Jours de fête !

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     La fête. Voilà un sujet léger, idéal pour l’été. Maintenant, regardons-le de plus près. La fête est un élément essentiel de l’art de vivre ensemble. Elle permet de décrocher du quotidien, mais aussi de créer du lien. On trouve en elle des valeurs de partage et de convivialité. Si l’on évaluait la richesse d’un pays comme le Bhoutan en fonction de son BNB (bonheur national brut), et non de son PNB (produit national brut), il occuperait sans nul doute une place de choix.

    Si la fête a longtemps rythmé les saisons, les travaux collectifs et les grandes étapes de la vie, elle a parfois tendance à devenir plus commerciale. C’est un loisir qu’on consomme comme un produit et qui perd de son sens. Heureusement, il est toujours possible de faire la fête autrement. De repas de quartier en carnavals, de bals en festivals, de spectacles à la ferme en concerts en appartement, partons à la rencontre de ceux pour qui la fête est une raison de vivre. Et organisons nous aussi des événements participatifs, intergénérationnels et joyeux. Dans notre société où l’argent est devenu une fin plutôt qu’un moyen, la fête ne serait-elle pas une autre façon de changer de paradigme ?

    Retrouver l’intégralité du dossier sur « la fête autrement » dans Kaizen 15, juillet – août 2014.

     

    Agriculturellement

     

    Des soirées agriculturelles

    Qui a dit qu’il ne se passait rien à la campagne ? Les fermes du réseau Accueil paysan montent des scènes dans les granges, les cours et les champs.

    Les vaches de Thierry Lemaître ont intérêt à aimer le rock. Chaque année, elles ont droit à un concert qui dépote ! En avril dernier, le festival La ferme k’on écoute a attiré plus de 450 personnes à Hauterive, dans la cour de cet éleveur bio normand, fan de musique. Six formations régionales se sont succédé au cours d’une nuit dédiée aux guitares électriques. « Tous les jeunes du coin me donnent un coup de main. L’idée est d’offrir une fête accessible à tous. L’entrée est à 5 euros et le repas à 4 euros. Je suis vraiment dans une démarche d’éducation populaire », explique Thierry. Le bar permet d’équilibrer un budget qui avoisine les 10 000 euros. Le réseau Accueil paysan, dont il fait partie, apporte une petite subvention. Pour structurer ses fêtes, Thierry a monté une association à travers laquelle il règle les artistes et obtient des autorisations auprès de la préfecture et de la mairie. Il fait également partie du tout nouveau réseau Culture dans les fermes qui vise à monter des projets entre artistes et agriculteurs en Normandie. Ses vaches n’ont pas fini d’en avoir plein les oreilles !

    Combler un manque

    « Dans agriculture, il y a culture. Notre premier métier consiste à faire pousser du blé ou à élever des bêtes. Mais en invitant des artistes à la ferme, on fait aussi germer des idées et on récolte des émotions. » Marie Coutant-Mercier sait de quoi elle parle. Épouse d’un éleveur porcin dans l’Indre, elle est aussi chanteuse. À ce titre, elle a déjà effectué plusieurs tournées dans les fermes du réseau Accueil paysan. Les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à proposer des spectacles. Concerts, bals et pièces de théâtre trouvent leur place dans une grange, une cour ou le champ voisin. « La richesse des campagnes, c’est l’espace. Les milieux culturels et agricoles ont tout à gagner à se rencontrer. Dans une ferme, je chante souvent devant une centaine de spectateurs. C’est plus qu’en ville, car une bonne partie du village se déplace. Les fêtes rurales qui rythmaient naguère les travaux des champs n’existent quasiment plus. Ces soirées viennent combler un manque », explique-t-elle. Pour organiser une soirée agriculturelle, il faut disposer d’un budget de 500 à 1 500 euros. Avec un tarif d’entrée compris entre 5 et 10 euros, le paysan rentre généralement dans ses frais. Surtout s’il organise un repas à la ferme avant le spectacle.

