Trente ans après la formation des premiers élèves de Pierre Rabhi au Burkina Faso, la relève agroécologique se déploie en Afrique de l’Ouest. L’APAD (Association pour la Promotion de l’Agriculture Durable) en fait partie : en 2013, elle a accompagné plus de 500 paysans vers la reconquête de leur autonomie.
Les grandes sécheresses des années 1970 ont causé l’effondrement des rendements céréaliers en Afrique de l’Ouest. Dans la région du Sanguié, les populations se sont alors tournées vers le maraîchage, à la fois comme complément vivrier et comme source de revenus. Mais l’essor de ces cultures s’est bâti sur la chimie, entraînant une dégradation accrue des terres et une malnutrition grandissante.
En 2011, Sam Tokoro Bacye, habitant de la région, se trouve devant un choix à faire : poursuivre le concours d’instituteur ou rejoindre une formation d’animateurs en agroécologie. Il opte pour cette seconde option et part approfondir ses compétences auprès de praticiens expérimentés du Mali et du Burkina.
« J’avais reçu une première initiation à l’agroécologie en 2008 par Sylvain Korogo, l’un des premiers élèves de Pierre Rabhi. Cela m’avait tout de suite passionné. Au fil des ans, c’est devenu une vocation pour moi de démontrer que l’on peut produire sans détruire, manger sans tomber malade et répondre à nos besoins vitaux sans dépendre de personne. »
En 2012, Sam décide ainsi de se mobiliser dans sa région. Avec l’aide d’amis paysans, il crée, dans leur village de Toega, l’APAD. « Dans le temps, nos parents savaient très bien cultiver sans chimie. Aujourd’hui, quand le paysan n’a pas l’argent pour acheter son sac d’engrais, il ne va même pas au champ. La chimie est partout et tout le pays en est dépendant. La nuit, les odeurs de pesticides sont parfois si fortes qu’elles empêchent de dormir ! »
Démontrer pour convaincre
En avril 2013, les paysans du village lèguent à l’APAD un terrain sur lequel l’association va aménager une ferme-école. Cet hectare de terre pauvre et sablonneuse, dégradée par les intrants et l’érosion, apparaît aux yeux de Sam comme idéal pour démontrer la pertinence de l’agroécologie. Il organise le lieu avec rigueur en le divisant en plusieurs zones : compostage, élevage, démonstration des techniques zaï et demi-lune, cultures maraîchères diversifiées, pépinière de plus de 10 000 plants, parcelle d’agroforesterie et deux cases d’hébergement pour l’accueil des stagiaires et visiteurs.
« La première chose que nous avons entreprise est le compost. Nous montons nos tas avec tout ce que nous pouvons ramasser sur le bord des chemins : plumes, branchages, épluchures, coquilles, paille, os, etc. Le seul handicap est le fumier qui est difficile à trouver. Nous essayons de le troquer avec des paysans voisins contre de l’aide pour monter leurs propres tas de compost. Parfois nous sommes contraints d’en acheter, ce qui reste tout de même bien plus économique que l’engrais et crée du travail pour ceux qui vont le collecter. »
Le deuxième pas a consisté en l’achat de semences paysannes reproductibles auprès de ses confrères du nord du Mali. Révolté par les graines hybrides dégénérescentes qui ont envahi l’Afrique ces dernières années et qui obligent les paysans à en racheter chaque année, Sam espère pouvoir créer une banque de semences traditionnelles.
« Si tu acquiers de bonnes semences reproductibles, tu n’as plus qu’à les multiplier par toi-même pour sortir de la dépendance. Ainsi, quand tu les as une fois, tu les as pour toujours ! »
Former pour essaimer
Avec l’aide de trois autres animateurs, Sam parcourt les villages environnants pour présenter l’agroécologie comme un chemin vers l’autonomie. En deux ans, les résultats obtenus sur la ferme sont probants et les fosses à compost se multiplient chez les paysans voisins. Çà et là, on commence également à apercevoir des jardins qui se diversifient, les monocultures d’oignons laissant la place aux associations et rotations de cultures.
« Au début, seuls trois ou quatre curieux se réunissaient autour de nous pour écouter nos palabres. Aujourd’hui nous sommes sollicités par des groupes de vingt ou trente paysans. Les savoirs ancestraux se sont perdus et ils n’avaient jamais entendu dire qu’on pouvait redonner vie au sol et relancer sa fertilité avec des moyens biologiques et gratuits. Quand ils voient que ça marche, que nos légumes sont beaux, gros et sains, ils s’engagent ! »
En 2013, l’APAD a ainsi initié 594 paysans aux pratiques agroécologiques. Les suivis post formation réalisés ont permis d’évaluer que plus de la moitié des paysans formés ont mis en pratique, au moins en partie, les savoir-faire transmis.
Pour Marie Gabeloux, coordinatrice des programmes de Terre & Humanisme en Afrique de l’Ouest, le projet de l’APAD est prometteur : « Le point fort de ce projet est qu’il est porté par des jeunes locaux, motivés et compétents. Ils prouvent avec leurs propres moyens qu’une alternative durable est possible sur leur territoire. Dans un élan de solidarité Sud-Sud, ils essaiment avec efficacité le message et la pratique autour d’eux, de paysans à paysans. »
Par Claire Eggermont
Photos Mikaël Doulson Alberca
Lire aussi : L’agroécologie pour éviter les pesticides
Lire aussi : Le monastère qui pratiquait l’agroécologie
Bonsoir ,
je vous encourage à aller de l’avant car vous avez pris un bon chemin.
j’ai été formé en 1982-1983 par Monsieur Pièrre Rabhi.
J’ai formé bcp de paysans pour l’utilisation des composts et de fumures organique et ne jamais utilisé les engrais chimique.
Je vous prie Monsieur de continuer afin de sensibiliser les paysannes et paysans a travaillé pour une agriculture sans engrais chimique et pesticide
Bonsoir,
Je trouve l’idée de l’APAD excellente. Elle informe les gens de ce qui se passe dans les différents pays ou dans leurs assiettes.
Continuez d’en parler et peut-être qu’un jour, les gens prendront conscience de ce qu’ils achètent ou de ce qu’ils mangent (pas tous évidemment, certains en prennent déjà conscience !).