. Un sur cinq provient encore de forêt anciennes.

    La solution est là encore dans la sobriété, autant que dans le recyclage. Selon l’analyse de cycle de vie de Terre Vivante sur la fabrication des livres [1], une tonne de papier recyclé permet d’épargner dix-sept arbres et économise 40% d’eau et d’énergie. Des mélanges de papiers produits par des bois issus de forêts gérées durablement et de papier recyclé améliorent considérablement le bilan de nos chers ouvrages.

    Mais c’est sur le long terme que le livre papier marque le plus de points. Là où tablettes et liseuses seront remplacées au bout de quelques années (pannes, obsolescence programmée…), les livres resteront quasiment inusables. Ainsi la bonne vieille bibliothèque ou le partage de livres restent la solution la plus durable !

    Journal vs requêtes web

    Le rapport « L’empreinte carbone du secteur de l’édition », réalisé pour le compte de l’Association mondiale des journaux et éditeurs de médias d’information (Wan-Ifra) et fondé sur six études réalisées en Finlande et en Suède entre 2010 et 2012, conclut quant à lui à un impact moyen très proche entre versions papier et numérique.

    Là encore, le nombre de lecteurs, de pages, le temps de lecture, le nombre de copies imprimées, le recyclage ou non du papier, le processus de fabrication d’un ordinateur et le mix énergétique du pays ont une influence importante sur les résultats.

    Pour autant, Manfred Werfel, responsable au sein de Wan-Ifra, déclare tout de même qu’« en fonction des habitudes et du temps de lecture, le journal imprimé est même souvent meilleur que les versions en ligne ou mobiles en raison d’un bilan carbone inférieur ».
    Sachant que lire en ligne incite à cliquer et recliquer, ce qui est loin d’être neutre ! L’Ademe estime que la recherche d’information via un moteur de recherche représente 9,9 kg équivalent CO2 par an et par internaute.

    Alors, quelle solution choisir ?

    Sobriété et bon sens semblent être les maîtres mots, quelle que soit la solution choisie. Ceci dit, le bon vieux papier traditionnel est loin d’être le plus polluant, comme il en a souvent été accusé. Au contraire, aurais-je tendance à dire. D’une part, la ressource papier peut être gérée durablement (tant pour la production qu’en matière de recyclage) bien plus facilement que la ressource informatique. En outre la lecture papier invite à la concentration et à la profondeur, contrairement à la lecture sur écran plus segmentée, fragmentée et discontinue.

     Par Cyril Dion

     

    Extrait de la rubrique Désenfumage de Kaizen 9.

     


    [1] Voir Kaizen 3

    10 Commentaires

    1. D’accord pour les eBook, qui sont de nouveaux appareils, mais pourquoi inclure l’appareillage de l’utilisateur pour le bilan de la facture électronique :
      Il a fort a parier que l’utilisateur qui opte pour la facture électronique est déjà équipé en PC/Box, etc. quand a l’impact pour les fournisseurs d’accès : La consultation de factures PDF doit peser bien léger sur des infrastructures dimensionnées pour du streaming HD pour tous.

    2. Nombre d’entreprises ont (trop) rapidement pensé faire des économies d’affranchissment via la dématérialisation, au final un cout financier et écologiques encore plus lourd pour la facture numérique. Dommage d’autant plus qu’au final bon nombre de consommateurs continuent d’imprimer leur factures…

    3. l’étude ne dit pas combien , parmis ceux qui reçoivent des factures par courrier , les scannent ( pour faire une copie ) et les stockent (hdd ou cloud).

    4. Bonjour, dans ce contexte de factures je pense aux facteurs/factrices qui distribuent le courrier (je n’ai pas encore vu de robot descendre ma rue sur son vélo et s’arrêter à chaque porte…), dont je me demande quel sera le sort une fois tout informatisé. Sur mes enveloppes de règlement j’écris en couleur : « je garde mon facteur ! ». De plus, en campagne les facteurs sont un lien humain, ils sont attendus (en ville aussi), ils apportent même parfois les médicaments aux personnes âgées, signalent ce qui leur semble bizarre… Humain, vous dis-je.

