Byron Katie propose une voie nouvelle et originale pour cheminer à l’intérieur de soi. Avec Le Travail (The Work en anglais), il est possible selon elle de renouer avec une paix durable. Traduite dans près de 40 langues, sa méthode a déjà fait des millions d’adeptes. Rencontre.
À la suite d’une dépression de plus de 10 ans, vous avez élaboré une méthode originale pour sortir de cet état. Que s’est-il passé ?
En effet, j’avais fait une dépression extrême qui m’empêchait de faire beaucoup de choses au point même que parfois je ne pouvais pas quitter la maison, ni même ma chambre. Puis un jour, en une matinée tout a changé. Alors que je dormais par terre – parce que je ne pensais même pas mériter de dormir dans un lit – un cafard est passé sur mon pied et je me suis réveillée. À cet instant je n’étais pas dans l’identification et j’ai vu comment le monde était créé : mon monde était créé à partir de mes pensées. C’est là que j’ai compris qu’en réalité je ne faisais que croire mes pensées, des pensées toujours liées au passé et à l’avenir qui m’empêchaient de vivre ma vie.
J’ai vu alors en un instant que lorsque je croyais mes pensées je souffrais et que lorsque je n’y croyais plus et que je ne m’identifiais plus à elles, je ne souffrais pas. J’étais frappée de voir à quel point c’était remarquablement simple. J’ai alors éclaté de rire, comme si le rire était la seule chose au monde, comme si en un instant, j’avais découvert le secret de l’univers. C’est là que le Travail (The Work) est né.
En quoi consiste cette méthode ?
En apprenant à me remettre en question tous les jours, j’ai pu élaborer quatre interrogations de base applicables à toute situation qui me préoccupe, qui génère de la souffrance ou de la colère :
1 – Est-ce vrai ?
2 – Puis-je être absolument certain-e que c’est vrai ?
3 – Quelle réaction suscite en moi cette pensée ?
4 – Qui serais-je sans cette pensée ?
Lorsque les gens se recueillent dans ces questions, ils commencent à comprendre la source et la cause de leur souffrance, et comment ils la créent eux-mêmes. Le Travail est une investigation et une méditation sous forme de retournement envers soi, une manière d’examiner nos pensées avec scepticisme pour trouver ses propres réponses et accéder à sa propre sagesse.
Ces retournements sur soi nous aident-t-ils à nous mettre à la place de l’autre sans juger ?
Prenons un exemple simple : une personne me blesse en me disant que je suis moche. Au moment où elle me dit cela, qu’est-ce que je pense d’elle et de moi ? Si je remets cela en question, je deviens le témoin de comment je réagis quand je crois ma pensée. Ainsi, lorsque je retourne la pensée sur moi-même, le « il me blesse » devient « c’est moi qui me blesse ». Peut-être qu’il m’a blessé ou non, mais est-ce que je me suis blessé moi quand j’ai cru cette pensée ? Le Travail est une voie de contemplation des situations qui nous viennent à l’esprit dans notre vie de tous les jours.
Comment se vit un tel processus ?
Ces retournements vivent à l’intérieur de nous comme des questions. On devient alors très sensible à la manière dont on se fait mal à soi-même et aux autres dans notre vie.
Mais ces retournements ne sont pas à prendre comme acquis. On peut toujours les contempler, s’y recueillir. Ce n’est pas une solution rapide et facile. Il faut absolument que nos réponses soient authentiques à nos propres yeux pour que le processus amène à une forme de joie.
Est-ce efficace pour tout le monde ?
Le Travail aura l’effet correspondant à ce que la personne est capable de recevoir. Une fois que le mental est ouvert à l’investigation, celle-ci s’approfondit de plus en plus. C’est une pratique de questionnement qui nous montre ce que l’on n’a pas vu jusqu’à présent. Car en croyant mes pensées je rate beaucoup de choses. D’où la nécessité de les remettre en question.
Comment savoir si le Travail a porté ses fruits ?
Admettons qu’une personne m’ait blessée et que je ne veuille plus jamais qu’elle me blesse. Une fois que j’ai remis en question ce que je crois à son sujet, et que j’ai profondément médité sur une question, je peux dire honnêtement que je me réjouis qu’elle me blesse de nouveau car je suis prête à revivre la situation sans que cela me touche. Mais si elle me blesse à nouveau cela me montre qu’il me reste du travail à faire.
Pourtant certaines situations peuvent être violentes…
En effet, mais je crois que cette violence sert aussi le Travail. Lorsque quelque chose de violent se présente à moi, je ne vais pas le nier, même si cela m’empêche souvent de faire ce que je peux pour y remédier. Car lorsque je crois en mes pensées au sujet de la violence, j’ai trop peur. Or on n’est pas au top de notre forme quand on est plein de peur. Par contre si je ne crois pas mes pensées, le mental devient clair. Et là, si je remets profondément en question la situation, je me libère.
Le Travail nous aide-t-il à nous libérer de nos peurs ?
Absolument, si on se recueille vraiment dans les questions, cela fonctionne pour toutes les personnes dont le mental est ouvert à cela. Mais je ne vois pas comment cela pourrait aider qui que ce soit, si la personne ne répond pas aux questions. Car sans les questions, je reste avec mon ancienne manière de penser, alors qu’en répondant aux questions je suis capable de vivre dans ce monde sans dépression.
Dans vos livres vous parlez aussi de la place de la bienveillance et du pardon. Pourquoi est-ce important dans le processus du Travail ?
C’est quelque chose qui a guéri ma vie entière et qui a changé des choses en moi en tant qu’être humain. C’est une manière de trouver la paix en nous-mêmes qui rend service à toutes les personnes autour de nous. La paix rend plus service dans le monde que le sentiment d’être blessé. Car, lorsqu’on blesse un autre être humain, cela nous laisse dans un état de culpabilité. Et avec cet état de culpabilité l’ego arrive à s’établir de manière à prendre une grande place et à s’identifier au « moi ».
Cette méthode permet-elle de passer à l’action pour trouver des solutions ?
Je pense que c’est ce que nous ferions tous si nous avions un mental clair et simple, et en plus nous aiderions notre prochain. Sans y mettre du moi, sans penser à soi.
Cette mise à distance, ce recul sur soi est-il plus simple à faire seul ou accompagné d’un facilitateur ?
Les gens peuvent se recueillir seuls dans ce processus de réflexion intérieure : les instructions figurent sur le site www.thework.com [le site existe aussi en français] ou dans tous mes livres. Nous avons de nombreux facilitateurs francophones, disponibles bénévolement pour soutenir les gens dans leur Travail. Cette méthode, c’est un petit peu comme du vélo : c’est un peu difficile d’en faire au début pour certaines personnes, mais les facilitateurs certifiés peuvent les soutenir et leur montrer comment faire du vélo. C’est un processus merveilleux, et j’invite vraiment toute personne qui a déjà tout essayé de le faire. Car le Travail est l’un des chemins que l’on peut suivre pour mettre fin à la souffrance.
Propos recueillis par Sabah Rahmani
Pour aller plus loin
www.thework.com
www.byronkatie.com
Il me semble y retrouver une certaine analogie avec le processus de filtrage de « l’information » dont nous fait part Socrate avec son « teste des 3 passoires ».
Au final se que nous recevons est il bon pour nous?