Convention citoyenne pour le climat :  » Nos propositions doivent avoir un impact sur toute la France ».

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    Depuis le 4 octobre 2019, 150 citoyens tirés au sort participent à la Convention citoyenne pour le climat. Le temps de six weekends, jusqu’en janvier 2020, ces citoyens représentatifs de la population française travailleront à l’élaboration de propositions pour diminuer d’ici 2030 d’au moins 40 % les émission de gaz à effet de serre. Au fil des sessions, Alexia Fundéré, 22 ans, étudiante en médecine à Montpellier, témoigne de cette expérience inédite. 

    Lire aussi son premier témoignage : « Nous avons une grande envie de faire bouger les choses »

    Vous avez intégré le groupe de travail « se nourrir », au sein de la convention citoyenne. En quoi consiste ce groupe ? Quels sont les problématiques que vous abordez ? 

    Nous avons été une trentaine de personnes à avoir été tiré au sort pour intégrer les groupes [1]. Notre objectif premier est de réduire les émissions de gaz à effet de serre au sein de la problématique « se nourrir ». Si nous sommes issus de tous les horizons de la France, de toute tranche d’âge et de milieux professionnels différents, nous sommes tous amenés à nous nourrir. Mais il faut aujourd’hui qu’à travers toute la chaine alimentaire, nous trouvions des solutions pour qu’à chaque étape nous puissions penser à l’environnement. A travers l’agriculture, l’élevage, la grande distribution et surtout l’importation, nous cherchons des solutions durables à proposer. Nous avons pu interagir avec des experts tels que Sébastien Treyer, directeur  de l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales) pour l’agroécologie, Julien FOSSE, biologiste membre de France Stratégie ou encore Sophie Devienne, ingénieure agronome, membre de l’Académie d’agriculture de France et bien d’autres. Ces derniers nous ont permis d’affiner nos pistes de propositions notamment pour renforcer l’éducation, l’information des consommateurs, pénaliser l’écocide, ou encore aider à développer l’agroécologie par exemple.

    La convention citoyenne a proposé aux personnes des départements d’Outre-mer (DOM) un voyage sur leur territoire pour mieux connaître les situations locales. Vous vous êtes rendue en Guadeloupe, où vous avez grandi. Quels sont les problématiques que vous avez recueillis sur place ?

    En permettant aux citoyens des DOM de partir sur leur territoire, nous avons eu la possibilité de rencontrer et de discuter avec des acteurs majeurs de l’écologie et de l’environnement sur place, mais également de voir et d’observer les freins liés à nos problématiques. Etant géographiquement éloignés, nous avons des contraintes et des solutions propres à nos territoires. En Guadeloupe, j’ai pu discuter avec des acteurs qui s’investissent pour l’environnement notamment des associations comme Clean my island, Gwadecologie, l’entreprise de collecte des déchets R3 Attitude et un élu politique membre des Verts. Les principales problématiques sont liés : au tri des déchets, encore absent ; à la présence de décharges sauvages ; à l’agriculture locale contrainte par la présence de chlordécone, un pesticide dangereux pour la santé et l’environnement longtemps utilisé [2] ; aux habitations qui ne respectent pas les normes environnementales ; au coût des produits locaux et importés ; à la présence trop importante de véhicules individuels et à la circulation trop aléatoires de transports en commun. Il faut plus de campagne de sensibilisation sur la question de l’environnement. Je pense me pencher davantage sur les solutions possibles même si la mise en place et les blocages réels de ces solutions me sont encore peu connus.

    Nicolas Hulot s’est rendu au troisième weekend de la convention qui a eu lieu du 15 au 17 novembre dernier . Qu’avez-vous retenu de cette rencontre ?

    La rencontre avec Nicolas Hulot, ancien Ministre de l’écologie et de la transition énergétique était très attendu puisqu’il s’agit d’un acteur majeur de la question de l’environnement et de la solidarité en France. Nous étions impatients, et personnellement un peu impressionnée. Les choses que j’ai pu retenir sont qu’il existe effectivement de nombreuses solutions pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre en prenant en considération la justice sociale et la crise écologique et climatique. Le plus gros frein est le système économique dans lequel nous sommes déjà embarqués. Donc il faut souligner l’influence des politiques économiques et des lobbies. Il nous a proposé de nous tourner vers des énergies renouvelables, une fiscalité juste, des transports en commun plus propres par exemple. C’était très enrichissant et il est essentiel que nous nous fassions entendre pour que nos propositions aient un impact sur toute la France.

    Quels sont les experts qui vous ont le plus marqué ? Pourquoi ?

    Nous avons en effet fait des « speed dating » avec des experts de nos choix. J’ai ainsi pu rencontrer Marine Calmet, juriste spécialisée sur les droits de la nature et membre de l’association Nature Rights, qui propose de faire des lois pour sanctionner les crimes contre l’environnement avec la notion de limites planétaires. Je souhaiterai que l’on travaille sur l’écocide car c’est une manière de l’aborder. En effet, en Guadeloupe par exemple, le chlordécone est un fléau et ce serait bien qu’il y ait une solution pour que l’on puisse diversifier notre agriculture locale.

    Qu’avez-vous appris durant ces trois premières cessions ?

    C’est vrai qu’il est facile de trouver des solutions, avec l’aide de spécialistes, de scientifiques, de nos recherches, de nos expériences et de notre investissement. Cependant, les blocages et les contraintes sont présents. A travers ces trois premiers weekends, nous avons beaucoup avancé et avons distingué ces freins économiques, politiques et sociétaux. J’ai surtout appris que notre système de vie n’est pas en adéquation avec la protection de notre environnement et qu’il faut y remédier, et vite !

    Quelles sont vos impressions personnelles sur cette convention citoyenne ?

    La première impression qui me vient à l’esprit, est la manière dont le travail et l’investissement des citoyens peuvent changer déjà notre façon de vivre. Nous avons conscience du problème des émissions de gaz à effet de serre et nous voulons vraiment changer les choses. Personnellement, je me dis que demain j’aimerai que l’on vive bien dans un monde propre, où tout le monde s’investit et surtout soit en bonne santé. Donc j’essaie de faire de mon mieux, de porter la voix de mon île et de m’intégrer dans ce projet environnemental et de solidarité.
    Propos recueillis par Sabah Rahmani

    Notes :

    [1] :Les groupes de travail ont été répartis ainsi:

    • Se nourrir (alimentation et agriculture)
    • Se loger (habitat et logement)
    • Travailler et produire (emploi et industrie)
    • Se déplacer (aménagement et transports)
    • Consommer (modes de vies et de consommation).

    [2] : A lire l’article paru dans Le Monde le 25 novembre 2019 :  L’Etat, « premier responsable » du scandale du chlordécone aux Antilles selon la commission d’enquête parlementaire


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