Connaissez-vous la définition du mot « épiphanie » ?
« Bien sûr ! Cette fête religieuse est une tradition séculaire, nous répondrez-vous. L’Épiphanie, c’est le jour des Rois, la fête de l’Église qui célèbre la manifestation de Jésus aux Mages (fixée au 6 janvier ou au dimanche qui suit le 1er janvier). »
Vous avez raison, c’est une bonne définition.
Mais savez-vous qu’avec une minuscule, au sens littéraire, figuré, l’épiphanie désigne aussi une prise de conscience soudaine ?
Prenons deux exemples.
Quand les astronautes regardent la Terre depuis la stratosphère, ils prennent conscience de sa fragilité. Les paroles de l’astronaute Ron Garan résument bien cette épiphanie : « Quand nous regardons la Terre de l’espace, nous voyons une planète incroyablement belle. Elle ressemble à un organisme vivant, qui respire. Mais semble en même temps très fragile. » Cette prise de conscience astrale a même participé à la création, en 2008, du think tank (laboratoire d’idées) Overview Institute, « consacré à l’idée que voir la Terre de l’espace provoque une sorte d’épiphanie spirituelle qui change la perspective sur l’humanité pour toujours ».
Autre type d’épiphanie : en 2006, le président Chirac prend conscience lors de la projection privée du film Indigènes, en présence de Jamel Debbouze et Rachid Bouchareb, de l’iniquité de traitement des anciens combattants coloniaux. Ému, comme Bernadette – qui lui aurait soufflé : « Jacques, il faut faire quelque chose ! » –, il décide aussitôt d’aligner les pensions (retraite ou invalidité) de ces anciens combattants sur celles de leurs homologues français à l’époque des combats. Il n’était pas sans ignorer ces inégalités – lors de la campagne présidentielle de 1995, il avait déjà promis de régler les choses –, mais il n’en avait pas pleinement conscience. C’est le film qui a tout changé.
La Terre, un président… Synthétisons les deux.
Et si, pour 2023, on souhaitait à notre président Macron de vivre, lui aussi, une épiphanie, que l’écologie soit enfin au cœur de son mandat ? Car, lorsqu’il déclare, le 31 décembre 2022, à l’occasion de ses vœux, « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? » – un discours écrit, lu, relu et rerelu… –, on a comme un gros doute sur sa conscience réelle du dérèglement climatique. Ce n’est pas « une maladresse », c’est un flagrant manque d’acuité.
Peut-être pourrait-on demander à Elon Musk de l’envoyer en l’air pour que, tel un astronaute, il revienne les idées claires une fois les pieds sur Terre ?
Le bilan carbone en vaut-il la chandelle ? Peut-être !
Mais, en vrai, on préfère se souhaiter une épiphanie générale. Que chacun·e ait sa prise de conscience !
« Eh oh ! Kaizen, si on vous lit, vous suit, c’est que nous sommes conscients de la crise écologique ! »
Oui, on sait.
Mais toutes et tous, nous y compris, ne sommes pas conscient·es de certaines choses – choses qu’on on ne peut pas nommer tant que nous n’en sommes pas conscients (C.Q.F.D.)
Par exemple, avant de publier notre hors-série sur le féminin, Pascal, notre rédac’ chef, n’avait pas conscience des stéréotypes masculins qu’il véhiculait. Il disait, par exemple, à sa fille en observant une grue de chantier : « Tu as vu comme le grutier est haut ? » Associant de fait ce métier au genre masculin, et privant par la même sa fille du rêve de devenir grutière !
La force des habitudes et des stéréotypes, ancrée dans un inconscient collectif qui s’immisce dans nos manières de voir et d’agir dans le monde, se fait souvent à notre insu. Et le savoir ne suffit pas toujours à changer de regard ou de comportement. Le ressentir non plus.
L’augmentation des températures éprouvée ces derniers mois suffira-t-elle, par exemple, à modifier profondément les feuilles de route des gouvernements et des entreprises, à transformer les actions collectives et individuelles, pour incarner des épiphanies ?
Alors, en 2023, souhaitons-nous des épiphanies concrètes, pour réveiller le meilleur de nous-mêmes en rendant hommage à celle qui nous a donné naissance, nous abrite, nous nourrit, nous soigne, nous fait vivre : la Terre.
Belle année à toutes et tous, magique et lumineuse !
La rédaction de Kaizen