Lancé en 2007, le Mouvement Colibris fête aujourd’hui ses dix ans ! À l’origine de cette belle aventure citoyenne aux côtés de Pierre Rabhi, Cyril Dion revient sur ces années historiques qui ont renouvelé le paysage militant et politique.
Comment le Mouvement Colibris est-il né ?
Après la candidature de Pierre Rabhi à l’élection présidentielle en 2002, s’est posée la question de savoir s’il devait se représenter ou non. En 2006, son entourage lui a conseillé de ne pas renouveler l’expérience, car l’important était de faire changer les mentalités, pas de faire de la politique.
L’idée était alors de créer un mouvement autour des idées de Pierre en fondant dans un premier temps le Mouvement pour la Terre et l’Humanisme. J’ai alors été recruté pour le coordonner, et peu à peu, après réflexion collective, le mouvement est devenu celui des Colibris.
Il nous semblait que dans le paysage des écologistes, la plupart des ONG étaient plutôt dans la dénonciation, l’information et la pédagogie – et c’était très bien – mais j’avais l’impression que l’on était prêt à passer à l’étape suivante : proposer une vision de l’avenir plus constructive et aider les gens à se bouger, être plus concrets. Être plutôt « pour » et pas seulement « contre ».
Quels ont été les moments les plus difficiles dans la construction de cette aventure ?
La plus grande difficulté a été de faire travailler ensemble des gens radicaux du milieu associatif écologiste et rural avec des urbains qui avait une connaissance de ces sujets moins importante mais qui étaient plein de bonne volonté. Il y avait une forme d’ostracisme des deux côtés. Les parisiens parlaient des « babas ardéchois » et les ardéchois parlaient des « bobos parisiens »… Moi-même, il a fallu que je montre patte blanche, que je fasse mes preuves, pour convaincre que je n’étais pas « un mec qui voulait ne faire que de la com’ », comme certains pouvaient le croire.
En dix ans, il y a eu aussi des succès dont vous êtes fier ?
Oui plusieurs ! La plus grande fierté réside selon moi dans le fait que les idées des Colibris aient infusé dans la société en général. L’agroécologie, les énergies renouvelables, le recyclage, le zéro déchet et la sobriété, tous ces thèmes sont connus aujourd’hui. Je me souviens aussi de très beaux moments avec la campagne Tous candidats en 2012, le film de Coline Serreau Solutions locales pour un désordre global en 2010, ou encore le premier forum ouvert que l’on a organisé en 2009. C’était le premier moment où, dans le milieu associatif, on a pu intégrer un tas de techniques d’intelligence collective, pour faire vivre une expérience aux gens qui leur permette non seulement de déterminer ensemble des actions, mais surtout de vivre quelque chose de profond.
Comment le Mouvement Colibris s’insère-t-il aujourd’hui dans le paysage politique ?
En 2016, j’ai pu observer que Benoît Hamon citait Pierre Rabhi, le Mouvement Colibris et le film Demain dans ses interviews. Peu importe que l’on soit pour ou contre lui, cette observation reflète juste le fait que nos idées commencent à être présentes dans la société. C’est très important car c’est ce que l’on voulait au fond. On a fait beaucoup plus un travail d’infusion dans la société qu’un travail de contrainte et de pression sur les politiques. De sorte que les gens changent à la base et que ces changements-là se répercutent dans les conversations politiques. Les politiques se sont alors rendus compte que leur électorat attendait cela.
Nous avons également réussi à faire passer l’idée d’une certaine démocratie participative, cette capacité d’impliquer les gens dans les prises de décision non pyramidales. Ce sont des sujets que l’on traite depuis 2008 et que l’on voit émerger maintenant partout dans les conversations… On a remporté une petite victoire.
Et demain, pour reprendre le titre de votre film…?
C’est plus à l’équipe de Colibris qui est en place de répondre, car je ne suis presque plus dans l’opérationnel. Mais ce qui me paraît intéressant, c’est à la fois de poursuivre ce que l’équipe fait autour de l’université des Colibris, c’est-à-dire outiller les gens et les former à faire de la pédagogie, mais aussi d’ouvrir encore plus le débat sur d’autres sujets. Je pense par exemple à des questions plus techniques, moins grand public, comme la fiscalité énergétique, la réorientation des subventions de la Politique agricole commune (PAC), ou encore le revenu de base qui a souffert d’une vision extrêmement caricaturale.
S’il n’y a pas un travail pédagogique vraiment important fait auprès des gens, il n’y a quasiment aucune chance que cela puisse se traduire d’un point de vue électoral. Il faut que ces idées s’ancrent. Enfin, il faut aussi créer une capacité de mobilisation beaucoup plus puissante, au-delà des actions locales, afin de pouvoir peser à des moments stratégiques sur les grandes orientations de la vie en société.
Propos recueillis par Sabah Rahmani
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C’est beau, mais elles ne semblent pas avoir infusé jusqu’à ceux qui votent, ou ne votent pas, d’ailleurs. Comment peut-on être Colibri et laisser notre pays se vendre à la finance et aux lobbies de la destruction ?
Heureuse d’en être (de façon un peu lointaine) depuis le début ou presque… Les idées évoluent, mais il y a grand besoin que ça s’accélère sérieusement… Le livre « Demain » (le film aussi, mais le livre est tellement plus complet) est une énorme source d’inspiration…
(En revanche, un petit travail de relecture de l’article serait le bienvenu) 😉