La phytoépuration pour protéger l’eau et nourrir la terre

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    Alors que les sécheresses se multiplient sous l’effet du dérèglement climatique, la gestion de l’eau, et notamment des eaux usées (dont 0,6% sont réutilisées en France), devient cruciale. Parmi les solutions pour recycler cet or bleu : les systèmes d’assainissement écologiques. La phytoépuration traite les eaux usées d’un habitat grâce aux plantes et aux micro-organismes présents dans le sol, qui agissent comme des filtres. Faciles à entretenir, ces installations sont aussi réputées comme très efficaces pour décontaminer l’eau. Petit zoom sur leur fonctionnement et la règlementation en vigueur

     

    Tirer la chasse d’eau, faire la vaisselle, prendre une douche… Nous consommons environ 150 litres d’eau potable par jour et par personne au sein de notre domicile. Ces eaux usées, chargées en matière organique (carbone, azote, phosphore, etc.) et en substances chimiques, comme les résidus médicamenteux, rejoignent les égouts chez 80% à 85% des Français.e.s. Elles sont ensuite acheminées dans des stations d’épuration collectives, où leur traitement reste très couteux et consommateur d’énergie.

    Au total, seules 0,6% à 0,8% des eaux usées sont réutilisées en France, contre 8% en Italie, 14% en Espagne et jusqu’à 80% en Israël. Les eaux non recyclées, sous forme de boues, finissent souvent à l’incinérateur ou à la décharge. Quant aux eaux traitées, minoritaires, elles sont rejetées dans nos cours d’eau, encore chargées de pathogènes, au détriment de la biodiversité des rivières.

    Pour les foyers qui ne sont pas reliés au tout-à-l’égout[1] et doivent avoir un système d’assainissement non collectif (ANC), il est néanmoins possible d’installer un système d’assainissement écologique. L’eau est alors filtrée par des plantes et les micro-organismes présents dans le sol, qui est nourri à son tour. Car si l’azote et le phosphore sont des polluants pour l’eau, ils constituent des ressources pour la terre.

    ©Blue-Set

    A voir : La gestion circulaire des urines expliquée en 3 minutes

    Une filtration mécanique et biologique

    Il existe divers systèmes d’assainissement écologiques, mais le fonctionnement est relativement similaire. Tout d’abord, il est possible d’installer un pré-filtre (facultatif), c’est-à-dire un filtre à paille ou un dégrillage, qui permet de retenir les graisses, les cheveux, ou encore les restes de nourriture. Ensuite, il y a ce que l’on appelle un filtre planté dit « à écoulement vertical » : les eaux usées arrivent par le haut (sous l’effet de gravité ou via une pompe de relevage) sur les plantes et sont épurées dans un premier temps des matières solides retenues par un substrat minéral (gravier, sables, etc.), qui sèchent et se compostent naturellement à la surface. C’est la filtration mécanique.

    Ensuite, les matières solubles sont dégradées grâce aux micro-organismes qui vivent à proximité des racines, sans dégagement de gaz donc sans odeur. Ici on parle davantage de filtre biologique. Contrairement au premier, ce filtre, baigné dans l’eau (l’eau ne fait que passer dans le filtre vertical, ndlr) participe activement à l’élimination du nitrate ou encore de l’azote. Pour ce processus, des plantes telles que les bambous, la massette, le scirpe, ou encore les laiches, sont privilégiées.

    Fonctionnement des filtres à écoulements vertical et horizontal ©Blue-Set

    L’eau, complètement décontaminée, peut ensuite s’infiltrer dans le sol, et alimenter une marre, ou revenir à un milieu aquatique qui se trouverait à proximité. Si le sol ne permet pas l’infiltration, l’eau peut être évacuée en surface dans un fossé ou dans un cours d’eau. Il est possible d’irriguer des plantes d’ornements ou des arbres fruitiers avec cette eau, mais il est souvent déconseillé d’arroser son potager en raison de la présence éventuelle de résidus pathogènes.

    De la pédo-épuration au filtre à broyats de bois

    Certains systèmes d’assainissement écologiques possèdent un agrément, car ils ont été testés via des laboratoires et soumis à des bureaux d’études pour voir si leurs performances entrent dans le cadre de la règlementation (3 entreprises ont obtenu un agrément 100% Phytoépuration en France, dont Aquatiris et BlueSet, les plus connus, ndlr). Mais d’autres sont installés sans agrément, comme les filtres plantés horizontaux ou les filtres à broyats de bois. Ces systèmes peuvent être autorisés (voir encadré ci-dessous) mais ils ne fonctionnent qu’avec les eaux ménagères ; c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas traiter les eaux vannes chargées des urines et des matières fécales. Ces systèmes sont donc souvent couplés avec des toilettes sèches.

