La remise de ces 149 propositions par la Convention citoyenne pour le climat a constitué un moment démocratique significatif. La perfectibilité étant essentielle aux entreprises humaines, quelles leçons peut-on en tirer pour des institutions futures ? La question mérite d’autant plus d’être posée qu’il s’est agi d’une simple expérience, one shot, créée par le prince, hors de tout cadre juridique, la seule autorité pouvant lui en donner un, la CNDP, ayant été écartée par le gouvernement.
Commençons par envisager certaines des limites au processus. Les premières concernent son objectif, fournir aux pouvoirs publics des mesures pour atteindre l’objectif européen d’une baisse de 40 % des émissions d’ici à 2030. Or, répondre à cette commande aurait exigé de pouvoir calculer les effets des mesures proposées. Rien de tel n’a été octroyé aux citoyens. A quoi s’ajoutent deux problèmes : la cible ne concerne que les émissions directes et non celles induites par les consommations qui grosso modo doublent la contribution française ; les 40 % sont largement en-dessous de ce qui nous permettrait de ne pas exploser les + 2° que nous atteindrons dès 2040. Autre limite, le fait que la Convention propose 149 mesures. Difficile dans ces conditions d’éviter du côté du commanditaire de faire son marché, et surtout de proposer quelques mesures véritablement structurantes. D’ailleurs la seule structurante, les 28 heures hebdomadaires, n’a pas été retenue. Un obstacle qu’avait aussi connu le Grenelle de l’environnement.
Autre limite importante, un processus juridiquement hors sol. L’essence de la démocratie est d’éviter l’arbitraire des détenteurs du pouvoir. Or à l’amont comme à l’aval, tout le processus aura été suspendu à la décision hors cadre préalable du Président de la République. On ne saurait exiger évidemment que la Convention se substitue au parlement, mais au moins de connaître à l’avance les obligations du commanditaire. Les 400 citoyens du débat public sur la PPE en 2018 avaient averti les pouvoirs publics du danger de la taxe carbone compte tenu de l’effondrement des revenus d’une part des classes moyennes, la suite est connue …
Côté positif, cette Convention confirme ce qu’indiquaient les sondages. Grosso modo 55 % des gens ont compris qu’on devait changer de monde. Nombre des propositions des citoyens témoignent de la nécessité de faire évoluer nos modes de consommation et de vie. Ces mêmes citoyens se sont montrés attentifs à la nécessité de mailler mesures écologiques et accompagnement économique et ils ont refusé la taxe carbone. Ils ont élargi la commande à des aspects de biodiversité. Il suffit cependant de comparer ce qui est proposé à ce qu’avait calculé le bureau d’études BL évolution pour une réduction de 63 % de nos émissions : le remède prescrit par les 150 n’a rien à voir à la chimiothérapie requise, mais s’apparente plutôt à quelques cachets d’aspirine.
Venons-en aux propositions constitutionnelles. En l’état la suggestion pour l’article 1, avec le verbe « garantit », contraindrait le juge constitutionnel plus fortement que la seule Charte de l’environnement. Seule toutefois l’introduction d’un instrument du type « la République garantit que la France, au prorata de sa population, n’excédera pas une empreinte écologique d’1 planète … », comme cela avait été proposé au peuple suisse, changerait la donne. La reconnaissance du crime d’écocide est une avancée mais nous sommes encore loin d’une définition qui permette une qualification juridique opératoire. Le défenseur de l’environnement est un gag après trois années de déconstruction du droit de l’environnement. Le Haut Conseil des limites planétaires sera tout aussi efficace que le Haut Conseil du Climat, mais pourrait au moins se pencher sur de futurs indicateurs. Pourquoi y figure la réforme du CESE ? Bravo les lobbyistes !
Les 150 nous ont placés sur une excellente trajectoire, mais le chemin est encore long pour que la France contribue à une réduction significative de la destruction en cours de l’habitabilité de la Terre et s’y adapte. Sur le plan institutionnel l’expérience est intéressante, mais nous sommes tout aussi loin d’une véritable Chambre du futur.
par Dominique Bourg