Pionnière en France, la Lab School Paris accueille depuis début septembre une trentaine d’élèves du CE2 au CM2. Importé d’Amérique du Nord, ce concept d’« école-laboratoire » favorise une approche pédagogique qui s’appuie sur des méthodes validées par la recherche scientifique. Portée par la psychologue et chercheuse Pascale Haag, la Lab School Paris se donne l’objectif d’allier réussite scolaire et bien être de l’enfant.
8h45. L’ambiance est calme et sereine dans la Lab School Paris située dans la petite rue d’Alexandrie du 2ème arrondissement à Paris. Pour bien débuter la journée, les élèves se livrent chaque matin à un réveil corporel. « Après avoir enlevé nos chaussures et mis nos chaussons, on s’étire et on se fait des petits massages », raconte Simone, élève en CM2.
Ici, pas de salles de classe mais un espace ouvert de 80 m² où une trentaine d’élèves, du CE2 au CM2, se côtoient et travaillent ensemble. « La recherche a prouvé que le regroupement multi-niveaux permet à chaque enfant d’avancer à son rythme », explique Pascale Haag, psychologue et maître de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à l’origine du projet. « Cela permet aux plus grands de cultiver la bienveillance et l’empathie et aux plus petits de s’identifier aux plus âgés », ajoute-t-elle. Un mélange qui ne déplaît pas à Marwann en CM2 : « Je préfère qu’on soit tous ensemble comme ça, nous les grands, on peut aider les petits. »
« Une école pour le XXIème siècle »
Première du genre en France, cette « école-laboratoire » s’inspire des Lab Schools américaines et canadiennes, des écoles adossées à un département d’université ou à une institution qui forme des enseignants. « C’est un croisement entre formation, enseignement et recherche », précise Pascale Haag.
Pour adapter le concept en France, la psychologue s’est entourée d’une équipe de chercheurs du Lab School Network, un réseau d’acteurs d’horizons différents impliqués dans le renouveau éducatif. « C’est la concrétisation de deux ans d’élaboration et de recherche autour d’une approche pédagogique qui répond aux enjeux éducatifs du XXIème siècle. Par exemple aider les enfants à s’orienter et à s’adapter dans un monde qui change à toute vitesse, dans lequel une partie des métiers sera obsolète d’ici quelques années et ceux de demain n’existent pas encore… », analyse-t-elle.
La Lab School Paris s’inspire à la fois des pionniers de la pédagogie innovante tels que Montessori, Freinet, Steiner et des recherches actuelles en sciences de l’éducation. Le programme scolaire suit le socle commun de l’Education nationale, enrichi par une équipe de deux éducateurs bilingues et l’utilisation des outils numériques. « Le numérique a bouleversé nos existences et il doit être intégré dans le programme mais de manière consciente, en complément à d’autres dispositifs et non en substitut », précise Pascale Haag.
« Par exemple, après une sortie scolaire au jardin partagé de la Villette, les enfants avaient pour mission de prendre cinq photos chacun, avant d’apprendre à les télécharger et à renommer les fichiers sur l’ordinateur. Après l’écriture d’un texte libre sur la sortie, ils étaient invités à reproduire leurs photos (souvent des fleurs) en peinture selon la technique de Georgia O’Keefe, une peintre américaine. D’une simple sortie, on a donc réussi à intégrer un atelier informatique, du français, de l’art plastique et de l’histoire de l’art », raconte la chercheuse.
Respecter le rythme de l’enfant
L’organisation du travail se décide en phase avec le rythme de chaque enfant qui est amené à choisir entre différentes activités. « Encadrés par deux éducateurs, les enfants bénéficient d’un enseignement personnalisé qui respecte leur rythme de travail et leur manière de s’approprier les connaissances », explique la fondatrice.
Après l’apprentissage du matin et le déjeuner, chaque élève est invité à pratiquer une activité en autonomie. Lecture, jeux de société, projets collaboratifs, yoga… « De nombreux travaux indiquent que le début d’après-midi est le moment le moins favorable aux apprentissages nouveaux nécessitant de l’attention. Pendant ce moment de « calme », on essaye aussi de faire intervenir des personnes extérieures. La semaine prochaine par exxemple, une maman viendra pour un atelier de méditation pleine conscience. »
Entre 14h et 15h, direction le parc voisin pour un moment récréatif. « J’adore aller au parc, on peut se défouler et même quand il pleut, parce qu’on a nos imperméables et que c’est juste de l’eau : donc rien ne nous arrête ! », se réjouit Inès, en CM1, qui voit ce moment comme l’un des meilleurs de la journée.
Une école ouverte sur le monde
Avec le bien-être comme valeur fondatrice du projet, la Lab School Paris souhaite s’ouvrir à divers milieux sociaux. Grâce à la mise en place d’un système de bourses, des familles peuvent s’alléger des frais de scolarité s’élevant à 840 euros par mois sur 10 mois. « On souhaite créer une vraie mixité en accueillant des familles socialement moins favorisées que ne l’est le public habituel des écoles alternatives », constate Pascale Haag. « Deux fondations et un fonds de dotation nous ont donné leur confiance et accordé des bourses destinées à des enfants plus défavorisés ». Aujourd’hui l’école compte cinq boursiers et un réfugié syrien dont une campagne de crowdfunding a été lancée pour finaliser ses frais de scolarité.
Membre de l’association internationale des Lab Schools (IALS), l’établissement est aussi régulièrement en contact avec différentes écoles de ce type aux quatre coins du monde, de l’Asie au Pacifique en passant par le continent américain : « On organisera des visio-conférences avec des élèves d’autres établissements du genre dans le monde et on espère, à plus long terme, pouvoir planifier des sorties scolaires pour que les enfants partagent leurs expériences », prévoit Pascale Haag.
Bientôt dans sur les bancs de l’école publique ?
L’ambition finale de la Lab School Paris ? Implanter le concept dans le public à proximité d’un campus universitaire. Une idée encore utopique aujourd’hui puisqu’une association avec l’Etat ne peut être demandée qu’au bout de cinq ans d’exercice. « Aujourd’hui nous sommes une structure privée hors contrat mais espérons à long terme que notre établissement puisse être reconnu par l’Education nationale, explique la chercheuse. Nous avons déjà collaboré avec différents acteurs de l’institution qui a été tenue informée au fur et à mesure des avancées du projet ».
Bien qu’au stade d’essai, la Lab School Paris espère déjà impulser, à son échelle, une nouvelle dynamique dans le paysage éducatif français : « C’est la première année, ça ne serait pas parfait et on fera certainement des erreurs mais on a eu beaucoup de retours bienveillants en suscitant beaucoup d’intérêt. Il y a beaucoup de gens qui ont envie que cela bouge au niveau de l’éducation en France et on est content d’apporter notre petite pierre à l’édifice », conclut-elle.
Par Maëlys Vésir.
Note : en septembre 2018 la Lab School Paris souhaite créer une classe de 6ème mais n’accueillera pas d’autres enfants. En revanche, pour l’année scolaire 2019-2020, l’établissement ouvrira ses portes (dans un nouveau lieu pas encore défini) du CP à la 5ème.
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Cela fait rêver !
Bien que ce soit la réalité !
Mon rêve concerne la généralisation de ce type d’école pour tous les enfants.
Merci aux créateurs
On dirait la description de ma classe!
Classe multi-niveaux (CE2-CM1-CM2), classe coopérative, projets multidisciplinaires, travail en ateliers, bienveillance, respect du rythme de l’enfant etc… La différence : école publique!
Oui c’est possible!
Pourvu que ça donne des idées et que ça se généralise : dans les écoles publiques!