Le Carillon, ou comment tendre la main aux sans-abri

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    Après neuf mois de développement dans le 11e arrondissement de Paris, l’association Le Carillon fête cette semaine (le 13 octobre) son extension dans le 10e arrondissement. L’occasion de revenir sur le fonctionnement de cette jeune association qui milite pour inciter les commerçants à rendre des services aux SDF de leur quartier. Une initiative simple et solidaire, génératrice de liens et de chaleur humaine.

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    © Le Carillon

    Pour Louis-Xavier Leca, « la vraie pauvreté, c’est l’isolement ! » Un constat qui a incité ce jeune homme de 28 ans à lancer, il y a un an, l’association Le Carillon. Las et triste de voir passants et commerçants vivre leur quotidien sans poser le moindre regard sur les SDF du coin, il a en effet eu l’idée de tendre la main, aux uns comme aux autres, afin de renouer une forme de dialogue. Un brin de solidarité. Comment ? En incitant les commerçants, d’un côté, à proposer gratuitement des services aux SDF, tels que boire un verre d’eau, passer un coup de fil, utiliser les toilettes, lire des journaux , bénéficier d’un morceau de pain ou encore recharger leur téléphone. Et de l’autre, en informant les SDF du coin des services proposés par les commerçants engagés. « Notre idée est de casser le sentiment de rejet envers les SDF et de travailler sur l’acceptation », explique le jeune homme investi à temps plein dans son association. « Il s’agit de menus services indolores pour les commerçants » mais qui permettent d’ « améliorer les conditions de vie des SDF » tout en leur apportant beaucoup de « chaleur humaine ».

    Pour ce faire, l’association s’est entourée de bénévoles afin d’aller frapper aux portes des commerçants, expliquer le concept, et les convaincre d’adhérer et de s’engager à faire un geste. « On leur explique la démarche et on leur propose d’accoler à leur vitrine un petit picto autocollant représentatif de l’aide qu’ils veulent bien apporter aux SDF », explique une jeune bénévole ravie de voir l’engouement des commerçants « peu nombreux à refuser. » Parallèlement à ce porte-à-porte, Louis-Xavier Leca s’est appuyé sur des associations du quartier, comme Les Restos du Cœur ou la Croix-rouge, afin de toucher les sans-abri en leur distribuant des listes recensant les commerçants partenaires. Enfin, l’association a lancé des « défis solidaires » afin d’inciter les citoyens à faire eux aussi leur part. Il s’agit d’un système de bons distribués aux adhérents de l’association (l’adhésion s’effectue en ligne ou directement chez les commerçants) ayant pris leur repas chez un commerçant partenaire. Une fois remis aux sans-abri, ces bons leur permettent de bénéficier d’une boisson chaude ou d’un repas dans l’ensemble des commerces ayant adhéré au Carillon. Le consommateur devient ainsi un véritable « consomm’acteur » qui peut agir d’un bout de la chaîne… à l’autre.

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    Charly, le poissonnier © Le Carillon

    Une écoute compatissante

    « C’est vraiment quelque chose de nouveau pour les sans-abri de pouvoir se dire qu’ils peuvent être bien accueillis par les commerçants du coin », sourit Nicolas derrière la porte de son bistrot, Chez Hypolène, rue Saint Maur. Séduit par le caractère novateur de cette association, il avoue ne pas avoir hésité une seconde à rejoindre l’association dès son lancement l’hiver dernier. Et il n’est pas le seul, puisqu’en un an, Louis Xavier Leca et son association ont déjà convaincu près de soixante-dix commerçants du 11e arrondissement.

    « L’objectif du Carillon, au-delà de fournir des services qui ne sont finalement que des prétextes, c’est de recréer du lien localement » rappelle le fondateur.

    Du lien et une oreille compatissante. Charly, gérant de la poissonnerie Lacroix, véritable institution du 11e arrondissement, affirme ainsi « apprendre beaucoup des SDF qui viennent chaque jour ou presque dans [sa] boutique » en les écoutant et en leur offrant finalement un peu de son temps et de son écoute. L’association va même plus loin désormais, puisqu’elle organise aussi, le 11 de chaque mois, des moments festifs tels que des après-midi pétanque, des apéros solidaires, et des piques niques où carillonneurs, sans-abri, commerçants et simples curieux se mêlent. Le tout sans préjugés ni distinctions.

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    Amorcer une réinsertion

    Et le Carillon ne compte pas s’arrêter là. Forte du succès rencontré dans le 11e arrondissement, l’association envisage désormais d’étendre son action à l’ensemble de la capitale – une première antenne « locale » vient d’être installée dans le 10e arrondissement, et une autre devrait suivre dans le 19e – tout en faisant évoluer sa démarche. « Les petits services du quotidien, c’est une première étape » explique Paul, chargé des opérations et du relationnel avec les commerçants partenaires. « Mais à terme on aimerait mettre en place des chantiers de réinsertion : une biscuiterie et une conciergerie solidaire ». Pour le premier, Le Carillon a déjà pu compter sur la bienveillance des moines d’un monastère bourguignon qui ont cédé leur recette ancestrale de biscuits à l’épeautre. L’objectif est maintenant que ces biscuits soient cuisinés et livrés par les sans-abri qui en exprimeront l’envie. Quant à la vente, elle sera assurée par les commerçants partenaires. Le second chantier permettra aux bénéficiaires du Carillon de rendre de petits services rémunérés dans les commerces partenaires : réaliser un inventaire, nettoyer des vitres. Le tout en étant déclaré via des contrats d’insertion, un tutorat ou des projets de formation.

    Valoriser les talents

    L’objectif du Carillon, c’est aussi – et surtout – d’aider les sans-abri à réintégrer pas à pas la société, en valorisant les talents de chacun. Michel, sans-abri depuis trois ans et passionné de littérature, s’est ainsi vu confier le rôle de « client mystère ». Une tâche qu’il remplit aujourd’hui avec plaisir en écrivant des chroniques hebdomadaires sur l’accueil que réservent les commerçants partenaires aux bénéficiaires.

    « Habituellement, les associations font juste du raccord. Elles t’aident, elles t’offrent un café, de la nourriture, mais elles ne te donnent pas de projets », explique Michel, heureux de s’être vu confier cette responsabilité.

    Dans cette optique, l’association va donc élargir son offre de services et d’action. Un accueil de jour aux Grands Voisins dans le 14e arrondissement devrait ouvrir d’ici peu afin d’y renforcer le suivi des bénéficiaires. Au programme : jeux de société, ateliers de cuisine, cours de couture… pour continuer à offrir des moments de convivialité partagés, révéler le potentiel des uns et des autres, et trouver des solutions pour aider les sans-abris à sortir de leur précarité.

     

    Léa Esmery

    © Kaizen, construire un autre monde… pas à pas

     


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    3 Commentaires

    1. Wow, ça c’est une super initiative. Le système des autocollants permet surtout à chacun de s’autoriser pour demander un service, de l’aide, sans la crainte de gêner. Superbe idée.

    2. bonjour,
      je travaille dans le 12ème. Y A -t il des commerçants qui ont des autocollants
      « le carillon », afin de participer à cette action bienfaitrice?

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