Initié le 24 mars dernier par le militant Benjamin Ball, le comédien Brice Montagne et Victor Vauquois, scénariste pour la chaîne Youtube « Partager c’est sympa », le mouvement le Monde d’Après s’est fait connaître sur Internet pendant le confinement. Le 31 mai prochain, les cent-douze groupes locaux qui le constituent se réuniront pour la première fois à travers la France. L’objectif ? Entamer un long travail de résilience populaire pour construire le monde de demain, multiple et solidaire.
« Un outil honnête de démocratie pour la viabilité sociale et écologique », c’est ce que Fanny Becvort pense avoir trouvé dans Le Monde d’Après. Syndiquée depuis plusieurs années, c’est seulement en intégrant le groupe d’impulsion du mouvement que cette professeure de lettres classiques a eu l’impression d’opérer un virage dans sa militance. À l’autre bout de la France, Julie Gasquet est tout aussi enthousiaste. Après plus de dix-huit ans d’engagement altermondialiste et divers projets de développement, c’est également à la construction du Monde d’Après qu’elle a décidé de se consacrer : « Ce qui m’intéresse dans ce mouvement, c’est sa démarche locale et son ouverture sur d’autres actions, à plusieurs échelles », confie-t-elle. Aussi, aucune des deux n’a hésité bien longtemps avant de signer l’appel publié sur le site du mouvement, le 27 avril dernier.
Avec le Monde d’Après, Benjamin Ball, Brice Montagne et Victor Vauquois veulent opérer une bascule radicale : celle de la capacité des peuples à s’auto-déterminer partout, sur tous les sujets, pour lutter contre tous les rapports de dominations. Alors qu’un Conseil National de la Nouvelle Résistance (CNNR) a vu le jour le 13 mai dernier, et qu’une tribune d’universitaires appelant à la résilience de l’action publique paraissait sur le site du Monde dès le lendemain, le Monde d’Après s’inscrit dans ce mouvement de contre-stratégie du choc : « Il y a cette idée qu’on peut saisir cet instant pour essayer de tout changer », explique Benjamin Ball.
L’urgence de repenser les communs
Pour Fanny Becvort, lutter par à-coup contre un système dévorant n’est pas une stratégie viable. Il faut désormais prendre le temps de s’arrêter et de tout repenser, ensemble. Ces dernières semaines ont vu fleurir un besoin de changement, avec des initiatives solidaires et des appels à l’action partout sur le territoire. Mais ceux-ci sont encore trop sclérosés pour permettre une évolution globale, avance Fanny : « Il ne faut pas nier les réalités de ces luttes », rappelle-t-elle : « Mais l’idée, c’est qu’au lieu de faire des appels distincts, il faut qu’on travaille ensemble ».
Pour y parvenir, Le Monde d’Après fait un double pari : penser et agir localement et globalement, en même temps. Dès le 31 mai prochain, le mouvement propose d’opérer sur le modèle d’assemblées populaires. Le rôle de ces rassemblements locaux ? Mettre en relation et à diverses échelles des acteurs issus de divers horizons militants et associatifs, et ancrer l’action localement, par le biais de campagnes thématiques. Démocratie, transition, logement, alimentation et médias : le groupe d’impulsion du mouvement a pour l’instant proposé un recueil collaboratif de cinq champs d’actions, que les groupes locaux pourront venir enrichir. Ceux-ci pourront également décider ou non de s’emparer de différentes palettes d’actions plus ou moins offensives : « C’est important d’explorer tous les chemins du changement et de pousser à expérimenter », explique Benjamin Ball. L’idée est simple : plus il y aura de relais locaux à s’emparer d’une même campagne, plus l’action sera impactante au niveau national, voire international. Mais leur mise en place devra se faire selon la réalité des territoires : « Il ne s’agit pas d’avoir un haut de pyramide qui commande les actions des assemblées », rappelle Fanny Becvort.
Dès le 31 mai retrouvons nous partout sur les places dans nos quartiers, nos villages pour construire Le Monde d’Après…
Publiée par Le Monde d’Après sur Dimanche 17 mai 2020
Vidéo par : Enfant Sauvage
Reconstruire, avec vigilance
Expérimenter une gouvernance partagée et populaire, c’est donc ce que propose, entre autre, le Monde d’Après. Benjamin Ball est clair sur ce point : les relais locaux et leurs groupes de travail devront finir par s’auto-déterminer sans l’aide du groupe pilote et dans le respect des valeurs du Monde d’Après : « On doit analyser les mécanismes de domination, faire un bilan régulier et proposer des solutions pour les dépasser », souligne-t-il.
Il s’agit, pour les membres du mouvement, de ré-apprendre à construire du commun, à vivre et à débattre plus sereinement : « Le Monde d’Après est un organisme vivant, voué à s’adapter sans cesse aux contextes et aux personnes qui y entrent », avance Julie Gasquet : « Il faut avoir cette flexibilité tout en maintenant une certaine unité ». Un projet qui, Benjamin Ball le sait, nécessitera d’être patient : « Ça ne va pas être facile, on va apprendre, et ça, ça prend du temps ». Mais pour lui, si l’urgence d’agir est réelle, ce processus est nécessaire pour y répondre correctement.
Des nains sur des épaules de géants
La vision que propose Le Monde d’Après n’est pas nouvelle. Et pour cause, des Gilets Jaunes, en passant par les Indignés, Nuit Debout, ou les actions climat de ces dernières années, le mouvement prend racine dans une multitude de luttes passées et contemporaines. Chacun de ces mouvements, selon Fanny Becvort, a apporté une nouvelle stratégie de lutte sur laquelle Le Monde d’Après veut s’appuyer. Selon Benjamin Ball, si ceux-ci n’ont pas atteint le maximum de leur potentiel, ils ont néanmoins permis d’ouvrir les imaginaires.
Aujourd’hui, c’est de ces expériences que le Monde d’Après veut s’enrichir pour organiser son action et s’inscrire dans le temps long : « On se mobilisera jusqu’à ce que l’objectif soit atteint », assure Benjamin Ball : « Transformer la réalité des gens, c’est un pari compliqué mais nécessaire. Si on ne le fait pas, ça veut dire qu’on accepte la situation ». L’idée est lancée. Seul le temps nous dira, comme l’exprime Julie Gasquet à l’autre bout du fil, ce qui ressortira du collectif.
Par Clara Jaeger
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