Droit de l’animal : un petit pas pour l’homme, un grand pas pour les animaux ?

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    Comment améliorer et repenser notre rapport aux animaux ? Reconnus comme des êtres vivants doués de sensibilité, les animaux suscitent aussi l’intérêt des juristes. Pour mieux les protéger, ces derniers ont élaboré, avec l’aide de la Fondation 30 millions d’amis, le premier Code de l’animal en France et en Europe. Une initiative inédite qui vise à la création d’un statut juridique de l’animal. Kaizen fait le point pour vous.

    Fruit de la collaboration entre la Fondation 30 millions d’amis et des juristes spécialisés de l’Université de Limoges, le Code de l’animal (Ed. LexisNexis) est disponible dans les librairies depuis jeudi 22 mars. Cette innovation en France et en Europe est un premier pas porteur d’espoir pour les défenseurs de la cause animale. « C’est un outil pour aider les professionnels et tous ceux qui en ont besoin sur le terrain pour protéger les animaux », précise Réha Hutin, présidente de la Fondation 30 millions d’amis. La parution de ce code « montre que les mentalités changent », s’enthousiasme la Fondation Assistance aux animaux, qui se consacre au sauvetage et à l’accueil d’animaux maltraités.

    Petit pavé bleu à la couverture imprimée d’animaux gris en origami, ce code voit le jour trois ans après la loi de février 2015 d’après laquelle désormais « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité » (art. 515-14 du Code civil). Une victoire remportée, à l’époque, par la Fondation 30 millions d’amis.

    Grâce à cette loi, le tribunal correctionnel de Draguignan avait pu condamner, en septembre 2017, un jeune homme à six mois de prison ferme pour avoir tué un chat « semi-domestique » (vivant dehors mais nourri par les habitants du quartier) à coup de pieds, alors qu’il portait des chaussures de sécurité.

    Pour la directrice de recherches à l’INRA, Florence Burgat, philosophe et spécialiste de la vie animale, « c’était une avancée importante car elle a permis que les médias parlent de la condition animale. Les associations ont enfin été écoutées et les travaux universitaires ont donné une légitimité académique à leurs actions. » Pour celle qui préface ce Code de l’animal, la prochaine grande question politique est la question animale, révélatrice de notre société.

    Déclaration universelle des droits de l’animal

    Le Code de l’animal se présente ici comme un recueil exhaustif de textes de lois applicables et d’exemples de jurisprudence, depuis la première loi de 1891 sur les courses de chevaux jusqu’à un arrêté de 2017 fixant le nombre maximum de loups à tuer en passant par la Déclaration universelle des droits de l’animal de 1978, qui fait office de préambule à l’ouvrage. Un choix fort, fondateur. Il permet aussi de mettre en perspective les incohérences entre les divers traitements réservés aux animaux. On notera ainsi que les animaux domestiques sont protégés contre les maltraitances et la mort, alors que les animaux d’élevage, considérés comme des biens de consommation et propriété des humains, sont destinés à l’abattage, sans contrôle des conditions de traitement. Les animaux sauvages, eux, n’appartenant à personne, peuvent être chassés librement, dans le respect des arrêtés préfectoraux réglementant cette activité.

    Le Code se présente donc comme une aide précieuse pour les acteurs de la protection des animaux. « Aujourd’hui la Fondation 30 millions d’amis se porte partie civile dans 250 affaires par an, soit pas loin d’une par jour. Ce code va nous permettre d’agir et d’argumenter plus facilement », précise Réha Hutin. En effet, dès qu’une association de protection des animaux a connaissance de faits portant atteinte à l’intégrité physique d’un animal, un sauvetage est organisé, parfois avec l’aide des forces de l’ordre. Puis, la fondation dépose une plainte auprès du tribunal sur le fondement de l’article 521-1 du Code pénal qui indique que « le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ».

    La compilation faite par le Code de l’animal « n’apporte rien de nouveau en matière législative, ce n’est qu’une photo de tous les textes », rappelle quant à elle Nikita Bachelard de la Fondation Droit animal éthique et sciences (fondation qui était à l’initiative de la Déclaration universelle des droits de l’animal de 1978). Pour Réha Hutin « les choses avancent trop lentement. Ce code n’est qu’un premier pas car l’animal est toujours considéré comme un bien. Notre but est d’arriver à la reconnaissance de la personnalité juridique pour les animaux comme c’est par exemple le cas pour les entreprises ». Cela permettrait de sortir les animaux du régime des biens : ne plus utiliser leur valeur marchande comme référence pour prendre des décisions les concernant. On pourrait imaginer, lors d’un divorce… une garde partagée ! La création d’un statut juridique spécifique de l’animal donnerait davantage de force à la reconnaissance faite par la loi, en 2015, de la notion de sensibilité des animaux.

    Flexitariens, végétariens et vegans

    Le constat est unanime chez tous les défenseurs de la cause animale : les animaux ne pourront être correctement protégés que lorsqu’ils auront un statut juridique. C’est dans ce sens que travaille un groupe de 18 avocats du barreau de Paris depuis janvier 2017, sous l’impulsion de Maître Marie-Bénédicte Desvallon. Ce groupe, qui a travaillé en parallèle de celui de l’Université de Limoges à l’origine du Code de l’animal, prépare la proposition d’un statut juridique protecteur de l’animal qu’il souhaite faire adopter par le législateur. Un projet pourrait être proposé d’ici la fin de l’année 2018.

    Auteure du livre Être le bien d’un autre (Ed. Rivages), Florence Burgat explique que « le droit positif aujourd’hui ne répond qu’à trois questions : quand, comment et quels animaux tuer ? Le droit n’est qu’une façon d’organiser la mise à mort des animaux, ou encore, comment les faire moins souffrir lors de ces mises à mort ». Face à l’évolution de l’opinion publique, le droit se doit de réagir. Ainsi, en 2005, puis en 2013, des groupes successifs de députés ont tenté de faire adopter à l’Assemblée nationale un projet de loi visant à interdire la chasse à courre, sans succès jusqu’à présent. Le 31 janvier 2018, un autre groupe de députés a de nouveau déposé un projet de loi en ce sens. « Il a déjà fallu plus de quinze ans pour faire inscrire dans le Code civil le caractère sensible des animaux. Ce n’est pas quand les animaux auront disparu qu’il faudra s’interroger », s’indigne aussi Maître Desvallon. « Il y a encore une surreprésentation des lobbies de la chasse ou de la corrida auprès du monde politique », déplore Florence Burgat.

    Le premier Code de l’animal est malgré tout important pour faire évoluer les mentalités. Aller vers le végétarisme pourrait être une des solutions. Ainsi, selon les instituts de sondages, les flexitariens (part de la population qui ne mange plus de la viande qu’occasionnellement) représentent 23 % de la population française, les végétariens 4 % et les vegans 3 %. Pour Florence Burgat, « il faut s’éduquer vers la non-violence : aujourd’hui la violence est instituée et pas forcément consciente ».

    Les jeunes de 16 à 25 ans seraient 54 % à déclarer qu’ils sont prêts à manger moins de viande par respect des animaux, selon un sondage Diploméo de novembre 2017. Une évolution de la société qui trouve écho dans une partie du politique aujourd’hui : le 21 mars 2018, une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale visant à proposer obligatoirement une alternative végétarienne au menu quotidien dans toutes les cantines publiques.

    Par Valérie Bourdeau –@Valdesgardin


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