    5. La comparaison papier/numérique ne peut pas se faire comme si nous avions le choix entre une technologie et une autre. Nous sommes passés déjà au tout numérique. La question est : « Pourquoi continuer à imprimer et à utiliser du papier comme support d’information ? ».

      Un document est créé avec un ordinateur, celui-ci a déjà pollué par sa fabrication et l’électricité consommée. Nous avons deux choix pour transmettre ce document :
      – l’imprimer et l’envoyer par la poste
      – l’envoyer par email

      L’envoie par email consommera un peu d’électricité tandis que l’impression nécessitera la production d’une ou plusieurs feuilles de papier, d’électricité pour l’imprimante, d’encre, d’un transport par vélo, cyclomoteur, voiture, camion, train ou avion. En plus de cela, il faudra compter plusieurs jours d’acheminement.

      Un univers tout papier (pas d’ordinateur) pollue pratiquement autant qu’un univers tout numérique. C’est l’utilisation des deux technologies qui produit une pollution sans pareille.

      Je précise que chaque année plus de 40 000 personnes meurent prématurément de la pollution de l’air engendrée à 75% par les moyens de transports. Une partie de ces moyens de transport sont utilisés pour acheminer du papier dont la durée de vie est très courte. La production de papier consomme des arbres qui pourraient être utilisés pour faire des bâtiments plus écologiques (on est obligé en France d’importer du bois de construction), elle génère de fortes pollutions dans l’air, dans la mer et dans les nappes phréatiques.

      Un appareil électronique pollue fortement à sa fabrication, sa durée de vie est entre 5 et 10 ans.

      Avec un appareil électronique, on lit en moyenne 100 pages par jour. On ne lit pas que des livres, on lit l’actualité, ses emails, des documents professionnels etc. Soit un livre par jour, ce qui fait 300 livres par an multiplié par 5 ans, cela donne 1500 livres lus. On est loin de l’étude dont vous parlez qui donne une estimation de 60 livres en 5 ans.

      Il est temps d’agir et de radicaliser nos pratiques : actuellement, le zéro papier est la seule solution pour continuer à augmenter notre efficacité et ne pas augmenter son impact sur l’environnement : http://urlpetite.fr/zeropapier.

      Si, en plus, on fait le choix de ne consommer que de l’électricité propre, notre impact sera vraiment faible : http://www.enercoop.fr

    6. Dans l’idée de diminuer son impact écologique dans l’utilisation des outils informatique, il faut à mon sens commencer par faire attention à son usage. Ne pas utiliser des boites gmail ou outlook qui sont stockés aux USA par exemple.

      J’utilise depuis 1 mois une boite email http://www.ecomail.fr. L’idée est intéressante et l’interface incite l’utilisateur à ne pas garder des emails inutiles, et donc à ne pas stocker inutilement. Le stockage étant source de pollution, via la consommation énergétique, toute action même infime est bonne à faire.

    7. La comparaison sur les liseuses est erronée. La liseuse devient plus écologique à partir du 21e livre lu. Et non pas 20 livres par an, à moins de changer de liseuse tous les ans.

      Idem, on explique que la generation du pdf coute. Mais ce pdf est generé, que ce soit pour un envoi electronique que pour une impression papier.

      Par contre, ce qu’il manque dans l’article, c’est que la version electronique coute de l’energie tout au long de sa vie. Alors que la version papier ne coute qu’une fois. L’email contenant la piece jointe est stockée sur un disque, dans un datacenter. Ce dernier tourne en continu, ainsi que le systeme de stockage. Il doit etre refroidit, etc. On peut même considerer que cette version electronique est aussi conservée à la source. On pourrait donc faire l’analogie avec le fait que l’on envoie tous les ans l’historique de vos factures papier

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