Est-il plus écolo de vivre en ville
    ou à la campagne ? (Partie 1)

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    Il y a encore quarante ans, la question ne se serait peut-être pas posée. Les écolos (du moins d’après l’image qu’on s’en faisait) vivaient plus volontiers « à la campagne ». Comprenez, ils élevaient leurs chèvres, entretenaient leur potager et leur compost, refusaient la société de consommation et tous ces artifices que l’on trouvait… dans les villes.

    78 chevreuse PNR PG (15) - où vivre ?
    ©Pascal Greboval

    Le cliché a la vie dure, mais les temps ont changé et il est désormais légitime de se demander si la pression que nous exerçons sur notre planète est plus forte en ville ou en pleine nature.

    C’est quoi l’empreinte écologique ?

    Commençons d’abord par rappeler ce qui fait notre empreinte écologique (soit la pression que nous exerçons sur les ressources naturelles de la planète). Principalement et dans l’ordre pour un Français1 :

    • notre alimentation (20 500 m2/an)
    • nos achats (19 400 m2/an)
    • notre habitation (9 700 m2/an)
    • nos déplacements (6800 m2/an)

    Alimentation, avantage à la campagne

    Soyons clair. Faire un potager et se nourrir en grande majorité de ses produits est à notre connaissance le moyen de générer le moins d’impact écologique. Si en plus vous êtes végétarien ou que votre régime alimentaire est peu carné c’est carrément le Pérou. Or, il faut environ 200 m2 pour permettre à une famille de 4 personnes de subvenir à ses besoins en légumes et 400 m2 si on y ajoute les fruits. Ce qui rend la tâche plus ardue en ville. Cela n’empêche pas les citadins de redevenir adeptes des jardins familiaux (on en recense en France environ 150 000 parcelles2 contre 100 000 dans les années 1980 mais 700 000 à la fin de la Deuxième Guerre mondiale) ou de toute forme d’agriculture urbaine (culture dans des bacs sur les toits, les terrasses, les balcons).

    Nos achats : la variable personnelle

    Même si l’on peut supposer que vivre en ville augmente le réflexe consumériste, que le grand nombre de boutiques offre une multitude d’occasions d’acheter pour les citadins, peu de chiffres permettent de le vérifier avec certitude. Les zones rurales ou périurbaines sont désormais truffées de centres commerciaux où une partie des habitants du territoire viennent passer leur samedi après-midi.

    Empreinte carbone : avantage à la ville

    D’après une étude de l’Institut international pour l’Environnement et le Développement, l’empreinte carbone d’un habitant de New York est trois fois inférieure à celle d’un Américain moyen. Évidemment les campagnes américaines ne sont pas les campagnes françaises. Pour autant, d’après une étude de l’Insee (Insee Première n°1357, juin 2011) : «Les habitants des pôles urbains émettent deux fois moins de CO2, grâce à un usage plus fréquent des transports en commun et de la marche à pied. Mais les emplois des grandes villes sont également occupés par des périurbains ou des habitants d’autres villes qui parcourent de plus grandes distances, le plus souvent en voiture. Leurs émissions moyennes sont nettement plus élevées. » Voilà qui nous amène à élargir le débat entre ville et campagne. Ce que l’on a coutume d’appeler le « périurbain », communes avoisinant les pôles urbains principaux où fleurissent les zones pavillonnaires plus ou moins hideuses, fait entièrement partie du problème de l’étalement urbain gourmand en transport et aux mauvaises performances thermiques.