    « Pour les eaux ménagères, il n’y a pas besoin de plantes aux capacités particulières, car les eaux ménagères sont très faciles à traiter », explique Didier Bourrut Lacouture, co-administrateur de l’association Terr’Eau, association de sensibilisation sur l’assainissement naturel. Pour ce bénévole, le terme de « phytoépuration » est très réducteur, car il représente l’épuration par les plantes. « Or ce ne sont pas tant les plantes qui traitent les eaux usées, mais toute la vie du sol », insiste-t-il. C’est pourquoi l’association a beaucoup travaillé sur la pédo-épuration, soit l’épuration par le sol, « un sol vivant » (« pedo » signifie « sol » en grec, ndlr).

    Mais aujourd’hui le terme de pédo-épuration est aussi remplacé au profit du système de filtre à broyats de bois, développé notamment par l’association Pierre & Terre. Ce dispositif utilise les broyats de bois comme support au développement bactérien afin de recréer un sol forestier, un milieu épuratoire naturel, où l’eau pénètre facilement. Cet éco-centre a abandonné les filtres plantés en raison des pertes d’eau dues à l’évaporation, et à l’utilisation de ressources non végétales mais minérales (sable, gravier, etc.) dont l’extraction a un coût environnemental.

    Le filtre à broyats de bois ©Ecocentre Pierre et Terre

    De plus, pour Christophe Merotto, directeur de Pierre & Terre, les plantes ne suffisent pas à épurer les eaux usées, en particulier lorsqu’elles sont en phase de repos végétatif (automne et hiver) ; l’assainissement écologique nécessite donc selon lui une réduction de la pollution en amont via l’usage des toilettes sèches, souvent désignée comme la séparation à la source des effluents. C’est également la position défendue par le Réseau de l’Assainissement écologique, réseau de professionnels fondé en 2006.

    Ecologique, efficace et facile à entretenir

    Dans une étude publiée en 2017 sur les ANC, L’institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) a souligné les atouts écologiques et économiques des filtres plantés, qui sont parmi les plus efficaces et les plus faciles à entretenir.

    En effet, contrairement à des systèmes d’assainissement conventionnels, il n’y a pas de boues à vidanger avec des ANC écologiques, dont la durée de vie minimum est de 25 ans environ ; seul un entretien jardinier régulier est préconisé dans la plupart des cas. De plus, les odeurs sont limitées avec ces installations, à condition que le système de répartition à la surface (où les matières solides se décomposent) soit bien conçu alerte Didier Bourrut.

    Le coût est assez variable selon le dispositif choisi. Il faut compter environ entre 8 000 et 12 000 euros pour un système écologique avec agrément (pour 5 habitants), et entre 1 000 et 5 000 euros pour un système écologique sans agrément (que pour les eaux ménagères). Mais il est possible d’autoconstruire son jardin d’assainissement et de réduire ainsi de 50% le coût d’installation. Des associations, telles que Pierre & Terre et Graine d’Eau, peuvent accompagner des particuliers dans cette démarche. Dans certaines situations, il peut être judicieux de se grouper avec ses voisins pour réaliser une petite installation collective au lieu de plusieurs installations individuelles, à l’échelle d’un hameau par exemple.

    [1] Pour traiter leurs effluents individuellement, ces foyers (environ 5 millions en France) installent en général une fosse toutes eaux, qui nécessite une vidange des boues tous les 4 ans en moyenne.


    Une règlementation stricte

    Les assainissements non collectifs (ANC) sont régis par la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006, et par divers arrêtés ultérieurs, comme l’Arrêté sur les prescriptions techniques du 7 septembre 2009. Tout projet d’installation ou de réhabilitation d’ANC doit faire l’objet d’un avis favorable de la commune, qui s’appuie sur son service public d’assainissement non collectif (SPANC). Les usagers sont alors soumis au règlement et aux arrêtés du SPANC duquel ils dépendent. Ce service effectue également des contrôles réguliers du bon fonctionnement et de l’entretien des installations.

    Dans les faits il est plus évident pour les systèmes avec agrément d’obtenir l’autorisation de la commune, mais les systèmes sans agrément peuvent aussi être autorisés, au cas par cas. En effet il n’y a pas de véritable cadre légal pour le traitement unique des eaux ménagères. C’est donc à l’appréciation des techniciens du SPANC que l’autorisation peut être délivrée.
    Le SPANC a également un rôle de conseil, car il est important de connaître la topographie du sol, et notamment sa capacité d’infiltration, avant d’installer ces dispositifs écologiques.


    Pour aller plus loin

    Fiches techniques et règlementaires à télécharger sur : https://www.assainissement-non-collectif.developpement-durable.gouv.fr/

    Numéro 103 de la Maison écologique : https://lamaisonecologique.com/produit/n103-fevrier-mars-2018/

    Réseau de l’Assainissement Ecologique : https://reseau-assainissement-ecologique.org/

    Tuto du Low-Tech Lab : https://wiki.lowtechlab.org/wiki/Phyto%C3%A9puration_eaux_us%C3%A9es

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