Loin des querelles politiques et de l’ergotage de la plupart des médias pour savoir si Jean-Marc Ayrault devait, ou non, payer la déroute socialiste ou pourquoi François Hollande a choisi Manuel Valls, d’autres événements, d’une autre importance, se déroulent sous nos yeux, ou plutôt, loin de nos yeux.
Extraction de pétrole bitumineux en Alberta (Canada)
D’une part, le climat de notre planète continue à se modifier. Comme le souligne le deuxième volet du rapport du GIEC sorti ce jour, les symptômes sont déjà là : sécheresses, inondations, maladies, migrations, pénuries alimentaires, risques de conflits… Nous nous acheminons ainsi gentiment vers un réchauffement de 2°C et ne désespérons pas de parvenir à 4°C, ce qui aurait des conséquences extrêmement graves [lire l’article de nos confrères du Monde sur le sujet].
Effondrement de la civilisation et disparition de l’humanité
Il y a quinze jours, c’était une autre étude, co-financée par l’un des laboratoires de la Nasa et révélée par le Guardian, qui annonçait « l’effondrement de la civilisation occidentale » dans les prochaines décennies si nous persistons à creuser les inégalités entre riches et pauvres d’une part et à prélever les ressources naturelles à ce rythme de l’autre [lire ici le décryptage de JP Fritz du Nouvel Observateur].
Il a un an et demi c’est « Approaching a state shift in Earth’s biosphere » (publiée en juin 2012 dans la revue Nature) qui envisageait une disparition possible d’une partie de l’humanité entre 2040 et 2100, due à l’effondrement en cascade des écosystèmes qui permettent à l’être humain de vivre sur cette planète [voir le billet d’Audrey Garric du Monde et l’article de Laure Nouhalat de Libération].
Des recommandations pour éviter le pire
Tous ces experts, ne se sont heureusement pas contentés de jouer les Cassandre. Ils ont également fait des recommandations pour éviter le pire. Même si, dans le cas des deux études que je viens de citer – le GIEC faisant preuve d’une réserve toute intergouvernementale – les scientifiques ne sont guère optimistes sur notre capacité à réagir à temps et avec l’ampleur requise.
Pour autant, ils nous encouragent, tous, à redistribuer plus équitablement les richesses (ajuster les niveaux de vie des plus riches sur ceux des plus pauvres), à réduire drastiquement la consommation énergétique en s’orientant vers les sources de production renouvelables, à créer de nouveaux modes d’agriculture, à diminuer radicalement la pression démographique, à concentrer les populations sur les zones enregistrant déjà de fortes densités afin de laisser les autres territoires tenter de retrouver des équilibres naturels, à diversifier l’économie…
Des informations centrales ?
Ces informations devraient être centrales dans nos médias. Elles devraient faire l’objet de décryptages approfondis à la une des rédactions. Et non être reléguées sur les blogs des journalistes (qui font d’ailleurs un remarquable travail avec les moyens qui leurs sont donnés). Elles devraient faire l’objet de toute notre attention, de celle de nos responsables politiques, de nos capitaines d’industrie… Au lieu de cela, nous nous agitons bien souvent autour de querelles dérisoires, d’élucubrations futiles.
Nous connaissons un grand nombre de réponses à ces dangers, qui ont maintes fois été présentées dans ce magazine : l’agroécologie et la permaculture, qui nous permettraient de drastiquement réduire nos émissions de CO2 et de redonner la capacité de se nourrir à des millions de personnes à travers le monde, tout en préservant la biodiversité ; des démarches comme le scénario NégaWatt qui permettrait à la France de s’affranchir des énergies fossiles et nucléaires d’ici 2050 et de réduire de 60% nos dépenses énergétiques (scénario réplicable dans d’autre pays) ; la relocalisation de nos économies, capable de créer des millions d’emplois et de diminuer la concentration de richesses créées par les gigantesques multinationales ; l’éducation à la coopération et à l’écologie… Je pourrais sans fin continuer cette énumération.
Soyons puissants
Oui, je veux bien entendre que ces annonces catastrophistes ne servent à rien. Qu’elles n’ont pas d’autres conséquences que de créer de la peur, du déni et de la résignation tant l’enjeu paraît démesuré face à notre capacité individuelle d’agir. Que notre système est vérolé, que l’être humain ne vaut pas grand chose… Mais je sais aussi que les êtres humains, lorsqu’ils s’unissent autour d’aspirations qui les dépassent, sont capables de se transcender et de déplacer des montagnes.
Comme l’écrivait Marianne Williamson (avec des mots toujours attribués à tort à Nelson Mandela) : « Notre peur la plus profonde n’est pas que nous ne soyons pas à la hauteur. Notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de toutes limites. C’est notre propre lumière et non notre obscurité qui nous effraie le plus. […] Vous restreindre, vivre petit, ne rend pas service au monde. […] En nous libérant de notre propre peur, notre puissance libère automatiquement les autres. »
Soyons donc puissants au delà de toutes limites. Retroussons nos manches pour créer ce monde dans lequel nos enfants pourront toujours vivre demain. Ayons le courage de sortir de notre confort matériel, de nos intérêts politiciens, de notre cynisme protecteur. Soyons les êtres humains que nous méritons d’être.
Par Cyril Dion