Lancée en 2011 et confortée par la maire en 2014, la démarche éco-responsable de la caisse des écoles permet aujourd’hui d’approvisionner désormais 14 cantines. Toutes les écoles élémentaires publiques de l’arrondissement sont passé à plus 70 % de l’alimentation en Bio, tout en développant circuit court et mesures pour réduire les déchets et le gaspillage alimentaire. Reportage.
C’est le jour de la rentrée, et en cette fin du repas, les assiettes sont quasiment vides à l’école élémentaire Pierre Brossolette, dans le 5e arrondissement de Paris. Les enfants semblent avoir bien apprécié le menu 100 % bio, composé d’un gaspacho de tomates, d’araignée de bœuf, de frites, d’un morceau de fromage et d’une compote de fruits. Lorsqu’on demande à Anouk, 9 ans, ce qu’est l’agriculture biologique, elle a sa petite idée : « C’est quand il n’y a pas de pesticides, qui ne sont pas bons pour nous et pour les plantes !»
Une fois le repas terminé, les enfants rangent consciencieusement leurs plateaux. Des plateaux illustrés de fruits et de légumes de saison, en écho à l’approvisionnement en circuit court qui respecte la saisonnalité. « Ces plateaux en matériaux recyclés ludiques et didactiques sont aussi une manière de faire de la pédagogie aux élèves qui peuvent échanger par la suite », explique Florence Berthout, maire du 5e, qui a renforcé, en 2014, la démarche éco-responsable lancée en 2011, dans 14 cantines de l’arrondissement.
Une sensibilisation des enfants renforcée tous les ans à l’occasion de la semaine du goût nationale en octobre. Dans le cadre de cette dernière, la caisse des écoles du 5e organise sur trois jours à la mairie une série d’animations. Epices, fruits, fromages, pains issus de divers sortes de céréales, etc., les thèmes abordés ont toujours vocation à porter un nouveau regard sur l’alimentation. « On va montrer aux enfants qu’un yaourt à la fraise a, en réalité, la même couleur qu’un à la poire. Ils apprennent ainsi que le colorant change juste la couleur et non pas le goût qui est aussi bon », explique Medhi Fares, chargé du personnel à la caisse des écoles du 5e.
Le pourcentage du bio dans les cantines du 5e a débuté à 20% en 2011 et se situe actuellement aux alentours de 70%. Le poisson lui est fournit par une pêche durable dans le Finistère, et la volaille en partie issue du Label Rouge. Les circuits court sont privilégiés afin d’éviter le bio importé par avion. Yaourt, fromage blanc, camembert et tomme proviennent de Normandie ou du Perche. Le filet, rôti ou sauté de bœuf, provient quant à lui du Limousin ou d’Auvergne. « Toutes les parties de la bête achetée à l’éleveur sont utilisées et partent en cuisine selon un processus de découpe pour mettre au menu des pièces plus nobles », atteste le directeur de la caisse des écoles, Jean-Marc Le Guernic. Assurée par une nutritionniste, les menus équilibrés intègrent désormais un ou deux repas végétariens dans la semaine. Quant au sucre, «le taux de contenu dans nos produits laitiers est très faible, jusqu’à moins de 7 %, largement inférieurs à ceux que vous pouvez trouver chez les grandes marques…», affirme Medhi Fares.
Le pain bio, légèrement moins blanc que le pain industriel de la restauration collective, est livré lui tous les matins par un boulanger du quartier. Une démarche qui n’a pas été des plus aisées selon Jean Marc Le Guernic : « C’est un secteur qui rapporte beaucoup d’argent. La plupart des boulangers sont d’accord pour livrer 200 baguettes à 7 h du matin, mais nous ajoutons comme condition, un prix de collectivité. Nous avons leur expliquer qu’économiquement, c’est intéressant. Et ça l’est, car le chiffre d’affaire s’élève entre 70 000 € et 80 000 € avec des artisans qui font au minimum 50 % de marge officielle.»
Pas plus cher
Les repas sont cuisinés sur place. Ici, pas d’emballages ou de petits pots en carton sur les plateaux. « Les yaourts arrivent en sceau de 5 kg », explique Marilyn Bessague, cheffe de cantine de l’école Pierre Brossolette, qui approuve cette démarche.L’implication du personnel est nécessaire puisque les cantinières au lieu de poser un yaourt sur un plateau se voient rajouter un geste de plus : remplir les ramequins et les laver. « 3 000 petits pots de yaourt même en verre seraient difficiles à récupérer et recycler », reconnaît Isabelle Broche, fournisseur de produits en circuit bio du 5e.
