Energy observer : l’odyssée du premier navire 100% autonome autour du monde 

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    Propulsé à l’hydrogène et aux énergies renouvelables, le navire Energy Observer a entamé un tour du monde depuis 2017 pour sensibiliser aux solutions énergétiques de demain. Depuis les mesures de confinement, l’équipage vit en autonomie totale sur le bateau .  

     

    Zéro émission polluante, zéro bruit, zéro vibration. C’est la prouesse de l’Energy Observer, ancien bateau de course transformé en catamaran du futur, propulsé grâce à une mixité d’énergie. Armé de 202m² de panneaux solaires et deux ailes à propulsion éolienne, ce navire de 31 mètres de long et 13 mètres de large puise en journée l’énergie du vent et du soleil qui alimentent ses batteries. Le soir, l’hydrogène prend le relais. « L’eau de mer est pompée, désalinisée et stockée pour être ensuite transformée en électricité grâce à une pile à combustible », détaille Marin Jarry, second capitaine. « Grâce aux énergies renouvelables, on crée donc de l’hydrogène décarboné à bord du bateau », ajoute-t-il.

     

     

    Une architecture énergétique reproductible 

    C’est lors de la transatlantique Jacques Vabre, en 2013, que le fondateur du projet, Victorien Erussard, a puisé cette idée. « Je me suis retrouvé en panne de générateur diesel au milieu de l’Atlantique en réalisant que j’avais plein d’énergie autour de moi comme le vent, le soleil et la mer », explique l’ancien skipper et officier de marine marchande. « Je me suis dit qu’il serait pertinent de construire un bateau intelligent qui n’émettrait aucune particule fine, sans aucune énergie fossile à bord, qui puise dans la nature tout en la préservant.»

    Victorien Erussard au départ de Saint Malo, le 3 mars 2020 ©Energy Observer Productions – Amélie Conty

    De la course aux trophées, Victorien se lance alors à la chasse aux solutions énergétiques et réunit une équipe d’officiers de la marine marchande, marins professionnels mais aussi ingénieurs et chercheurs pour constituer un véritable laboratoire flottant. Coût des travaux ? Entre 5 à 6 millions d’euros. Un objectif financier atteint principalement grâce au mécénat ou au sponsoring de grandes entreprises tels que Accor Hôtels ou encore Toyota. « Certaines grandes entreprises polluent et font partie du problème actuel mais nous partons du principe que ce sont ces acteurs qui doivent faire le plus d’efforts et qu’il faut les pousser davantage vers cette voie pour accélérer la transition écologique et énergétique », soutient Victorien Erussard. « L’idée est que notre architecture énergétique soit reproductible pour d’autres bateaux pour repenser le transport maritime [Voir article Le vent souffle à nouveau sur le transport maritime du Kaizen 51], mais aussi être dupliquée sur des véhicules, des hôtels, des ports voir des villes », ajoute-t-il.

     

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    Une expérience confinée en autonomie totale 

    En attendant d’être reproductible sur terre, l’Energy Observer sillonne les mers depuis 2017 avec l’ambition de faire un tour du  monde sur six ans. « Depuis trois ans, le système a fait ses preuves, que ce soit dans les eaux chaudes de Méditerranée ou glaciales de l’Arctique (1) », raconte Victorien Erussard. « L’idée du projet, en plus de tester l’efficacité de notre système est de créer un village itinérant en faisant escale dans 50 pays et aller chercher des initiatives innovantes sur place afin de les valoriser sous forme de documentaires. »

    Départ de l’équipage de Saint Malo le 3 mars 2020 ©Energy Observer Productions – George Conty

    Après une pause hivernale et des travaux de rénovation dans le port de Saint-Malo, leur port d’attache, l’équipage a repris le large le 3 mars dernier, avant les mesures de confinement, décidé à se rendre jusqu’à Tokyo pour les Jeux Olympiques. « La première décision que nous avons prise [suite à la crise sanitaire liée au Covid-19] a été de ne pas stopper notre Odyssée. Nous sommes autonomes en énergie, en eau, alors que le monde était confiné et l’économie à l’arrêt, nous avions la possibilité de continuer à naviguer. Plus que jamais l’aventure Energy Observer prenait tout son sens. », explique Jérôme Delafosse, chef d’expédition et documentariste. « Nous ne pouvions débarquer nulle part, cela nous a causé quelques soucis d’approvisionnement en nourriture, nous avons pu compter sur le stock du bord et avons eu la chance de pouvoir nous ravitailler à deux reprises en nous faisant livrer la nourriture en mer, et nous avons également pêché pour compléter les apports en protéines. » Dans ces conditions particulières, l’équipage a réussi sa première traversée transatlantique (9000 km) en totale autonomie énergétique et atteindre la Martinique le 21 avril dernier.

     

     

    Penser le monde « d’après Covid »

    Contraint de recentrer son itinéraire sur la région caribéenne, l’équipage se donne l’objectif de sensibiliser sur les enjeux de protection de la biodiversité. « Nous avons décidé d’observer cette nature pour comprendre comment on peut s’inspirer d’elle pour construire le monde d’après Covid. L’homme s’est placé au-dessus de la nature pensant pouvoir la dominer et la nature nous a rappelé sévèrement à l’ordre à travers cette pandémie directement liée à notre relation au vivant », constate Jérôme Delafosse.

    Traversée de l’Atlantique ©Energy Observer Productions – Amélie Conty

    « Nous avons déjà pu observer des écosystèmes au repos, je pense aux récifs de l’archipel des Saintes, la Mangrove en Guadeloupe, l’île Fourchue rendue par les hommes à la nature. Chacun de ces biotopes survit depuis la nuit des temps grâce à la coopération entre les différentes espèces qui les peuplent. C’est cette coopération qui permet une incroyable résilience aux catastrophes naturelles et aux agressions de l’homme. »

    Prochaine étape, la forêt Guyanaise puis l’Archipel des Galapagos. « D’une manière générale, cette expédition est avant tout un message politique, il est urgent de s’organiser pour donner un nouveau cap à notre civilisation. Ce que nous vivons avec la pandémie de Covid n’est que la saison 1 d’une crise beaucoup plus profonde qui s’annonce : le changement climatique » , rappelle Jérôme Delafosse.  « Nous avons aujourd’hui les connaissances, les technologies qui peuvent nous permettre de ralentir notre impact sur le climat et devenir la première génération à transformer le monde.»

     


    (1) En 2018, l’Energy Observer part de Marseille pour enchaîner les escales iconiques sur une des mers les plus polluées au monde. En  2019, ce laboratoire flottant devient le premier navire à atteindre l’Arctique sans aucune émission, grâce aux énergies renouvelables et à l’hydrogène. Il atteint l’archipel du Svalbard, un épicentre du changement climatique, là où les températures augmentent deux fois plus vite qu’ailleurs.

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