Guillaume Meurice : un végétarien à l’humour vache

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    À l’antenne comme sur la scène, Guillaume Meurice a conquis le public avec son humour impertinent, prenant la température de la société et déconstruisant la communication de nos dirigeants. Écolo sans étiquette politique, désireux d’éveiller l’esprit critique sans moralisation, rencontre avec un humoriste humaniste. 

     

    Votre humour est plutôt éthique ou en toc ?

    Juste parce que vous voulez que je dise éthique, je vais dire en toc ! J’ai un humour plutôt potache en plus. Dans mes chroniques quotidiennes sur France Inter, je me fonde énormément sur ce que disent les gens car je mise tout sur l’intelligence collective ! Souvent ça rate et ce qui rate, je le passe à l’antenne.

    À la manière d’un micro-trottoir, vous mettez les gens face à leurs contradictions. C’est devenu LA mécanique de vos chroniques…

    C’est exactement ce qui m’intéresse : pointer les incohérences et les failles logiques dans les discours. Mon but n’est pas de dire que telle ou telle personne est stupide et qu’elle a tort mais de lui poser des questions pour qu’elle m’explique son raisonnement. Je suis sa logique et je la pousse jusqu’à l’absurde. C’est ce que faisait mon père avec moi. Au lieu de me dire « Non, c’est faux », il me disait « T’es sûr ? Pourquoi ? Explique-moi. D’accord, mais alors, ça veut dire que ça entraîne ça… » et ainsi de suite. Tu te trouves parfois piégé par toi-même et tu revois alors ton axe de pensée.

    J’essaye de faire la même chose avec les gens que je croise dans la rue. Et c’est vrai que l’on a tendance, nous les êtres humains, à répéter ce que l’on a entendu, sans forcément le remettre en question ou prendre du recul face à une information. On peut alors vite être formatés par les discours qui viennent d’en haut.

    Justement, on peut dire que votre deuxième terrain de jeu, c’est la communication politique…

    Oui, et ce n’est pas toujours évident à déconstruire, parce qu’en face de toi, tu as la ligue des champions des communicants et des langues de bois. Mais avec les politiques, j’ai la même attitude qu’avec quelqu’un dans la rue. Qu’il soit député ou qu’il vienne acheter ses poireaux sur le marché, c’est un être humain qui pense avec des convictions ; j’aime bien les remettre en cause et retourner leurs armes contre eux. C’est un jeu de dupes permanent, sauf que l’enjeu est faible de mon côté : je suis juste responsable de ma chronique alors qu’eux (les députés) ont un peu plus de responsabilités à assumer s’ils disent des conneries.

     

     

    À travers votre humour, votre axe de dénonciation est donc la relation entre dominants et dominés ?

    C’est l’idéologie dominante que je remets en question. On est dans une situation où l’on a l’impression que ce que l’on est en train de vivre est normal : la société de la compétition, de la lutte de tout le monde contre tout le monde. Alors qu’une vraie idéologie serait tellement plus pertinente si elle était axée sur la coopération. Quand Macron dit qu’il est « pragmatique », il écarte toutes les autres personnes de son idéologie et fait d’eux des bobos, des utopistes ou des extrêmes. Il le dit d’ailleurs dans un discours en ajoutant « les feignants et les cyniques ». Il aime dire « je suis dans le réel » alors qu’il est déconnecté d’en bas. Son réel est clairement mis en scène et ne sert que l’intérêt de quelques personnes.

    Cet humour engagé est-il une manière de contribuer à une prise de conscience collective ?

    Je ne me sens pas investi d’une mission, ou en tout cas, je ne me pose pas la question en le faisant. Je donne mon avis, de la manière la plus naturelle que je sais faire depuis petit, en faisant des blagues. Le rire a ce côté cathartique et cela me touche quand des gens me remercient et me disent que mes chroniques leur font du bien. Mais il est vrai qu’en donnant mon avis, j’aime l’idée de créer du débat. J’aime bien lire sous mes vidéos des commentaires de personnes qui ne sont pas d’accord avec moi. Il faut se questionner, développer son esprit critique, remettre en question les choses qu’on entend et les mettre en perspective avec la réalité.

    Un de vos amis vous appelle d’ailleurs « l’obsédé du réel », pourquoi ?

    Oui c’est vrai, j’ai du mal à m’intéresser à ce qui n’est pas vrai. Je suis plus ému par un paysage que par un tableau. Je pense qu’on peut faire changer les gens par le réel. Ceux qui roulent bourrés à fond la caisse par exemple, au lieu de leur donner des amendes il faudrait peut-être leur faire faire un stage chez les pompiers qui ramassent parfois des jeunes coupés en deux ou dans un autre contexte, faire des visites d’abattoir pour prendre conscience de la souffrance animale, etc.

     

     

    Vous êtes d’ailleurs intervenu dans une campagne de l’association L214, révélant les pratiques dans l’abattoir de Houdan… La cause animale est un sujet qui vous tient à cœur ?

