Quelques idées de festivités réussies chez l’habitant. À reproduire chez soi.
Ils sont une douzaine réunis ce soir-là dans la maison de Lou et Pablo. Des voisins, des amis et même des amis d’amis. Les uns sont musiciens amateurs de bon niveau, les autres se contentent de fredonner sous la douche, mais ils ont un point commun : ils aiment chanter. Lou s’est mise au piano, Christophe au banjo, un invité a amené son saxo. Le reste du groupe donne le rythme avec des maracas et des tambourins. Une première chanson fait le tour de la pièce. Et c’est parti pour quatre heures de musique non-stop ! « Lors d’un voyage en Irlande, on a constaté que tout le monde connaissait les airs traditionnels. Dans les pubs, les clients se succèdent sur scène et mettent le feu. On a voulu recréer ça chez nous », raconte Pablo, comédien installé à Dreux en Eure-et-Loir. Baptisées les « Bœufs Saint-Martin » du nom de la rue où elles ont lieu, ces soirées réunissent tous les deux mois dix à quinze personnes autour d’un répertoire folk, bluegrass et irlandais, mâtiné de Brassens. Christophe, l’informaticien de la bande, a créé une page Internet sur laquelle il dépose paroles et partitions afin que chacun puisse répéter avant de venir.
« On privilégie les chansons à répondre, ce qui permet à tous de s’intégrer. Chanter en groupe est une expérience forte, libératrice. Chacun amène à boire et à manger et on termine vers 3 h du matin en dansant. Les voisins ne se plaignent pas… puisqu’ils sont là ! Aux beaux jours, on songe à faire cela dehors, à la terrasse d’un restaurant qu’on connaît par exemple, pour le partage et la convivialité. Qui sait, cela pourrait donner des idées à d’autres ? »
Un lieu adapté
Les plus belles fêtes commencent souvent par de simples initiatives individuelles comme celle-ci. Il faut trouver un lieu et réunir compétences et envies. Très vite, le noyau grossit. C’est l’expérience tentée par des trentenaires lyonnais vivant en colocation. Ils ont monté un réseau informel avec une dizaine d’autres colocations, soit une cinquantaine de personnes, afin d’organiser ensemble des soirées chez les uns ou chez les autres. « On met en commun nos espaces, notre matériel, notre énergie… et nos amis ! », explique Jean-Marc qui partage une grande maison avec huit personnes. « Si chaque colocation organise une fête dans l’année, ça en fait une par mois ; c’est pratique. » Diversité des lieux, diversité de propositions : les grosses fêtes dans le sous-sol bien insonorisé de Mermoz Palace (maison de ville), les spectacles en plein air dans le jardin de Kercolokek (maison à la campagne), les bals en acoustique le dimanche après-midi à la Bricoloc (appartement en rez-de-chaussée) pour ne pas gêner les voisins… Pas de prix d’entrée, mais un chapeau circule pour payer les musiciens amateurs. À Mermoz, Jean-Marc fait payer la bière livrée par un brasseur bio local qui prête tireuse et fûts et récupère les invendus. « Pour que la soirée prenne, il faut trouver un prétexte : anniversaire, arrivée d’un nouveau colocataire… ou définir un thème. Les gens savent pourquoi ils viennent, ils s’amusent davantage et on évite que des inconnus s’incrustent », témoigne Jean-Marc. « Les copains des copains sont les bienvenus, mais on ne diffuse pas l’info sur les réseaux sociaux pour ne pas se faire déborder. »
Réunir les compétences
Quand on aime la fête, on peut l’intégrer dès le départ dans la conception de son lieu de vie. Les sept familles des Cœurs, un habitat groupé du Loiret, ont ainsi aménagé une salle commune avec accès direct sur le jardin partagé. « En 2010, pour nos 30 ans, nous avons convié 250 personnes, nos amis, nos familles et nos voisins, autour d’un gâteau de trois mètres de diamètre ! Ici, on aime la démesure », s’amuse Patrick Strintz, l’un des pionniers des Cœurs. Coût de revient d’une grosse fête comme celle-ci : 2 500 €. Comme il s’agit d’un événement privé dans un cercle de gens qui se connaissent, il n’y a pas de prix