Crème solaire : comment protéger
    sa peau et la planète ?  

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    À chaque été son tube… de crème solaire. Tous les ans, 25 000 tonnes de ces protections chimiques se répandent dans nos mers et océans 1, menaçant leur biodiversité. Existe-t-il des alternatives plus respectueuses de l’environnement ? Peut-on vraiment se protéger du soleil sans polluer ? Passionnée par la médecine naturelle, Sylvie Hampikian, experte en pharmaco-toxicologie et autrice de plusieurs livres sur les cosmétiques bio, répond aux questions de Kaizen.

    Chaque année, 25 000 tonnes de crème solaire se répandent à travers les eaux du globe.

    Une crème solaire peut-elle être non polluante pour les écosystèmes marins ?

    Non. Même les protections bio polluent, mais beaucoup moins que les produits conventionnels, pour une efficacité équivalente. Elles sont donc à privilégier car elles demeurent plus facilement biodégradables que les crèmes solaires classiques. Ces dernières contiennent des huiles dérivées du pétrole et des silicones qui persistent dans l’environnement. Puisqu’elles emploient des filtres anti-UV chimiques de synthèse, des parfums et du parabène, elles sont aussi chargées de perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire qu’elles peuvent, à terme, dérégler le système hormonal des humains, mais aussi de la faune et de la flore sous-marine, dont les coraux. Dans les produits bio, ces filtres-là – oxyde de zinc et dioxyde de titane – sont issus de minéraux naturels. Pourtant, ils perturbent tout de même le développement du phytoplancton, microalgue et premier maillon de la chaîne alimentaire sous-marine… Mais pour le corps humain, ils ne présentent aucun danger, à condition de ne pas contenir de nanoparticules [utilisées pour réduire l’effet blanc sur la peau, ces molécules chimiques plus petite qu’une cellule peuvent ainsi facilement pénétrer dans l’organisme jusqu’au cœur des cellules et entrainer des effets toxiques et encore mal évalués. Certains labels bio comme Ecocert, Cosmebio et BDIH les tolèrent dans une moindre mesure. Leur présence dans un produit cosmétique est indiquée par la mention « Nano »].

    Le consommateur est donc pris en étau entre la nécessité de se protéger et la volonté de préserver l’environnement : d’un côté, la crème solaire peut être légèrement toxique et polluante, mais de l’autre, si on n’en applique pas, les effets des UV sont encore plus dangereux pour l’organisme puisqu’ils sont la première cause de cancer de la peau. Il n’y a pour l’instant pas d’options totalement satisfaisantes…

    Pourtant plusieurs sites prétendent que certains beurres ou huiles végétales peuvent remplacer une crème solaire…

    C’est faux, et cela peut même être dangereux. Toutes celles testées en laboratoire, comme l’huile d’avocat, de coco ou de germe de blé par exemple, ont effectivement un indice de protection solaire, certes, mais souvent proche de zéro (compris entre 1 et 8). De plus, des études 2 ont démontré que ni l’huile d’olive ni celle de coco ne protégeaient la peau des rayons les plus nocifs. Si elles permettent d’augmenter l’effet des bloqueurs d’UV, elles ne sont pas une protection suffisante à elles seules. Bien qu’elles hydratent et nourrissent la peau, n’utiliser que des huiles végétales pour se protéger du soleil en plein été revient presque, en matière de protection, à ne rien appliquer du tout. Enfin, concernant les huiles qui n’ont pas encore testées scientifiquement, il vaut mieux ne prendre aucun risque.

    Alors comment profiter du soleil tout en respectant l’environnement ?

    On peut renforcer et préparer sa peau en amont avec une cure de bêta-carotène, contenu dans les carottes, oranges, abricots, mangues, patates douces… C’est naturel et cela ne pollue pas du tout. Lors de l’exposition, la meilleure des protections reste le vêtement. Le lin ou le coton, de couleur claire, protègent des coups de soleil mais aussi de la chaleur ! Ainsi, il ne faut appliquer de la crème bio que sur les parties du corps qui restent découvertes, comme les mains ou le visage. Si on veut bronzer, il faut privilégier des temps d’exposition très courts, dix minutes de chaque côté par jour suffisent ! Dans ce cas, on peut se passer de protection solaire, à condition de ne pas s’endormir… Évidemment, il faut éviter de s’exposer aux heures les plus chaudes, ente 12 et 16 heures. Aussi, attention aux jours de vent puisqu’on sent moins la chaleur sur la peau. Notez également que les protections bio agissent immédiatement, contrairement aux crèmes traditionnelles qui doivent être appliquées trente minutes avant l’exposition, le temps que les composants adhèrent à la peau.

