Dominique Bourg : Coronavirus et climat, « in fine importent nos valeurs »

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    Depuis mardi 17 mars 2020 midi, la France est en état de « confinement total » à cause de l’épidémie du coronavirus qui frappe le pays. L’objectif de cette mesure annoncée par le président de la République lundi soir, est de contenir la propagation du virus en contraignant les citoyen.ne.s à rester chez eux. De nombreux pays appliquent des mesures similaires et le monde entier ralentit.

    Dominique Bourg Coronavirus et Climat Kaizen Magazine

    Les leçons que nous devrions tirer de la pandémie de coronavirus pourraient être décisives. Au-delà des différences bien réelles, la comparaison avec le climat est tout sauf insensée.

    Imaginons qu’une pareille maladie ait atteint les sociétés des 13e, 14e ou 16e siècles. Serait-ce devenu une pandémie ? On peut en douter compte tenu alors de la modestie des transports internationaux et de leur durée. Un équivalent du coronavirus serait probablement passé inaperçu. Les symptômes sont semblables à ceux d’une grippe, les occasions de transmission auraient été beaucoup moins nombreuses et probablement plus confinées socialement. En outre, le degré de létalité aurait été très faible car les personnes aujourd’hui à risques auraient été inexistantes dans les conditions sanitaires d’autrefois. La pratique hospitalière n’était pas la nôtre. Ce n’eut rien à voir avec la peste qui accumulait dans les rues des cadavres effroyables et puants.

    C’est par contraste notre capacité de contrôle technique, notre maîtrise des risques qui nous condamnent à l’impuissance. La gestion du risque est par définition celle d’événements rares et circonscrits. Quand le nombre de personnes nécessitant une assistance respiratoire explose, celui de respirateurs artificiels, ni même celui de soignants en bonne santé ne peuvent suivre. Et il suffirait même que le nombre de gens alités, sans la moindre perspective létale, croisse rapidement, pour que le château de cartes social s’effondre, tant la division sociale du travail est désormais complexe. En revanche, lors de la peste Noire (1347-1349), la mortalité d’une personne sur deux, quasiment, n’a provoqué aucun effondrement organisationnel. Les plus anciennes des universités ont même été fondées dans la foulée.

    Mais imaginons en revanche que, par quelque enchantement, ces sociétés aient eu connaissance d’un changement climatique en cours, éminemment dangereux. Alors il est hautement probable qu’elles se soient puissamment mobilisées ! S’il y a bien une chose dont tout le monde était alors conscient, c’était l’importance du climat. Personne n’ignorait que de mauvaises récoltes libéraient le spectre de la famine. Les églises et les confessionnaux se seraient remplis, la déploration des péchés aurait peut-être débouché sur le changement des comportements incriminés.

    L’inverse de ce que nous faisons. Nous sommes en effet capables de bloquer nos sociétés par des mesures de prévention sanitaire, jusqu’à mettre à genoux nos économies, pour au moins quelques semaines. En revanche, pour un danger moins immédiat, mais à terme massivement mortel, nous sommes incapables d’agir. Pourtant cette année les récoltes de sorgho, de riz et de coton ont baissé de 66 % en Australie. Dès 2040, avec une élévation fort probable de la température moyenne de 2°, certaines régions tropicales pourraient déjà connaitre des journées où l’accumulation de chaleur et d’humidité saturerait nos capacités de régulation thermique. Concédons-le cependant, nous prions nous aussi. Nos prières s’appellent croissance verte ou énergies renouvelables, pour autant qu’elles s’ajoutent à des consommations fossiles qui continuent de croître.

    L’analogie entre climat et coronavirus est encore utile en ce qu’elle livre une autre leçon. Face à une adversité brutale et globale, ce sont les comportements qui sont décisifs. Le seul moyen de réduire une attaque virale est l’adoption de gestes de protection par les populations. Face à un changement climatique global et au temps long, aux dommages croissants, là encore seuls les changements de comportement sont capables de réduire les émissions destructrices, puis de refonder des économies et des sociétés résilientes. L’approche classique par le risque et les techniques est impuissante face à l’afflux de malades, le temps de mise au point de vaccins est trop long. De même, face au basculement du climat, importent in fine nos comportements et nos valeurs.

    Par Dominique Bourg


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