Depuis deux ans, l’association Des Enfants et des Arbres invite des milliers d’écoliers à planter des arbres avec et chez les agriculteurs de leur département. Le but : sensibiliser ces citoyens en herbe aux enjeux environnementaux et accompagner la transition du monde agricole. Reportage dans une ferme à Retiers, près de Rennes.
« Baahh, c’est dégueu ! », exprime Enora avec une moue d’écœurement, en trempant les racines d’un arbre dans du pralin, mélange boueux à base d’argile, de bouse de vache et d’eau qui facilite la plantation d’arbres en hiver. Ses camarades ripostent : « C’est de la terre, c’est naturel ! ». Enora, Romain, Laïyna, ou encore Océane, font partie de la soixantaine de collégiens de Retiers venus participer à l’événement organisé par l’association Des Enfants et des Arbres, ce mardi 1er février, sur la ferme de la Bélouyère.
Le matin, ces élèves de sixième ont pris part à des ateliers pour découvrir ce qu’est un bocage, apprendre à identifier la faune aux pieds des haies, à repérer les oiseaux, etc. Mais tous s’accordent sur leur activité préférée de la journée : la plantation. « On est plus dans l’action que dans la réflexion », justifie Louison, accroupie sur le talus destiné aux arbres, qui s’applique à recouvrir de terre les racines d’un tilleul.
Pour Marie-France Barrier, fondatrice de l’association, cette mise en action est indispensable : « Les enfants prennent ainsi confiance dans leurs capacités à changer le monde », confie la réalisatrice du documentaire Le Temps des arbres, emmitouflée dans une doudoune verte et une écharpe rose. Née en 2020, l’organisation Des Enfants et des Arbres entend sensibiliser les citoyens de demain aux enjeux environnementaux et transformer pas à pas le monde agricole. Le trait d’union : l’arbre.
Réconcilier le monde agricole et la société civile
25 000 kilomètres de haies doivent être plantées chaque année d’ici 2050, pour atteindre les objectifs des Accords de Paris, alors que seulement 3 000 kilomètres sont actuellement plantés et 10 000 arbres continuent d’être arrachés par an. Maillon indispensable de la biodiversité, les haies permettent de stocker le carbone et servent d’abri pour la faune et la flore utiles aux cultures. Pour sa première campagne de plantations de 2020-2021, l’association a permis la sortie de terre de 5 000 arbres. La saison 2021-2022 devrait atteindre quant à elle les 10 000 arbres plantés, grâce à la mobilisation de 2 400 enfants et une soixantaine d’agriculteurs.
Désireux d’installer des haies pour protéger ses cultures du vent et « d’ouvrir » sa ferme, Emmanuel Savin, maraicher bio de la Bélouyère, a très vite été séduit par ce projet. Pelle à la main, il aide ces jeunes adolescents à faire les trous pour y placer les plants. A ses côtés, des petites mains fourmillent pour peaufiner le travail. « Ce midi je leur ai fait gouter mes radis d’hiver et mes navets, c’était vraiment chouette », sourit l’agriculteur, qui cultive ses légumes sur trois hectares.
En créant Des enfants et des Arbres, Marie-France Barrier souhaitait favoriser la réintroduction des haies dans les exploitations, mais également réconcilier le monde agricole et la société civile. Le monde agricole au sens large. Pour preuve, l’association intervient aussi bien chez les agriculteurs bio que conventionnels, comme Régis Desprès, éleveur de porcs et de volailles qui partage la ferme avec Emmanuel Savin.
Contre l’idée de faire « un entre-soi », la fondatrice tient à souligner les difficultés auxquelles font face ces producteurs, notamment pour passer à un modèle plus vert. Plutôt de les « pointer du doigt », de les « braquer », elle prône une transformation « par petits pas ». Les accompagner à planter des arbres peut être un départ.
« Du racinaire souterrain mais aussi humain »
Dans cette « approche humaine », Marie-France entend également mettre en lien divers acteurs du territoire pour l’organisation de ces évènements. Avant de répondre à l’appel à projet de l’association, Emmanuel Savin s’était tourné vers la Communauté de communes de la Roche aux fées, qui l’a notamment aidé à obtenir le soutien de Breizh Bocage (ndlr : dispositif d’aide visant la création et la reconstitution d’un maillage bocager en Bretagne) et qui a fourni les plants pour cette plantation.
Pour répondre à l’appel à projets Des Enfants et des Arbres, l’agriculteur doit également se rapprocher d’une école voisine et présenter un projet éducatif. Les enseignants prennent ensuite le relai et préparent des cours dédiés et des activités. Concernant l’encadrement, un animateur-nature intervient pour transmettre des connaissances concrètes sur les arbres aux jeunes. Sur certaines journées en Bretagne et dans le Maine-et-Loire, la compagnie théâtrale La Chaise Rouge dirigée par Patrick Cosnet, qui conçoit diverses pièces sur le monde agricole, est aussi présente pour rendre les activités encore plus ludiques. « On fait du racinaire souterrain mais aussi humain », se félicite Marie-France Barrier, qui distingue cette plantation d’une simple « sortie verte ».
Les enfants confirment. Vers 16 heures, les derniers arbres sont plantés, et les mines ravies de ces collégiens illuminent cette fin de journée sous un ciel grisâtre. « Comme on plante l’arbre, on pourra venir ramasser ses fruits [châtaignes] ? », interroge Océane avec une pointe de malice le bénévole de la Chaise Rouge, Hugo. Ce dernier renvoie la balle : « Il faudra voir cela avec Emmanuel. » Le maraicher aimerait faire revenir ces jeunes pour qu’ils voient l’évolution des haies sur le long terme. Et pourquoi pas faire une autre plantation l’année prochaine avec l’association. Un collégien aurait soufflé à Patrick Cosnet qu’il voulait redoubler pour revenir aussi planter des arbres.
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