En préparant le dossier du dernier numéro de Kaizen pour les élections municipales, j’ai eu l’occasion d’échanger avec de nombreux élus de petites et grandes communes (Ungersheim, Montdidier, Loos en Gohelle, Nantes…). Quelques semaines plus tôt, nous avions organisé une conférence à la Bergerie Nationale de Rambouillet à propos de notre hors-série La France en Transition où nous avions également fait intervenir des élus des Yvelines et Catherine Quignon Le Tyrant, la maire de Montdidier (dans la Somme). Lorsque cette dernière a quitté l’amphithéâtre pour filer rejoindre sa commune, tout le monde, ou presque l’applaudissait à tout rompre. Pourquoi ? Parce qu’elle venait d’égrener les mesures prises en deux mandats par une femme de gauche, élue à la faveur d’une triangulaire dans une commune où la droite, selon sa propre expression « fait 72% quand elle n’est pas en forme ». Développement des énergies renouvelables (la commune devrait être 100% autonome en 2016), de filières alimentaires en circuit court, travail sur l’eau, la culture, le chômage… En faisant bien attention à ne jamais parler d’écologie ou de développement durable (« je ne prononce jamais ces mots lancera-t-elle au public « pourtant je ne fais que ça ! ») mais toujours d’économie : économies d’énergies, économie dans les dépenses, développement économique… Et le bilan est impressionnant. Lorsque je prépare avec elle le débat, pendant le buffet qui précède la conférence, elle me lance du tac au tac : « Et vous quand est-ce que vous vous présentez ? ». Elle répétera la même question à toutes les personnes qui viennent lui témoigner leur admiration. Sans ambages, elle leur explique qu’il ne sert à rien de se plaindre ou de déplorer que les choses vont mal. Il faut se mettre en situation de les changer. Jean-Claude Mensch à Ungersheim et Jean-François Caron à Loos en Gohelle sont de la même trempe. A force de les écouter, je pense à ma propre commune et à celles dans lesquelles j’ai pu vivre. J’en parle à mes amis. Et le constat est sans appel. Une majorité écrasante voudraient que les choses s’améliorent mais personne (ou presque) ne veut s’y coller. Je pense à la phrase de Jean Yanne « Tout le monde veut sauver la planète, mais personne ne veut descendre les poubelles. » ou à celle de Martin Luther King « A la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais des silences de nos amis. Celui qui accepte le mal sans lutter contre lui coopère avec lui. ». Je pense à mon propre cas. On ne peut certes pas m’accuser de ne rien faire, mais je reconnais que l’idée même d’une carrière politique me fait froid dans le dos. J’imagine la pression perpétuelle, l’inertie de l’administration, les manigances de partis et d’officines… J’imagine que mes amis aussi. Et pendant ce temps, les personnes qui se sont engagées orientent la politique des communes, des départements, des régions, des Etats, dans le sens qu’elles souhaitent. Toutes mes réflexions finissent par me renvoyer à la même solution, comme un cul de sac. Si nous voulons résoudre un problème, il faut se retrousser les manches et s’en occuper. Si nous voulons changer la politique, il faut faire de la politique.
Accueil Sortir la poubelle
J’adhère à votre conclusion. Je ressens la même pression. Et en même temps, j’aimerais insister sur le fait qu’écrire votre article et éditer Kaizen est de la politique, animer une AMAP ou une ruche qui dit oui, c’est de la politique, organiser un forum ouvert ou créer un groupe Colibri local, c’est de la politique, construire sa maison peut être de la politique. Chacun peut sortir des poubelles de sa manière. Chaque manière est précieuse.
Certains savent manipuler le pouvoir, d’autres retroussent leurs manches dans une association ou dans un projet d’habitat participatif.
Enfin, je observe votre élan suite aux rencontres avec des élus. Je constate une nouvelle fois que les rencontres multiplient les énergies individuels. C’est là, peut-être, la rupture à venir. Faire ensemble, s’engager pour des idées partagées dans le collectif par sa présence physique et son investissement. Cette situation peut apporter une nouvelle dimension dans nos vies atomisées et apporter le changement sous condition qu’elle reste indépendante de ceux qui manipulent le pouvoir politique.
« Il faut se mettre en situation de changer (les choses qui vont mal ». J’adhère, tous les jours. Changer les pratiques et représentations par l’innovation. Il y a un poubelle devant la porte de chacun. Et si elle est trop lourde, je vous invite à sonner à la porte de votre voisin. Ce sera plus facile. Et ensuite, vous faites ensemble le ménage dans le quartier. Enfin, ce sera la très grosse poubelle devant et dans la Mairie, la Préfecture… Mais attention, certaines sont des vrais décharges et elles sont bien gardés. Il faut arriver en grand nombre et bien équipé.
Bien à vous et merci pour Kaizen. Ce n’est pas un camion poubelle miracle, mais il y a plein de pelles et balayettes utiles dedans.
Stefan Singer