     

    Folkement

     

    La fièvre des parquets

    Nés dans les années 1970, les bals folk vivent une seconde jeunesse. Au détour d’une valse, d’une polka ou d’un cercle circassien, entrez dans la danse !
    mains danse fête

    Ils ont entre 20 et 25 ans, portent des lunettes de soleil la nuit, pianotent en permanence sur leur smartphone et peuvent passer des heures à danser… la bourrée ! Oui, cette danse populaire que beaucoup croyaient enterrée et qui n’en finit pas de se réinventer. Figure de proue de cette génération qui redécouvre les musiques traditionnelles, le groupe auvergnat Komred, qui enflamme chaque week-end les parquets de toute la région et se produit jusqu’à l’étranger pour animer des bals folk au succès grandissant.

    La musique trad’ – pour « traditionnelle », sur laquelle on pratique la ou les danse(s) folk – n’a jamais été aussi actuelle. De jeunes musiciens biberonnés à l’électro, au rock et au hip-hop se la réapproprient en électrifiant leur vielle à roue ou en passant leur accordéon à l’échantillonneur. Un seul objectif : faire danser les foules. Et ça marche ! On n’a jamais compté autant de bals folk qu’aujourd’hui dans l’Hexagone. Le phénomène touche autant les villes que les campagnes. Aux Grands Bals de l’Europe, à Gennetines dans l’Allier, près de 4 000 curieux et passionnés se retrouvent en juillet pour danser pendant dix jours et dix nuits d’affilée. Presque non-stop ! « Surtout, n’allez pas imaginer des spectacles de danse folkloriques en costumes. Ici, il n’y a pas de spectateurs, tout le monde participe. Et la moyenne d’âge diminue chaque année. C’est rafraîchissant de voir de jeunes musiciens donner des couleurs jazzy ou électro à des morceaux qu’on jouait autrefois dans des fêtes rurales », s’enthousiasme Bernard Coclet, l’organisateur du festival. On peut ainsi danser la polka sur un rythme disco, chalouper sur une mazurka latino ou tenter des passes de rock sur une scottish. Le duo franco-sénégalais Sons Libres ose même le grand écart en chantant des bourrées auvergnates en wolof !

    La quintessence de la fête

    Ces bals sont de grands moments de partage, de convivialité et de mélange de générations. « C’est agréable de se faire inviter par des hommes plus âgés. Quand on débute, on apprend beaucoup sur le plan technique », explique Christelle, 23 ans. « Ensuite, la transmission opère dans l’autre sens. Je fais désormais danser les anciens de façon plus libre, plus spontanée. Peu d’activités permettent de franchir aussi facilement les barrières de générations. » Pour cette étudiante en psychologie à Lyon, le bal folk est la quintessence de la fête. « Je me suis vite lassée des bars et des boîtes. Boire des verres et me trémousser sur de la musique assourdissante n’est pas mon truc. Dans les bals, la danse retrouve sa dimension artistique, ludique et créative. »

    L’un des festivals préférés de Christelle se déroule tous les ans fin mai à Châtillon-en-Diois. Dans ce village drômois, 400 folkeux se retrouvent dans la salle municipale près de la rivière. « Chaque année, c’est une vraie fête. On soigne tout particulièrement l’accueil et la décoration. L’ambiance suit. Les musiciens ne jouent qu’un seul soir, mais ils sont invités à rester tout le festival. Le soir après les bals, ils se retrouvent pour faire des bœufs et tout le monde en profite ! » explique Emmanuel Judes, organisateur de l’événement. Les festivaliers sont également choyés. L’aire de camping devant la salle est gratuite. Des bals sont organisés en journée sur les places du village en accès libre. Et il n’y a pas d’agent de sécurité à l’entrée. Autant de détails qui n’en sont pas. « On veut que les gens se sentent bien et qu’ils s’approprient le festival. Les danseurs qui viennent avec un instrument sont encouragés à participer au bœuf. On leur ouvre même la scène le dernier soir pour que la fête soit totale. »

    Par Stéphane Perraud

     

    Retrouver l’intégralité du dossier sur « la fête autrement » dans Kaizen 15, juillet – août 2014.

     

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