Vin classique, bio, biodynamique, naturel… Les appellations foisonnent dans les caves et sur nos tables, jusqu’à brouiller les pistes. À quel point le vin est-il écolo ? Quelles différences entre le vin bio, biodynamique et naturel ? Pour répondre à ces questions, Kaizen est allé prendre le vert à la Ferme de la Sansonnière en Anjou, pionnière en biodynamie et adepte des méthodes naturelles. Rencontre avec Mark Angeli, vigneron inspiré et engagé.
Les bras chargés de pieux en bois et d’une masse, Mark Angeli sillonne les allées de son vignoble, l’air grave. Entre les chaufferettes installées dans la nuit pour parer les gelées, Mark inspecte les vignes qu’il faut couper, regreffer. Installé depuis 27 ans au cœur de l’Anjou, à une trentaine de kilomètres au sud d’Angers, Mark est un vigneron biodynamiste. Le principe ? Favoriser la biodiversité en respectant les cycles naturels du vivant (végétal, animal et humain) et l’influence des rythmes cosmiques (lune, soleil, planètes). Convaincu par cette philosophie, le vigneron cultive ses sept hectares de vignes et produit 20 000 bouteilles par an selon les procédés les plus naturels possibles.
Genoux à terre, Mark ausculte ses vignes, gratte le sol pour mettre à jour les racines saines, plante les pieux préparés pour les greffes. Ici, tout est fait à la main, sans aucun intrant chimique. C’est le cas pour près de 10 % des viticulteurs français qui se sont convertis à la culture biologique. Mais lui va plus loin. Il a choisi d’appliquer les remèdes ancestraux tout droit sortis du grimoire de la biodynamie. Pour favoriser la vie du sol, il répand de la bouse de corne (résultat de la maturation de bouse de vache dans une corne de vache enterrée durant l’hiver). Pour aider la croissance et la résistance des plantes, il pulvérise du silice de corne (obtenu après maturation de poudre de silice dans une corne de vache pendant l’été). Et pour éviter l’apparition du mildiou et de l’oïdium, les deux principales maladies de la vigne, il applique huiles essentielles et cuivre. Sans oublier l’influence du calendrier cosmique : les plantations se font lors d’une lune descendante car la force de gravité qui opère aide les plantes à former leurs racines. Mais, dans la biodynamie, « il n’y a pas de dogme, chacun fait comme il veut », explique Mark. Il existe bien un label biodynamique, Demeter, auquel il est affilié, ainsi qu’un contrôle pour ce type de pratiques, mais pour le vigneron angevin, la problématique est plus large : « Il faut ressentir si tel traitement est bon ou pas. Le but c’est que les paysans redeviennent responsables et autonomes. »
Sobriété et éthique
Pour ce maçon de formation, la culture en biodynamie, « ce n’est pas une conviction, c’est une évidence. On tient compte des conséquences de ce qu’on fait pour les générations à venir et pour la planète. » Ce mode de production séduit de plus en plus d’agriculteurs (plus de 500 en 2016), conscients des limites de l’agriculture traditionnelle, notamment viticole. Cette dernière concentre aujourd’hui 20 % des pesticides utilisés en France (INRA, 2013) pour 3 % de la surface agricole. Dans une étude Que Choisir de 2013, tous les vins analysés contenaient des pesticides, avec un niveau moyen 300 fois plus élevé que l’eau potable. Sans compter la soixantaine d’additifs, pour la plupart chimiques, ajoutés lors du processus du vinification.
Mark s’engouffre dans son pick-up 4×4 pour aller inspecter une nouvelle parcelle. « Au début c’était difficile socialement, j’étais le mouton noir. » Avec Nicolas Serrant, autre vigneron installé dans les environs, ils ont été les deux seuls de la région à faire de la biodynamie jusqu’en 1997. « Maintenant, c’est la mode. » La production viticole certifié AB (Agriculture Biologique) en Anjou a été multipliée par cinq depuis 2010. Ce phénomène, Mark l’encourage en aidant de jeunes vignerons à s’installer dans la région par des journées « partage d’expérience ». Adepte de la sobriété, il les incite à démarrer avec de petites parcelles, mais qui soient rentables. Lui-même gagne 2000 € net par mois, et ça lui suffit. Depuis 20 ans, il a facilité l’implantation d’une trentaine de viticulteurs, tous en bio évidemment. Et l’engagement de Mark ne s’arrête pas là. Écoulant tous les ans la totalité de sa production lors du salon du vin à Angers, il peut se permettre d’imposer ses conditions aux restaurateurs et cavistes : pour pouvoir distribuer son vin, ces derniers doivent adhérer à une banque éthique (Crédit Coopératif ou Nef). « Pour moi, ça fait partie de la biodynamie », conclut le paysan, aussi engagé à l’international pour la reforestation à Madagascar.