Outre la suppression des emballages, l’adaptation au contenu limite la surnutrition ou le gaspillage alimentaire comme l’explique Medhi Fares : « L’industrie produit des yaourts dans des pots de 125 grammes alors qu’un maternel, selon les besoins nutritionnels, n’en a besoin que de 30 grammes. On adapte ainsi les portions en fonction de l’âge ». Un point notable dans une époque où un établissement scolaire jette en moyenne 44 kilos de nourriture par repas.
« Des produits d’excellente qualité dans des portions équilibrées coûtent finalement moins cher au travers d’une logistique bien travaillée. Le coût alimentaire du repas est de 1,90€, hors amortissement et goûter 100% bio inclus, soit un prix équivalent à celui de la moyenne basse de Paris », atteste Jean Marc Le Guernic. La démarche n’affecte donc pas le coût du repas pour les parents, qui varie entre 0.13 € à environ 7 € en fonction du quotient familial. « Le coût moyen payé par les parents dans l’arrondissement du 5e est d’environ 4 € », ajoute Medhi Fares. « Potentiellement, le bio va coûter plus cher et entraîner une organisation plus compliquée. D’où la nécessité d’une cuisine sur place. reconnaît la maire. Adaptabilité et maîtrise de l’approvisionnement de la filière bio sont donc les nerfs de la guerre ! »,
Le 5e arrondissement sert environ 3 400 repas par jour parmi les 150 000 quotidiens dans la capitale. Le projet de fusion des 20 caisses des écoles, lancé en 2016, aurait pu supprimer les circuits courts et l’avancée biologique de la mairie du 5e. Mais la réforme a finalement été abandonnée par la ville de Paris.
Afin de sauver le modèle, des parents d’élèves se sont mobilisés aux côtés de la caisse des écoles du 5e, comme Amélie Fabot, présidente de l’association Sauve ma cantine. Cette dernière milite pour une alimentation aussi saine et qualitative à la maison qu’à la cantine, parce que c’est un facteur décisif sur le sommeil, la santé et l’attitude des écoliers : « Un enfant qui mange mal à midi va se gaver de sucre au goûter et va être décalé pour le repas du soir. Il va mal dormir et être agressif. J’aimerais qu’on ouvre cette démarche eco-responsable dans la restauration des écoles privées et des hôpitaux du 5e, mais aussi dans d’autres communes. Les municipalités doivent prendre cela en charge ! », revendique la maman d’élève.
Création et consolidation d’emploi
Une fois dans l’année, des rencontres sont organisées entre les enfants des écoles et les producteurs, auxquelles peuvent assister les parents d’élèves, pour renforcer la sensibilisation. L’achat direct à des producteurs régionaux a d’ailleurs permis de créer neuf emplois et d’en consolider dix dans les régions des fournisseurs, tels que la Picardie, la Normandie ou le Perche, selon la mairie du 5e.
Isabelle Broche, a commencé à travailler avec des organisations de producteurs (OP) pour leur permettre de maintenir leur exploitation : « Je suis partie d’un prix rémunérateur pour eux. Non pas en leur imposant un prix mais en leur demandant quels tarifs les feraient vivre. Cela tout en réduisant les coûts de logistique et d’emballage afin de rendre un produit adapté à la collectivité. Tout est une question de volonté des politiques et des petits producteurs. »
La fromagerie biologique de Stéphanie Conrad fournit quant à elle yaourts, fromage blanc, camemberts AOP et autres desserts lactés à la cantine du 5e depuis 2011. Raviver des collectivités permet de développer sa production selon la fromagère du Perche : « On achète des matières premières en plus gros volume, ce qui nous revient moins cher. Nous avons dû également mieux nous équiper pour répondre la demande. »
Pour atteindre 95 % de produits bio dans les cantines, la mairie du 5e va conclure un partenariat avec le lycée agricole Bougainville, en Seine-et-Marne. Sa légumerie bio approvisionnera principalement la caisse des écoles de l’arrondissement à partir de la rentrée 2020.
Selon Isabelle Broche, la matière serait insuffisante pour nourrir toutes les collectivités de France en 100 % bio et local. « Mais toutes les cantines peuvent, dans une certaine proportion, commencer par s’approvisionner chez un arboriculteur », argumente-t-elle.
En 2018, la part des produits bio représentait 3 % en valeur au sein de la restauration collective. 79 % des établissements de la restauration scolaire proposent du bio selon l’Agence BIO. En 2022, les cantines scolaires devront proposer 50 % de produits durable dont 20 % de bio sous la loi Egalim.
Par Louna Boulay
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