La déforestation galopante de la Papouasie-Nouvelle-Guinée sonne une nouvelle alarme. Face au changement climatique, à la biodiversité menacée et au sort des peuples racines, l’excellent documentaire Frères des arbres, L’Appel d’un chef papou, suit les pas de Mundiya Kepanga. Ce dernier nous livre avec humour et gravité un regard critique, interrogatif et empathique sur les dérives de l’Homo-economicus.
La déforestation serait-elle le symptôme du déracinement de l’humanité ? Quand un arbre meurt, c’est la forêt qui pleure. Mundiya Kepanga sait de quoi il parle. Lui qui a vu le jour au pied d’un arbre ; lui qui, avec émotion, serre dans ses bras l’arbre planté à sa naissance, comme un prolongement de son être ; lui qui l’appelle « mon grand frère » en levant les yeux vers la cime. Protéger cet arbre, c’est aussi protéger sa forêt, son peuple, sa culture, son pays, tout comme l’humanité qui respire une part de l’oxygène des dernières forêts primaires de la planète.
« Je suis un témoin et un pont entre deux mondes », confie le chef papou de la tribu des Hulis en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Un témoin hors du commun, puisque depuis quinze ans, l’homme drôle et charismatique sillonne la France, l’Europe et les États-Unis avec son ami photojournaliste et réalisateur Marc Dozier pour sensibiliser le public. Pendant plus d’un an, le tournage du documentaire Frères des arbres a permis de réaliser des séquences fortes entre l’île du Pacifique et l’Occident.
Pendant 90 minutes, de la COP 21 à Paris à son village natal, en passant par des rencontres avec des exploitants forestiers étrangers et des villageois perdus dans les méandres de la pauvreté, Mundiya Kepanga nous offre un regard à la fois vif et empathique sur la déforestation. Une aventure étonnante et profonde ponctuée de scènes inattendues comme ses échanges avec des sénateurs français cloîtrés dans leur palais doré ou encore un Robert Redford mué en gardien de la forêt !
« Ce film est pour moi comme un tableau impressionniste, car on a des moments poétiques, des moments d’enquête, des moments un peu ethnologiques ; on a aussi des moments un peu plus légers et humoristiques », souligne Marc Dozier. Un pari réussi puisque derrière ce film « impressionniste » se révèlent toutes les touches subtiles d’une réalité complexe, notamment les enchaînements des causes et des conséquences de la déforestation.
En Occident, le bois des forêts papoues nous parvient souvent illégalement, via la Chine, sous forme de parquets, de meubles ou de portes. Sans tomber dans la culpabilisation, Marc Dozier rappelle que « Mundiya n’est pas accusateur envers les Blancs ; il dit d’abord que “c’est nous les Papous, ce sont nos propres mains qui coupent nos propres bois. Ce sont des Chinois ou des Malais qui le vendent, ensuite les gens l’achètent, mais on a tous notre responsabilité.” »
Et, comme pour souligner la poésie des peuples animistes reliés à la nature, la séquence au musée de l’Homme à Paris reste sans doute l’une des plus belles du film. Surpris de voir tant de bêtes empaillées, Mundiya Kepanga prévient les chercheurs que « si [sa] forêt est détruite, ces animaux vont disparaître » et qu’ici l’on « n’entend pas les oiseaux chanter ». Alors, comme pour les ramener à la vie, il s’adresse avec une grande douceur à un ours, un tigre, un cerf, à une dizaine d’animaux figés en les caressant pour les consoler de leur sort. « La forêt nous a été léguée par nos ancêtres, pendant des générations, ils en ont pris soin », énonce-t-il. Si Mundiya glisse avec humour qu’il est une « fontaine à paroles », on lui souhaite de nous abreuver encore de ses messages pour irriguer les esprits asséchés.
Par Sabah Rahmani
Frères des arbres, L’Appel d’un chef papou (2017). Documentaire, 90 min, France.
Réalisé par Marc Dozier et Luc Marescot ; Coproduit par Arte et Lato Sensu Productions
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