    Habitat et déplacements : la double peine des milieux ruraux et périurbains

    Dans un monde de plus en plus mobile et au confort accru, une personne vivant à la campagne ou dans les zones périurbaines dépense souvent plus d’argent et d’énergie pour ces deux postes. Ainsi, selon l’étude de l’Observatoire du consommateur d’énergie Crédoc-GDF Suez 2012, les ménages qui habitent les petites villes ou les communes rurales ont une facture énergétique 23 % plus élevée que la moyenne des ménages (14 % dans des villes de plus de 100 000 habitants et 27 % de moins à Paris). Cet écart provenant essentiellement des types de logements (le plus souvent des maisons individuelles), plus grands et aux performances énergétiques plus faibles. Les rédacteurs de l’étude soulignent que la véritable précarité énergétique résulte de la relégation dans les espaces périphériques qui additionnent mauvaise qualité thermique et éloignement des services, commerces et services publics de base. Ce qui a tendance à accroitre le coût des déplacements : plusieurs voitures nécessaires pour un même foyer et peu de transports en commun. La densité des villes permet de limiter l’étalement urbain, de limiter l’imperméabilisation des sols et la place du bitume… Elle permet aussi de fortes économies d’énergie : transports en commun, possibilité de chauffage collectif, commerces à proximité. Le modèle des écoquartiers comme tels que Vauban en Allemagne, écoquartiers de De Bonne à Grenoble, Cullmeborg aux Pays-Bas, tâchent d’optimaliser ce modèle où transports doux, sources d’énergies renouvelables, potagers urbains, commerces, entreprises et logements sont rassemblés le plus intelligemment possible.

    Oui mais

    « Oui mais… », arguerez-vous, il est possible de vivre en parfaite autonomie, à la campagne. Où nous pourrons éco-construire ou éco-rénover notre maison, faire notre potager et notre compost, installer panneaux solaires et éoliennes, vivre au plus près de la nature et réduire au maximum notre consommation compulsive d’objets et autres vêtements… Certes, vous répondra-t-on, si votre détermination est à ce point affirmée, il est très clair que vivre à la campagne a moins de conséquences néfastes. Selon le ratio de l’empreinte écologique détaillé au début de cet article, avoir une alimentation cohérente (bio, locale, peu carnée) et éco-limiter ses achats (choisir ceux qui ont le moins d’impact négatif et préférer la sobriété) est ce qui fait la plus grande différence. Ceci dit, se pose un autre problème. À moins d’avoir renoncé à tout attribut du confort moderne, votre logis sera très probablement raccordé aux différents réseaux (énergie, télécommunication, eau…). Or, comme le souligne Toby Hemenway3 dans son passionnant article Villes, Pic pétrolier et soutenabilité : « Une population dispersée mobilise davantage de ressources pour son approvisionnement et sa desserte qu’une population rassemblée. Les infrastructures de la ville de New York (canalisations, rues, tunnels de métro) paraissent monopoliser une quantité de ressources considérable, mais elles desservent plusieurs millions de personnes. Si l’on éparpillait ces gens avec une densité de population égale à celle du Connecticut rural, ils occuperaient toute la Nouvelle-Angleterre. » En France, si l’on éparpillait les habitants de Paris intra-muros (105 km2 avec une densité de 21 000 habitants/km2) selon la densité moyenne de la France (115 habitants/km2), ils occuperaient l’ensemble de la Gironde et de la Dordogne (19 000 km2). Ce qui coûterait en prime considérablement plus cher. À l’heure où nous avons grandement besoin de cesser la destruction ou la perturbation des espaces naturels où niche la biodiversité, le GIEC a lui-même inscrit dans ses recommandations la densification des espaces urbains et la « mise en friche » des zones naturelles.

    Alors ?

    Même s’il faut l’avancer avec énormément de précautions, l’une des pistes les plus probantes serait d’organiser des pôles urbains de taille mesurée (entre 100 000 et 500 000 habitants), dont les performances énergétiques seraient optimisées (logements, transports, éclairage, production d’énergie), faisant la part belle aux espaces naturels (parcs, coulées vertes, arbres, jardins urbains…) et entourés d’exploitations agricoles de petite taille fournissant les marchés urbains. Comme le souligne encore Toby Hemenway : « Dans les moments difficiles de cette crise, ce sont les communautés les plus solidaires, les plus dynamiques, les plus soudées qui sauront le mieux se débrouiller […]. Ainsi, les solutions de l’après-pétrole émergeront probablement là où les gens vivront rassemblés. » Un bel appel à renforcer nos communautés, quel que soit l’endroit où nous vivons !

    Par Cyril Dion

    Extrait de la rubrique Désenfumage de Kaizen 11.

    Lire aussi : Est-il plus écolo de vivre à la campagne ou en ville ? (Partie 2)

    1 Source : Cité des sciences.

    2 Inventaire national des jardins ouvriers et familiaux, réalisé en 1993 par la Fédération nationale des jardins familiaux pour le compte de la Mission Paysage du ministère de l’Environnement.

