Faut qu’on sème tous !

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    Objectif de l’opération « Un autre pain est possible » : sensibiliser les citadins aux enjeux de l’agriculture urbaine, à la sauvegarde des semences paysannes et au plaisir de faire ensemble.

    Qui sème les graines récolte le pain

     

    Frédéric Géral sème le blé et récolte… le plaisir du pain partagé. Coordinateur de l’association Le sens de l’humus, située à Montreuil (93), il est l’initiateur de l’opération « Un autre pain est possible ». Pendant l’hiver 2011-2012, Fred propose à des jardiniers citadins de participer à son projet. Plusieurs étapes au programme : semer, moissonner, battre, vanner et moudre du blé. Enfin, mettre la main à la pâte pour façonner un pain 100 % urbain ! Au mois de mars, environ 25 kilogrammes d’un blé issu de semences anciennes sont semés dans une vingtaine de jardins partagés et dans quelques jardins privés, situés à Montreuil, Bagnolet (93) ainsi que dans le nord-est de Paris. Soit, au total, un « champ » de 250 m2. On est loin des hectares cultivés à perte de vue dans la Beauce, mais aux yeux de Fred, « ce qui compte, c’est la forte valeur symbolique du pain ». Lors d’une journée ensoleillée de printemps, a lieu la ronde du blé : les participants visitent les parcelles dorées par les épis. La moisson a lieu en août, puis le blé est stocké jusqu’au battage et au vannage organisés lors de l’événement citoyen « La voie est libre » sur un tronçon de l’A186, fermée pour l’occasion à la circulation.

    Le pain, une forte valeur symbolique

    Le 20 octobre 2012, direction le Vexin, à une heure de route de Paris, chez un polyculteur et éleveur bio qui possède un moulin en pierre. Olivier Ranke observe le blé apporté dans un sac par les céréaliers en herbe. Verdict : le vannage n’a pas été assez précis. Une fois le bon grain et l’ivraie triés d’une main experte, le blé est moulu. Puis Olivier va puiser des semences paysannes dans sa réserve afin que les participants les sèment dans leurs jardins. Il se souvient : « J’avoue avoir pensé que ce n’est déjà pas simple de faire pousser du blé en plein champ, alors en milieu urbain ! Mais la démarche de Frédéric Géral était cohérente avec la mienne : j’aime le blé, cette plante nourricière si belle à voir. » Une plante qu’il cultive de façon durable. Et s’il utilise des semences anciennes ce n’est pas par nostalgie du temps passé, mais par souci de « mettre au point, dans une dynamique innovante, des blés qui correspondent à nos pratiques agricoles actuelles. Soit un système bio à faibles intrants, dans lequel on a besoin de paille pour l’élevage bovin et ovin. Cela n’a pas de sens de faire un pain tout comme autrefois, en revanche, il est essentiel de préserver les semences paysannes. »

    On ne peut que le croire à la lecture d’un rapport de la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture) datant de 1999. Il y est indiqué qu’« environ 75 % de la diversité phytogénétique a disparu depuis le début de ce siècle, à mesure que, dans le monde entier, les agriculteurs ont abandonné leurs multiples variétés locales et traditionnelles pour des variétés à haut rendement et génétiquement uniformes ». Une problématique à laquelle Fred est particulièrement sensible : « J’ai assisté en octobre 2008 à une conférence intitulée “Semons la biodiversité”. J’ai alors pris conscience de la nécessité de sauvegarder la biodiversité cultivée, aujourd’hui menacée par les manipulations génétiques et l’obligation d’inscription au catalogue conditionnant l’autorisation de mise sur le marché. Le risque, c’est de retrouver ces plantes partout, quels que soient le climat et le sol. Autant de cultures qui pousseront à coup d’engrais et d’intrants. Tout le contraire de la logique des semences paysannes cultivées de génération en génération et en lien avec leur environnement. »

    Partager le pain avec Salut les co-pains

    Faut qu'on sème tous !

    À l’issue de cette conférence, des semis anciens de blé, tournesol et maïs avaient été distribués, amenant Fred à creuser un sillon différent de celui tracé par le législateur. En novembre 2008, il avait ainsi testé sa première culture collective de blé issu de semences paysannes sur deux parcelles de 10 m2. « Nous n’étions qu’à moitié dans l’illégalité puisque le but n’était pas commercial », précise-t-il. Résultat de la récolte : 1,8 kg de blé qui dégageait une odeur de… poisson pourri. En cause, la carie du blé, un champignon très répandu – mais heureusement la contamination était faible. Restait l’étape du vannage. « On ne savait pas comment séparer la paille du grain avec le van en osier, alors on a glané des infos sur les techniques à utiliser, comme recourir à un ventilateur pour pallier l’absence de vent ! » À l’occasion de cette première initiative, Fred avait rencontré Marc Bensaïd, fondateur, avec d’autres habitants de Montreuil, de « Salut les co-pains ». Sous la houlette de cette association, un four à pain chauffé au bois à usage collectif avait été construit en 2008, en plein air, dans un square jouxtant une maison de quartier. Du pain béni pour le Sens de l’humus ! « Nous avions une récolte de blé, eux, le savoir du façonnage du pain ainsi qu’un four pour le cuire. Il ne nous restait plus qu’à mettre en commun nos ressources. » Depuis, chaque année, ils partagent le pain.

    Texte : Aude Raux

    Photos : Jérômine Derigny

     

    Extrait de la rubrique « Ensemble on va plus loin » de Kaizen 10.

     


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    1 COMMENTAIRE

    1. bonjour j’ai voulu prêter mon jardin mais n’ai trouvé personne. malgré mes annonces. Semer partout on aurait dû le faire il y a des décennies mais mieux vaut tard que jamais ! merci à vous

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