d’entrée, mais chacun est invité à verser une petite participation financière. Avec 10 euros par personne en moyenne, les Cœurs rentrent dans leurs frais car tout est fabriqué maison. « La préparation est un temps collectif fort. On conçoit ensemble les animations, on cuisine, on bricole les décors. Trois mois avant l’événement, tous nos week-ends y passent ! En habitat groupé, on a l’habitude de cumuler les savoir-faire. Et l’on s’aperçoit qu’on peut gérer un gros événement de façon autonome. Mais n’importe quelle bande de copains peut faire pareil. Les gens sous-estiment leurs compétences. Ces fêtes permettent de se créer des souvenirs communs. Elles rythment nos existences, nous servent de repères et de points d’ancrage. On ne pourrait plus s’en passer ; c’est une raison d’être. »
Bien s’entourer
Si l’on ne vit pas en habitat groupé, il faut savoir s’entourer d’une bande d’amis pour monter une fête et déléguer les tâches : l’aménagement et la décoration du lieu, l’achat de boissons et de nourriture, la gestion de la musique… Ce noyau d’organisateurs possèdera une vision globale de l’événement et sera capable de prendre initiatives et responsabilités. À cela s’ajoute une équipe de bénévoles plus étoffée présente le jour J avec des missions simples (accueil, service, animation, nettoyage) et chapeautée par un référent issu de l’équipe organisatrice. En Corrèze, l’été dernier, pour ses 40 ans, Véronique Bugeat a ainsi créé un petit festival folk ouvert à tous (Délires et des notes) en invitant quatre groupes pour deux soirs de bal. « J’ai réuni une équipe de bénévoles un an avant, avec un rétroplanning précis. Ce fut une aventure humaine magnifique. Je me suis autant éclatée pendant la phase préparatoire que lors de la fête. Je n’attendrai pas mes 50 ans pour recommencer. »
Inviter des artistes à domicile
Catherine habite à Lyon, au no 40 d’une rue dont elle préfère taire le nom. Après être beaucoup sortie, elle fait désormais venir les artistes à elle. Dans son salon, les soirées « Cath40 » accueillent une trentaine de personnes autour d’un spectacle de cabaret, de musique, de danse ou de théâtre. Mode d’emploi.
- Pour se lancer, mieux vaut connaître quelques artistes, même amateurs. Très vite, on se fait démarcher. Beaucoup d’artistes recherchent des lieux pour se produire. Une petite jauge convient à ceux qui ne sont pas connus. Les confirmés peuvent aussi venir roder leur spectacle.
- Un mois avant, déclarer le spectacle à la Direction régionale des affaires culturelles. Au-delà de six soirées par an, on est considéré comme entrepreneur du spectacle, soumis à une licence.
- Dans la foulée, envoyer le programme par courriel à l’ensemble de ses connaissances.
- Communiquer et gérer les inscriptions par Internet. Catherine fixe le prix d’entrée à 10 euros, payables d’avance par chèque. Elle invite à apporter également une boisson ou un gâteau. Elle annule si la « salle » n’est pas suffisamment remplie, en accord avec l’artiste.
- Prévenir son assureur. Catherine dispose d’une attestation sans frais supplémentaire. Tout le monde peut accueillir un groupe d’amis chez soi et proposer un spectacle.
- Adhérer en ligne au Guso. Ce dispositif gratuit permet à des particuliers de verser des cachets aux artistes. Catherine leur reverse la totalité de la recette, moins les cotisations sociales que le Guso se charge de collecter.
- Contacter la Sacem, sauf si les artistes sont eux-mêmes compositeurs des œuvres et ne les ont pas déposées. La redevance est proportionnelle aux recettes. Le forfait minimal est de 47,10 €.
- Prévoir un ou deux amis bénévoles pour accueillir les spectateurs, assurer le vestiaire, dresser le buffet à la fin du spectacle et ranger.
Illustration © Julie Graux
Extrait du dossier Faites la fête autrement de Kaizen 15, réalisé par Stéphane Perraud.
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On la veut bien, la page internet des Boeufs Saint Martin, pour s’inspirer de ce qu’ils font!
Merci!