Dans le Sud du Bénin, entre océan et lagune, l’association Eco-Benin aide les populations locales à préserver leurs moyens de subsistance traditionnels en replantant la mangrove, mais aussi à en créer de nouveaux en développant l’écotourisme.
En habit traditionnel, pianotant sur son ordinateur portable devant l’écolodge d’Avlo-plage, une étroite bande de terre béninoise pénétrant dans le Togo, entre la lagune et le golfe de Guinée, Is Deen Akambi résume bien l’esprit de l’association Eco-Benin, dont il est le chargé de programme pour le Sud du Bénin. L’ONG met en place des actions locales, par et pour les habitants, mais affiche une ambition globale, intégrant protection de l’environnement et lutte contre le changement climatique. Alors qu’il a participé à la préparation de la COP21 avec le Réseau climat & développement, cet ingénieur en environnement coordonne désormais sur le terrain la restauration de la mangrove, la mise en place d’activités écotouristiques et la création d’une réserve de biosphère transfrontalière entre le Bénin et le Togo.
À Nicoué-Condji, un village de 1 000 habitants au bord d’un bras du fleuve Mono – qui trace la frontière entre Bénin et Togo –, Élisabeth Vlavo, la cheffe du village, est ravie des opérations menées par l’association. Elle présente avec fierté la pépinière de 5 000 plants de palétuviers rouges [1] gérés par les habitants, qui seront utilisés pour replanter la mangrove, et d’acacias à croissance rapide, qui donneront un bois de chauffe ne mettant pas en péril l’écosystème.
On peut observer des zones replantées dans le village d’Avlo, dont les 1 200 habitants sont répartis entre le fleuve et la plage. « La restauration de la mangrove a démarré en 2008, sur le lac Ahémé [connecté à la lagune, un peu plus au nord], raconte Is Deen Akambi. Avant, les pêcheurs coupaient les palétuviers pour fabriquer des acadja [des parcs à poissons en branchages], cuisiner, fumer le poisson ou faire le sel, ce qui commençait à poser des problèmes. » Le village d’Hakoué, sur la lagune, en a fait la triste expérience : faute de mangrove pour stabiliser le sol, des habitations ont été emportées par une inondation… Dans la zone nord du lac Ahémé, l’érosion des sols des bassins-versants et l’éboulement des berges a déjà entraîné une perte de fertilité des sols, la disparition de plusieurs espèces de poissons et une diminution sans précédent de la production halieutique, ce qui entraîne des difficultés économiques pour une population constituée essentiellement de pêcheurs.
Rendre les communautés locales actrices
La première étape du travail d’Eco-Benin a été de convaincre les habitants de l’intérêt de protéger leur mangrove, en organisant des réunions d’information et de sensibilisation dans les villages et en utilisant de grandes affiches explicatives – 80 % de la population de cette région étant analphabète. Ensuite, ils ont identifié ensemble les zones à replanter. Des villageois – pêcheurs ou agriculteurs – ont été formés par l’association afin de s’approprier l’action et de devenir autonomes dans sa réalisation. Cent quarante-cinq d’entre eux maîtrisent désormais les techniques de pépinières, de plantation et d’entretien de la mangrove dans le Sud-Ouest du Bénin. En 2014, 44 hectares de mangrove et 15 hectares de bois de feu ont pu être replantés, avec le soutien financier de l’association GoodPlanet, s’ajoutant aux 23 hectares de mangrove replantés entre 2010 et 2012 dans la région du lac Ahémé. Véritables puits de carbone, les mangroves ont une capacité de stockage du CO2 plus importante que celle des forêts.
Au fil du temps, l’association a pris conscience de l’utilité d’invoquer les coutumes locales pour renforcer son message : elle s’appuie ainsi sur des traditions ancestrales pour rappeler qu’il ne faut pas pêcher ou couper du bois à tel ou tel endroit.
Développement de l’écotourisme
Pour agir à une échelle plus large, Eco-Benin participe à la création d’une réserve de biosphère transfrontalière du delta du Mono, qui a démarré en 2014 avec le soutien de l’Agence de coopération internationale allemande pour le développement (GIZ). Son volet terrestre concerne 9 000 hectares de mangroves, de marais et de forêts abritant une riche faune sauvage – hippopotames, lamantins, singes à ventre rouge endémiques de la région, antilopes, buffles et de nombreux oiseaux aquatiques. Les habitants de huit villages autour de la Bouche du Roy, l’extraordinaire lieu de rencontre entre le fleuve Mono et l’océan, qui peut se déplacer de centaines de mètres en une nuit, ont déjà été consultés pour faire le diagnostic des problèmes qu’ils rencontrent et participer à la cartographie des ressources et des lieux à protéger. « La réserve, c’est la prise de conscience de la dégradation des ressources par les populations, de la nécessité de les préserver, de leur donner de la valeur et de la visibilité », résume Moïse Koumassa, animateur de l’opération.
L’écotourisme apporte des revenus et donne une visibilité à cet environnement restauré. Depuis la construction de l’écolodge par les habitants sur la plage d’Avlo en 2013, six femmes ont été formées à l’accueil touristique et des pêcheurs sont devenus guides. « Cette activité de guide nous permet de montrer la mangrove et la Bouche du Roy, se félicite le pêcheur Pierre Doffon, mais aussi comment nous vivons. Nous organisons des circuits sur la fabrication du sel ou du toffee [un caramel de noix de coco]. » Les touristes peuvent aussi venir observer les tortues marines dont les œufs ne sont plus ramassés par les habitants, mais mis en sécurité dans l’écloserie de l’écolodge. L’an dernier, 2 000 tortues ont pu gagner la mer en toute sécurité.
Texte et photos : Catherine Sanson-Stern
Article tiré de Kaizen 25.
[1] Le palétuvier rouge, ou Rhizophora racemosa, est une espèce d’arbustes locale et pionnière des mangroves qui, avec ses racines-échasses, joue un rôle important de fixation des littoraux vaseux ou vaso-sableux et permet la création d’habitats pour les poissons et les crustacés.
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