    Oui, je suis végétarien depuis plus de deux ans maintenant. J’ai eu deux déclics : un au salon de l’agriculture et un deuxième en regardant le documentaire Cowspiracy. Avec les chiffres, je me suis dit qu’il y avait un choix à faire. C’est radical de tuer en France plus de 3 millions d’animaux (et sans compter les poissons) par jour.  Je me suis dit, et c’est personnel, que je ne pouvais pas être écolo si je continuais à manger de la viande !

    Mais je ne suis pas vegan, c’est vrai, parce que c’est compliqué sachant que je mange dehors en permanence. J’ai toutefois réduit ma consommation de fromage et d’œufs. Je suis en tout cas content de voir que l’offre végétarienne et végétalienne se démocratise dans les magasins et les restaurants. Il y a vraiment une nouvelle trajectoire qui se dessine.

    Vous avez également décidé de parrainer l’association i-boycott.org. La désobéissance civile est-elle l’un des outils les plus efficaces pour faire bouger les lignes ?

    De manière générale, je ne suis pas adepte de la violence physique. Déjà, parce que je ne suis pas équipé pour, je n’ai pas la musculature nécessaire et suffisante pour le combat de rue ! Donc j’aime beaucoup l’idée du boycott. C’est une méthode de lutte qui peut paraître douce mais qui en fait attaque là où il faut : au portefeuille, qui est un peu notre vrai bulletin de vote. Selon ce que tu consommes, tu changes la vie de telle ou telle personne qui est à l’autre bout de la chaîne. Cela permet de montrer son désaccord et de s’organiser pour réfléchir à des solutions pour construire une société moins pourrie.

    Cette « société moins pourrie », vous êtes confiant pour qu’elle arrive un jour ?

    Oui, bien sûr, ça ne sert à rien d’être négatif. La vie, ce sont des rapports de force. On est dedans et il ne faut pas lâcher un bout de terrain parce que les autres en haut sont quand même vachement plus puissants et organisés. Mais il y a aussi beaucoup de personnes d’en bas qui s’organisent aussi et construisent des alternatives. Quand je vois des mouvements comme #Balancetonporc ça fait du bien. C’est un rapport à l’égalité. Ça me plaît quand les dominés se soulèvent et disent « vous allez bien vous faire cuire le cul et ça va bien se passer ».  Et puis bien sûr, je pense que l’éducation reste aussi un pilier pour changer les mentalités.

    Guillaume Meurice
    Hors antenne, Guillaume Meurice se produit sur scène dans toute la France et tous les mardis à 21h au Café de la gare, à Paris, avec son spectacle « Que demande le peuple? ». ©Fanchon Bilbille

    Quelle éducation avez-vous reçue ?

    J’ai grandi dans un petit village, à la campagne ; j’ai eu ma bonne dose de cabanes dans les bois et de balades au bord de la rivière. Mes parents étaient marchands de journaux, il y avait beaucoup de passage et beaucoup de personnes qui restaient discuter dans le magasin. Il y a toujours eu des débats. Tout le monde développait ses idées, sortait des vannes… C’était la même ambiance que dans un bar mais sans l’alcool : donc sans risque de bagarre à la fin. On peut dire, en bonne philosophie de comptoir, que c’est de là que vient sans doute ma répartie.

    Avec le recul, je me rends compte que j’ai vécu une grande injustice à l’envers. J’ai eu une enfance scandaleusement heureuse. J’ai beaucoup appris grâce à cette liberté que mes parents m’ont toujours laissée.  Aujourd’hui, ils sont en Bourgogne, ils sont heureux, à la retraite avec leur potager bio et leur compost !

    Ce retour à la terre, c’est d’ailleurs un projet que vous avez avec Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek, pas vrai ?

    Haha oui ! Alex avait lancé l’idée de tout plaquer un jour, quand on en aura marre, quand on sera viré de France Inter ou quand les gens se seront lassés de nous, pour aller construire une ferme en permaculture ! Ce serait une superbe ferme pédagogique qu’on ferait visiter aux enfants !

    Vous vous y connaissez en permaculture ?

    Je vous avoue que je ne suis pas encore bien calé sur le sujet donc je ferai un stage chez Maxime de Rostolan de Fermes d’avenir avant de me lancer ! (rires)

    Propos recueillis par Sabah Rahmani et Maëlys Vésir @MVesir


    Guillaume Meurice présente sa chronique tous les soirs à 17h30 dans l’émission Par Jupiter! sur France Inter. Il se produit tous les mardis au Café de la Gare à Paris avec son spectacle Que demande le peuple ? et est en tournée dans toute la France.

    À lire aussi, son premier ouvrage Cosme (à paraître le 7 mars chez Flammarion) dans lequel il révèle la face cachée d’un poème de Rimbaud…

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