Libérer le vin
Direction le chai, situé en plein cœur de la ferme. Dans la pièce sombre et fraîche, une quinzaine de tonneaux de bois sont alignés. Mark remplit plusieurs verres d’un liquide jaune et lumineux. À la dégustation, ce vin naturel est très fruité, pur, cristallin. « Un chenin sans soufre, précise-t-il. Le soufre, ça durcit le vin, ça le bride. Sans soufre, le vin est plus libre ». Son utilisation est pourtant très répandue dans le métier pour éviter que le vin ne s’oxyde lors de la vinification. Or, à des doses souvent élevées pour les vins traditionnels, ce produit toxique peut altérer le goût du vin et provoquer des maux de tête. Mark tente, « par saut de puce », d’en mettre le moins possible, en-deçà des limites (pourtant faibles) préconisées par la biodynamie. Même si c’est « un pari risqué », avoue-t-il, les vins sans soufre étant plus instables. Pour pallier ces aléas, il remplit les tonneaux à petites doses toutes les deux semaines. Aujourd’hui, le vigneron angevin parvient à produire la moitié de ses vins sans soufre.
Dans la salle attenante, l’imposant pressoir à vin côtoie les cartons de bouteilles prêts à l’export. Sur chaque bouteille est apposé l’emblème du domaine : un écusson mauve surmonté d’une licorne. « Vous connaissez la légende de la licorne ? » lance Mark dans un sourire. Une créature qui, par sa corne, purifie l’eau empoisonnée. Un symbole plein de sens pour cet alchimiste des temps modernes qui garde les pieds sur terre. Pour lui, comme le disait Jean Monnet : « Ce qui est important ce n’est ni d’être optimiste, ni pessimiste, mais d’être déterminé. »
La biodynamie : une démarche agricole et philosophique
« L’agriculture biodynamique est une agriculture assurant la santé du sol et des plantes pour procurer une alimentation saine aux animaux et aux Hommes. Elle se base sur une profonde compréhension des lois du « vivant » acquise par une vision qualitative/globale de la nature. Elle considère que la nature est actuellement tellement dégradée qu’elle n’est plus capable de se guérir elle-même et qu’il est nécessaire de redonner au sol sa vitalité féconde indispensable à la santé des plantes, des animaux et des Hommes grâce à des procédés thérapeutiques ». Jean-Michel Florin, coordinateur du MABD (Mouvement de l’Agriculture Bio-Dynamique)
Théorisée par le philosophe et scientifique autrichien Rudolf Steiner en 1924, la biodynamie constitue une véritable philosophie qui préconise l’utilisation de préparations spécifiques (bouse de corne, silice de corne, compost…) et prend en compte les influences des rythmes cosmiques (lune, soleil, planètes) sur l’écosystème.
Texte et photos : Marine Samzun Suivre @MarineSamz1
Lire aussi : Du vin bio au fil de l’eau
Lire aussi : Demain, quelle agriculture ?
Je suis profondément respectueux de tous ceux qui prennent soin de la terre et pourquoi pas en mettant en œuvre des méthodes biodynamiques. D’ici à qualifier Steiner de scientifique me semble aller un peu vite. Je vous invite à lire son livre « fondements spirituels de la méthode biodynamique » lui même n’emploie pas le mot « scientifique » mais « spirituel ». A lire l’ouvrage on comprend pourquoi.
C’est l’avenir du vin encore fait il accepter de prendre des risques.
en fait de « spirituel » c’est de la pure magie ésotérique !