    3 Auteur, chef de culture à l’Institut de la Permaculture et professeur à l’université de Portland.

    6 Commentaires

    1. Bonjour, auriez vous la source de l’étude de la cité des sciences que vous citez?
      Celle-ci m’intéresse très fortement!

      Ps : excellent article!

    2. indéniablement moins écolo de vivre à la campagne… Grand nombre de kilomètres parcourus, habitat individuel plus énergivore que le collectif, et la terre qui ne reviendra jamais à l’agriculture. Mais le « petit pavillon » est l’idéal des Français…

    3. Je trouve que c’est à nuancer fortement !
      Les villages traditionnels sont souvent bâtis en mitoyen, profitent des apports solaires, économisent l’espace et permettent la mobilité lente.

      C’est le pavillonnaire qui est grand consommateur d’espace et d’énergie, que ce soit en banlieue ou en milieu rural.

      Un facteur clé est les habitudes de consommations et là, il est certain que les achats de biens importés, les voyages en avion, city trip ou week end en seconde résidence sont davantage le fait des populations urbaines aisées.

      Les déplacements plus nombreux des ruraux ne sont pas un choix mais une contrainte imposée par le centralisation des services et emplois en ville – votre conclusion pour une hiérarchie de pôles plus locaux puis de taille mesurée est par contre pertinente : la solution n’est pas qu’en ville…

    4. Dommage de vous voir suivre le discours ambiant qui méconnaît la vie à la campagne et l’affuble de tous les coûts (car on les étudie comme si un rura vivait comme un urbain, certains peut-être mais pas tous loin de là) tout en occultant les réelles raisons qui poussent à parquer la population dans des lieux concentrés. Je vous invite à le tester en réel et vous apporterez de grandes nuances à l’étude qui ne prend pas en compte tous les paramètres.
      Pourquoi opposer la vie urbaine et la vie rurale?
      L’une et l’autre ont des contraintes. Au gré des évènements de la vie, nous nous retrouvons tantôt à pratiquer l’une ou l’autre.
      L’humain n’est pas une marchandise. La qualité de vie souhaitée au niveau social, environnemental peut différer d’un individu à l’autre et varier pendant son existence.
      Laissons cohabiter ce qui peut harmonieusement se compléter, laissons vivre en ville qui aime vivre en ville, laissons vivre dans des petits villages ceux qui apprécient cette ambiance. Ce qui ressort de l’expérience, c’est qu’une structure au-delà d’un certain nombres d’habitants perd grandement en humanité et génère des problèmes conséquents à un manque de chaleur humaine. L’humain devient un numéro non reconnu dans son identité propre. Dans l’étude, il serait intéressant de prendre en compte ce facteur social , la régulation naturelle du bien vivre en société quand des liens intergénérationnels sont tissés dans des associations, des contacts informels en se croisant dans le village, des attentions, des « coups de mains ». On peut vivre à la campagne tout en respectant les terrains agricoles. On peut vivre à la campagne sans devoir se rendre régulièrement en ville pour des produits de consommation.
      Vous pouvez retrouver cette qualité de vie en ville dans des quartiers à l’architecture étudiée favorisant l’harmonie et non la solitude, l’indifférence, la perte de repères qui gonflent ensuite violence, peur, délinquance, drogue, prison, stress, burn-out, déprime, etc…
      Alors sous prétexte qu’en dessous de 100 000, on n’est pas rentable, de grâce ne cautionnez pas une société à un seul modèle où nous serons trop les uns sur les autres pour s’apprécier et savoir se respecter, où nous finirons agressifs comme des rats qui se tuent entre eux quand ils sont trop nombreux dans des cages trop exigus?où ceux qui ont besoin d’un espace calme, de pouvoir se ressourcer dans la nature devront supporter la pollution sonore inhérente à la ville.

    5. Il faudrait rajouter aussi la prise de conscience écologique de nombreux ruraux qui adaptent leur manière de vivre pour impacter un minimum la planète. Citons pour exemple le covoiturage régulier pour les déplacements, les échanges de services, le souci de ne pas gaspiller les produits récoltés dont le surplus se donne, les meubles dont on fait profiter celui qui est intéressé lorsqu’on déménage etc…

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