    En cas de légers coups de soleil, pour apaiser et hydrater la peau, on peut appliquer de l’hydrolat de lavande ou du gel d’aloe vera. C’est naturel et très efficace. Comme ces produits ne sont pas photosensibilisants, ils ne provoquent aucune réaction cutanée en cas d’exposition à la lumière. Mais encore une fois, ils ne remplacent pas les crèmes solaires ! Enfin, pour faire durer le bronzage, on peut masser sa peau avec un macérat huileux de carotte, mais jamais au soleil ou après exposition puisqu’elle peut être photosensibilisante.

    Quid de la baignade ?

    La meilleure solution pour l’environnement est de modifier ses habitudes : premièrement, il ne faut pas s’enduire les cheveux et le corps d’huiles avant d’aller se baigner. Elles se dispersent dans l’eau, la polluent et représentent un danger pour les espèces qui y vivent. Ensuite, il faut essayer de se baigner dès son arrivée sur la plage, avant la première application de crème solaire. Lorsqu’on se baigne, la masse d’eau forme un filtre solaire naturel, il vaut mieux rester bien immergé, plutôt que de rester trop longtemps avec le buste et les épaules qui dépassent de la surface. Après la baignade, le mieux reste encore de se rhabiller et de renouveler l’application de crème solaire sur les zones exposées aussi souvent qu’indiqué sur le produit.

    Quelle protection solaire recommandez-vous ?

    Les laboratoires de Biarritz me semblent avoir fait beaucoup d’efforts pour proposer une gamme complète de soins solaires bio. Elle a été créée par deux amoureux de la mer, on y retrouve une forte préoccupation environnementale.

     

    1 Source : Interview de Nicolas Imbert, directeur exécutif de Green Cross, une ONG internationale d’action humanitaire environnementale, publiée le 17 juillet 2017 sur le site de France Info.

    2 Étude publiée en 2016 par le département de génie chimique de l’Université de Floride ;

    Étude publiée en 2010 de l’Institut de pharmacie de l’université Pt. Ravishankar Shukla (Raipur, Inde) ;

    Article du site Formula Botanica sur l’utilisation de l’huile de coco comme bloqueuse d’UV.

     


    Quand protéger sa peau détruit les coraux

     

    Arriver à la plage, s’enduire de crème solaire et plonger dans la mer… Des petits gestes pas si anodins que ça : vingt minutes suffisent pour qu’un quart de nos protections se diluent dans l’eau. Aujourd’hui, ce phénomène menace 10 % des récifs coralliens du globe. En cause : l’oxybenzone (une benzophénone) et l’octinoxate, des molécules anti-UV utilisées dans la majorité des crèmes solaires non bio. Ces perturbateurs endocriniens sont capables, même en infime quantité, de blanchir les coraux avant de les tuer en 48 heures 3. Comment ? Ils s’attaquent à une microalgue, la zooxanthelle, qui vit à l’intérieur des coraux et assure leur développement en leur fournissant différents nutriments. Le manque de ces apports provoque le blanchiment du squelette corallien.

    Même partielle, cette destruction pourrait toucher l’ensemble des écosystèmes marins : les récifs coralliens abritent 25 % des espèces sous-marines (poissons, coquillages, crustacés, algues…) auxquelles ils servent de nid à la ponte et de couveuse. Cette biodiversité permet de réguler naturellement les taux de CO2 et d’oxygène sous l’eau.

    Alors, au printemps 2018, Hawaï devenait le premier État américain à voter l’interdiction de la vente de crèmes solaires contenant des filtres chimiques artificiels. Dès 2021, il sera donc impossible d’y acheter des protections à base d’oxybenzone et d’octinoxate. Une initiative déjà adoptée quelques années plus tôt par certains parcs naturels au bord de la Riviera Maya, au Mexique, qui abrite la plus longue barrière de corail de l’hémisphère nord. Les composants chimiques artificiels sont également soupçonnés de troubler la fertilité chez certains poissons, invertébrés et quelques mammifères marins, dont des variétés de phoques, comme le rapporte le texte de loi 4.

     

    3 Études respectivement publiées en 2008 et 2016.

    4 Texte de la loi relative à la pollution de l’eau, adoptée à Hawaï.

     

    Par Solène Peillard

     

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